TEMOIGNAGE // Guénaël Henri a un parcours atypique. Le genre de parcours qui range au placard toutes les excuses classiques d’un candidat classique : une école pas assez prestigieuse ? pas de temps ? pas de réseau familial ? pas d’argent ? Découvrez l’histoire de ce joueur de rugby qui s’est relevé après la faillite de son club et a transitionné vers une carrière en M&A, un monde à des années lumières de son BEP. Une belle leçon d’humilité et d’acharnement.

 

Si vous lisez ce témoignage jusqu’au bout, vous pourrez arriver à la conclusion suivante : la vie est faite d’opportunités et de rencontres, d’une succession d’épreuves, de réussites et d’échecs. Les plans de vie établis en amont sont appelés à être modifiés, voir chamboulés et vous amener à évoluer dans des milieux dont vous ignoriez ne serait-ce que la dénomination quelques années auparavant. La détermination est une arme face au destin. J’estime que ma vie et mon parcours en sont l’illustration. Je vais tenter de vous en dresser un résumé concis au travers de quelques faits marquants.

 

L’innocence. C’est ce que je retiens des mes premières années. Ma seule préoccupation d’alors était le rugby, je n’étais habité que d’un rêve : celui de devenir rugbyman professionnel. Très tôt mes atouts liés à mon physique imposant m’ont permis de bien tirer mon épingle du jeu et de susciter l’intérêt de grands clubs. J’ai alors eu l’opportunité de rejoindre le centre de formation du Castres Olympique.

 

L’espoir. J’ai grandi avec ce terme. Pendant mon adolescence on n’a cessé de me répéter que j’étais un grand espoir du rugby français. Accumulant des performances de haute volée et progressant en ligne ininterrompue, je commençais à croire fermement en mes rêves, j’envisageais alors une carrière de rugbyman au meilleur niveau. Rien ne semblait pouvoir entraver cette ascension vers le professionnalisme, j’enchainais les sélections régionales, je faisais partie du Top 100 de ma génération, je jouais des finales de championnat de France, j’étais capitaine, je connaissais mes premiers entrainements avec l’équipe professionnelle à 18 ans. Tout semblait alors me sourire. Fort de ces acquis je délaissais alors l’apprentissage scolaire; par péché d’orgueil sûrement. Tandis que les plus brillants élèves de ma génération suivait un parcours remarquable, du lycée renommé à la prépa,  je n’arrivais à décrocher qu’un BEP à 19 ans, puis un BacPro Commerce à 21 ans…

 

L’échec. La brutalité de celui-ci est certainement équivalente à la force des leçons que vous pouvez en tirer.  Mon premier accident de parcours est survenu lorsque j’ai dû renouveler mon contrat avec mon club. Mon directeur, qui m’assurait alors de son soutien, me trahissait quelques semaines plus tard, à quelques jours de la fin de la saison (et suite à un titre de champion de France) : je n’étais pas renouvelé au sein du club. Première baffe, mon orgueil en prend coup.

 

Vexé, je décide alors de quitter mon club formateur pour aller vers plus prestigieux, l’AS Clermont-Auvergne. Hélas, 2ème accroc dans mon parcours. Je n’arrive pas à m’intégrer et m’imposer dans cette nouvelle équipe qui est alors constituée de futurs grands du rugby. Les amateurs reconnaitront des noms tels que Wesley Fofana, Julien Bardy, Alexandre Lapandry, Loann Goujon, Kévin Gourdon, Raphael Chaume etc… Evoluer avec une telle équipe est un rêve de gosse, mon rêve de gosse. Pour autant, ce fut un cauchemar. Je sortais de mon statut de cadre au Castres Olympique pour devenir un joueur lambda voire mauvais, d’une équipe sans équivalent. Je ne me sentais même pas respecté par mes pairs.

Vous imaginez au combien il est difficile d’en arriver, dans un laps de temps si court, à remettre tout en cause, à douter de ses capacités à ne plus croire en ses rêves… Ces deux échecs successifs m’ont alors poussé à me tourner vers des clubs évoluant en Fédérale 1 (équivalent du national en football). J’espérais alors reprendre du plaisir à jouer au rugby, près de mes proches que j’avais quitté dès mes 14 ans. Quel plaisir de rejouer, de se sentir impliqué dans le futur d’un club, et de pouvoir côtoyer d’illustres inconnus ou de célèbres anciens comme le plus grand joueur de tout les temps, Jonah Lomu. Imaginez un peu avoir la chance de jouer Diego Maradona, Zinedine Zidane ou Roger Federer !

 

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La chute. Malgré des débuts prometteurs, le tableau s’assombrit rapidement.  Mon club dépose alors le bilan. Mes ressources financières très limitées, voire inexistantes, je cherche alors une solution de secours. En ayant joué toute sa vie au rugby, sans diplôme ou presque, cela relève d’une mission impossible. C’est à ce point précis que ma vie a pris un tout autre tournant.

Pourquoi as-tu arrêté tes études ? Sais-tu faire quelque chose de ta vie ? Tu n’es pas manuel, ton niveau d’études est mauvais. Es-tu réellement professionnel ? Comment préparer une reconversion, tu n’as aucun diplôme ? Comment sortir ma compagne de cette misère dans laquelle je l’ai amenée ?

Durant près de 5 mois, sans aucun revenu, je me levais tous les matins avec ces questions auxquelles je n’avais aucune réponse. A 22 ans, cette période fut un trou noir qui m’a totalement changé. Je rencontrai pour la 1ère fois la partie sombre d’un sportif professionnel oublié et délaissé, avec ses doutes, ses craintes, et aucun espoir.

 

La lumière. On dit que de l’ombre naît la lumière. J’y crois. Plusieurs clubs professionnels (ProD2) se sont alors manifestés afin que je les rejoigne mais un seul me proposait de reprendre mes études en BTS en alternance : le CASE Rugby, à Saint-Etienne. Au début, ce fut extrêmement compliqué, je devais enchainer deux à trois entrainements par jour si je souhaitais jouer, assumer ma scolarité tout en étant présent sur le lieu de mon entreprise d’accueil… autant le dire, presque impossible. La saison fut une galère incroyable mais une expérience humaine exceptionnelle, même si la relégation nous attendait à la fin…

Quand des agents m’appelaient, tous me proposaient des contacts avec des clubs professionnels mais aucun ne me permettait de reprendre des études. J’ai alors décidé de prendre alors l’une des décisions les plus difficiles de ma vie : abandonner le rugby professionnel et tenter de me reconvertir en suivant des études. Ce fut un drame pour moi, car tous mes rêves d’enfants venaient de s’envoler. Cependant, c’était le choix de la raison. Plus question de revivre les cauchemars précédents et amener ma compagne dans les profondeurs du stress et de l’incertitude. Mon choix fut le bon et je pense déterminant dans la suite de mon parcours. En effet, malgré mon faible niveau d’études et mon emploi du temps surchargé, je réussi à valider mon diplôme avec des notes surprenantes : je fus premier de ma promotion, un comble pour quelqu’un venant de Bac-4 !

Lorsque je me suis rendu compte que je pouvais faire autre chose que du rugby, j’ai retrouvé une ambition similaire à celle connue lorsque j’étais adolescent mais accompagnée cette fois-ci de modestie et de détermination.

 

La détermination est le chapitre de ce passage car mon BTS en poche, je pris la direction de Vienne afin de continuer mes études à Lyon, à l’IDRAC. Cette école était la seule permettant de concilier études visées et alternance. N’ayant pas de revenus suffisant pour financer moi-même le tout, je devais réaliser ce montage complexe. Je poursuivis mes études en Bachelor et dans une PME locale en négoce de matières premières. Cette année a été, je pense, une de mes plus grandes galères : debout tous les matins 5h40, retour à la maison pour 23h au mieux, et travail jusqu’au bout de la nuit pour rattraper les lacunes cumulées toutes ces années.

J’enchainais les activités sur différents sites, à Lyon, Saint-Etienne et Vienne… c’est comme dire à un habitant de Paris de vivre à Argenteuil, de travailler à Champigny-sur-Marne et de s’entrainer à Fontenay-aux-roses…

Mais pendant cette année difficile, j’ai rencontré mon professeur de finance : André Bœuf. Passionné et passionnant, il transpirait la finance, il l’aimait ! C’est cette rencontre qui a tout changé. Je découvrais la Banque d’Affaires et tous les métiers gravitant autour grâce à lui. Avec mes deux compagnons de route, Clément Michel et Mathieu Theuret, nous poursuivîmes le même objectif : intégrer une école plus prestigieuse, qui plus est proche de l’IDRAC : l’EM Lyon. Il était pour nous évident que sans ce sésame, nous ne pourrions rêver de ce métier.

Cependant, avec mon parcours chaotique, je me demandais comment intégrer cette école. Pourquoi vouloir un élève de 28 ans dans son programme réservé à des élèves aux parcours brillants ? Afin de réussir mon objectif, je me suis alors fixé un cap : rapprocher mon parcours au plus près de la banque. Mais en alternance, c’était impossible. Alors, une fois de plus, j’ai contourné les règles. On me l’a appris au rugby : « n’applique pas les règles, contournes les ». Ainsi, j’ai commencé par du contrôle de gestion à la direction régionale de la Banque Postale, puis en Master II, j’ai réussi à décrocher un poste en audit interne au sein du groupe Suez Environnement.

Durant ces 5 années, j’ai travaillé plus que quiconque pour atteindre mon objectif. J’ai fait preuve d’une détermination sans faille : je travaillais tous les jours, tôt le matin jusque tard le soir. Je passais mes week-end à travailler, je le faisais même dans le bus les jours de match. Je n’ai rattrapé mon retard et mes connaissances qu’à ce prix : rencontrer des dizaines de personnes travaillant dans le milieu, contacter l’ensemble des écoles, intégrer mes professeurs à mon projet. Je dépassais les 90 heures par semaine. Cette envie, je l’ai trouvée grâce à un ami avec lequel j’ai joué à Castres, il m’a inspiré : Marc-Antoine Rallier. Il est pour moi un exemple. Il n’était pas le meilleur d’entre nous mais il avait une telle détermination, un mental et une volonté, qu’il a dépassé tout le monde. En 2013, il fut champion de France – Top14 contre le Toulon de Jonny Wilkinson ou Matt Giteau. J’ai une réelle admiration pour lui.

 

La réussite. La résultante de tant d’efforts.

La récompense de mon acharnement fut mon admission au programme Mastère Spécialisé Ingénierie Financière de l’EM Lyon. Je pouvais enfin espérer intégrer une Banque d’Affaires. Pour être certain d’y arriver, je me suis donné toutes les chances : je me suis inscrit à la formation AlumnEye afin d’y trouver les clés de la réussite, clés qu’une école ne donne pas forcément. Elle vous enseigne la théorie, mais pas à vous mettre en valeur.

Suite à mon passage dans les locaux d’AlumnEye, j’ai rencontré d’autres personnes de milieux que je ne connaissais pas, comme Alban ou Elizabeth, futurs diplômés des plus grandes écoles (HEC, Audencia, Sciences Po, ESCP, etc.). Deux mois après, je décrochais mon stage en M&A chez Degroof Petercam Finance.

Lors de mon entretien, je n’ai pas su répondre à une question Brainteaser. Je conservai cette question en tête et envoyai la réponse le lendemain pour prouver un aspect de ma personnalité : je peux ne pas savoir, mais donne moi la chance de te prouver que je vais trouver la réponse, je la trouverai.

 

Ma vie est sur un rail, fait de looping, de chutes, d’envolées et de surplus d’émotions. Je pense avoir accumulé en 10 ans plus d’expérience que certaines personnes en 80 ans. J’ai vécu des galères financières, morales, familiales mais j’ai réussi à rebondir. Je ne peux pas dire que je n’ai pas eu de chance, mais je me suis battu pour la susciter.

Si je devais donner les clés de cette magnifique reconversion, passant du BEP à un Bac+5, du sport professionnel à la Banque d’Affaires : fixez-vous un cap, votre détermination est le gouvernail du vaisseau que vous pilotez. Elle ne dépend pas de vos capacités intellectuelles, de vos origines ou du milieu dans lequel vous évoluez. Elle ne dépend que de vous, puisez la force de la suivre en apprenant de vos échecs.

Enfin, partagez vos objectifs, vous n’en serez que plus fort. Pour ma part, ce fut ma compagne qui a été d’un soutien remarquable, toujours présente dans les moments de doute. Une aide sans doute inestimable sans oublier mes deux compagnons de route, Clément et Mathieu, qui ont été source de stimulation et de progrès.

Guénaël Henri