Si la concurrence est intense entre les acquéreurs, elle l’est tout autant entre les banquiers M&A. L’année 2015 avait été marquée par une croissance record du volume de transactions sur ce marché. Depuis, le volume des opérations a baissé dans le monde entier, en premier lieu en Amérique du Nord et en Europe. Ces résultats suggèrent que, malgré les faibles taux d’intérêt qui encouragent les entreprises à lever des capitaux pour financer des fusions-acquisitions, l’incertitude économique post-Brexit et pré-élections américaines les a poussées à attendre avant de se lancer dans de nouvelles opérations. En 2016, le marché mondial des fusions-acquisitions a donc reculé de 17% en volume, plafonné à 3,630 milliards de dollars. En France, le volume des transactions a reculé de 9% et ressort à 155,7 milliards de dollars (148,5 milliards d’euros), selon Thomson Reuters. Sur la période, les banquiers parisiens des boutiques M&A ont fait l’actualité. Certains ont développé des expertises sectorielles, d’autres ont renforcé leur couverture internationale, multiplié les rapprochements et les partenariats avec des confrères étrangers… Retour sur une année riche en consolidations.

 

Du mouvement dans le TOP 10

Les cartes ont été rebattues en 2016 : le trio de tête de 2015 – Bank of America Merrill Lynch, Morgan Stanley, BNP Paribas – s’est vu relégué en deuxième partie de classement. Pourtant tenant du titre, BAML chute à la huitième place, Morgan Stanley doit se contenter de la cinquième position en chutant de 3 places et BNP Paribas – longtemps en tête dans l’hexagone – rejoint la 9e place. Ce sont Rothschild & Co et Transaction R – sa filiale spécialisée dans les midcaps – qui ont pris la tête du classement. Rothschild & Co gagne trois places en un an, après avoir conseillé 123 transactions (soit deux fois plus que son dauphin Lazard, et quatre fois plus que le numéro 3, Goldman Sachs) générant 63,4 milliards de dollars. Entre autres, la boutique d’élite a conseillé la cession par Crédit Agricole SA de sa participation dans les caisses régionales (18 Mds€) et l’asset-swap entre Sanofi et Boehringer (11,4 milliards d’euros). Elle ne s’est pas arrêtée là, enchaînant la fusion de Technip avec FMC Technologies (5,6 milliards), la cession par Casino de sa participation dans le thaïlandais Big C Supercenter (3,1 milliards) ou encore la vente des centrales fossiles américaines d’Engie (3 milliards).

C’es qu’en effet, la baisse de l’activité concerne principalement les très grosses opérations. Le marché des acquisitions d’entreprises de plus petite taille a quant à lui marqué par son dynamisme. A l’échelle de la zone euro, le deal flow connaît une hausse de 12 %. Selon l’indice Argos Mid-Market de septembre 2016, « en dépit du ralentissement observé au 3ème trimestre 2016, le cycle haussier du M&A européen ne semble pas interrompu, porté par des facteurs économiques et financiers consistants : maintien des taux très bas, reprise progressive de la croissance, politique de croissance externe des entreprises ».

Face à la baisse de l’activité M&A post-crise financière et à la pénurie de mega-deals, de nombreuses grandes banques ont investi le terrain du M&A midcap. Les boutiques ont subi de plein fouet l’arrivée de nouveaux concurrents sur ce marché, elles sont donc de plus en plus nombreuses à s’allier pour rester dans la course. Cette stratégie semble payante : leur part du marché mondial passant de 20% à 45% entre 2000 et 2016 (selon le n° 1270 de Capital Finance). La dynamique des boutiques sur le marché du M&A midcap est notamment portée par la constitution de réseaux internationaux, en réponse à la hausse des opérations transfrontalières. D’après Baker & McKenzie, au troisième trimestre 2016, la valeur du M&A transfrontaliers a représenté 373 milliards de dollars au niveau mondial – soit 44 % de l’ensemble des opérations contre 41 % en 2015 – et 1 275 deals ont été recensés – soit 34 % du total des fusions-acquisitions, contre 36 % en 2015. Cette tendance de fond favorise donc l’accélération de la consolidation sur le marché des conseils qui a marqué, ces derniers mois, à Paris.

 

    PRÉPARE TES ENTRETIENS TECHNIQUES EN CORPORATE FINANCE

Découvre gratuitement les questions techniques en entretien de M&A, Private Equity, etc., corrigées par un pro.

LA4Lire aussi : M&A : pourquoi pas une boutique ? Où postuler ?

 

Une offre de services renouvelée

En mai 2015, Natixis a pris un virage stratégique visant à diversifier son offre de services financiers et à développer des activités faiblement consommatrices en capitaux dites «asset light». Le groupe français, filiale de la BPCE, a ainsi pris une participation de 75% dans Leonardo & Co France – banque d’affaires midcap du groupe italien Banca Leonardo. Ce sont ainsi 25 banquiers d’affaires qui rejoignent Natixis. Ils seront suivis par 9 espagnols issus de l’acquisition de 360 Corporate Finance en novembre 2015, et une cinquantaine de banquiers américains issus du rachat de Peter J. Solomon Company en juin 2016. En moins de deux ans, Natixis s’est ainsi constituée une équipe d’environ 90 banquiers, disposant d’une force de frappe sur le vieux continent comme outre-Atlantique.

En parallèle, en octobre 2015, la banque belge Degroof – repreuneur d’Aforge Finance en 2008 – s’est rapprochée de la société de Bourse et de gestion Petercam. La nouvelle entité, Degroof Petercam, est présente dans neuf pays. En France, elle mise sur les trois métiers que sont la gestion de fortune, la banque d’affaires et la gestion d’actifs. Elle entend ainsi développer des synergies et offrir à ses clients une large palette de services.

Cette même année, Oddo & Cie finalise l’acquisition de Close Brothers Seydler. Oddo Seydler entend créer un leader franco-allemand de la banque privée dans la zone euro. Ce rapprochement traduit la volonté du groupe de créer un champion européen dominant le marché des valeurs de taille moyenne. Au premier semestre 2016, Oddo s’est de nouveau illustrée en bouclant avec succès son OPA sur le groupe financier BHF Kleinwort Benson, dont il détient désormais 97,22 % des parts. Ce début d’année 2017 marque un tournant pour Oddo Seydler et la banque d’affaires Messier Maris & Associés : ils ont annoncé la création d’une joint-venture non capitalistique dont le but est de conseiller les entreprises du SBF 120 (plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires) pour leurs projets d’introduction en Bourse, émissions d’actions et reventes de titres de participation.

LA4Lire aussi : Allen & Co. et Qatalyst, deux boutiques M&A qui jouent les trouble-fêtes

 

Renforcement de la couverture internationale

La boutique Aelios Finance fut pionnière dans le développement de sa couverture à l’international, initiant la création de l’alliance M&A International en 1985. Forts de ce succès, ses dirigeants ont encouragé le regroupement des membres de l’alliance sous la même entité et ont fait naître Oaklins en octobre 2016. Ce sont donc 46 membres de l’alliance M&A International qui constituent un réseau de 700 banquiers, présents dans 60 bureaux à travers le monde, auteurs de 162 transactions en 2016. Selon le classement annuel 2015 Thomson Reuters, Oaklins – anciennement M&A International, Inc – était classé 6ème banque d’affaires mondiale mid-market pour des transactions inférieures à 500 million de dollars. L’initiative n’est pas isolée, au mois de mars Easton Corporate Finance s’était alliée avec Clearwater International pour structurer une offre M&A mondiale et disposer d’une présence aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. Si les deux entités travaillaient conjointement depuis déjà quatre ans, Easton Corporate Finance s’adosse ainsi à un réseau puissant de quinze bureaux et 200 collaborateurs pour accompagner ses clients sur de nouveaux marchés. En parallèle, la prise de participation minoritaire (35%) du Crédit Mutuel Arkéa au capital de Clearwater, permettra à la banque d’affaires de bénéficier d’un partenaire bancaire de taille pour développer son offre auprès d’une large clientèle de professionnels.

Enfin, le groupe financier espagnol N+1 cotée à Madrid, présent dans la banque d’affaires et la gestion d’actifs, a décidé d’adopter une nouvelle identité. Rebaptisé Alantra depuis septembre 2016, ce changement de marque a permis de rassembler sous une seule bannière des maisons aux noms dissonants – N+1 Downer, N+1 Swiss Capital, N+1 Daruma, Dinamia – qui avaient rejoint le groupe au fil de son expansion internationale. Le groupe espagnol avait ouvert un bureau parisien en janvier 2015, il a par la suite racheté en novembre l’américain CW Downer – 40 professionnels dans six pays – avant d’entrer en Amérique Latine avec l’acquisition de Landmark Capital en 2016. Le groupe ne manque pas d’appétit, et a pour ambition de devenir un acteur global, leader sur le segment mid-market. Il regroupe aujourd’hui 250 banquiers d’affaires à travers 19 pays ; en 2016, les équipes d’Alantra ont conseillé 147 opérations de fusions-acquisitions.
La plupart de ces rapprochements sont motivés par la recherche d’une taille critique et l’accès à l’international. Pour faire face à la concurrence des mastodontes de la banque d’affaires qui dominent les classements, les conseils indépendants sont confrontés à la nécessité de développer des réseaux internationaux. Leur implantation locale leur permettant alors de capter la demande et d’accompagner leurs clients en quête de relais de croissance hors de leurs frontières. Les rapprochements font donc gagner un temps précieux aux boutiques M&A. Développer de nouvelles compétences, ou encore bénéficier d’un accès international, leur permettent de croître et d’offrir une palette de services diversifiés à leurs clients, et en un temps record.

 

Paul Morvannic, étudiant à Kedge Business School et contributeur du blog AlumnEye