Barclays s’est positionné en pionnier l’an dernier en implémentant des entretiens vidéos. Les entretiens de la banque retail de JPMorgan utilisaient déjà HireVue, ce process couvre désormais aussi la banque d’affaire du groupe. Enfin, le Financial Times a annoncé il y a quelques mois que Goldman Sachs se joignait au mouvement cette année. Candidats aux Summer Internships ou Graduate Programs des anglo-saxonnes, lisez attentivement. Cela vous évitera, peut-être, surprises et balbutiements face à votre webcam.

 

HireVue, qu’est ce que c’est ?

Une plateforme digitale qui se substitue progressivement aux premiers tours classiques des entretiens conduits par les banques d’investissement. Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? La question apparaît sur votre écran, vous disposez d’un temps limité pour la lire puis y répondre face à votre caméra. Attention, vous ne pourrez pas réengistrer votre réponse ! Le scénario le plus vraisemblable se décompose en deux étapes. Il vous sera d’abord demandé de vous présenter et exposer votre motivation – sorte de Cover Letter verbalisée – ou de répondre à quelques questions générales. Une fois cette étape éliminatoire franchie, place à un entretien plus structuré. Des questions plus précises vous seront alors posées via cette même plateforme.

Cependant, Hirevue ne se résume pas qu’à des questions préenregistrées… Le système est doté d’une intelligence artificielle compilant et analysant les réponses de chaque personne à partir des réponses des précédents candidats. Les réponses sont alors décortiquées à la lumière des caractéristiques repérées chez les meilleurs. Respiration, vocabulaire, mouvements oculaires, débit, valence, niveau de stress dans la voix, … La liste est longue. Plus de 15 000 traits sont potentiellement identifiables chez les top performers. Les candidats n’ont d’ailleurs conscience que de peu de ces éléments durant leurs entretiens ; HireVue les analyse tous.

 

Pourquoi les banques ont-elles choisi la vidéo ?

On connaissait les processus de recrutement anglo-saxons pour leur objectif affiché d’objectivité et de non discrimination. L’adoption de HireVue s’inscrirait dans cette démarche. Officiellement, les changements permettent d’élargir le panel de candidats interviewés pour deux raisons. D’une part, ce système ne requérant a priori pas d’employés pour conduire l’interview, davantage de candidats peuvent passer l’entretien. D’autre part, les talents ne provenant pas des fameuses target schools voient leurs chances rehaussées en l’absence supposée de biais lors de l’interview. Il est en effet plus probable qu’un candidat ayant suivi un parcours similaire à l’interviewer, développe avec lui des affinités particulières, augmentant ses chances de succès (mêmes centres d’intérêts, associations, connaissances, …).

Ne vous leurrez pas, l’adoption de HireVue obéit essentiellement à une logique financière simple. Les banques cherchent à économiser temps et argent dans le recrutement de leurs juniors. On touche ici du doigt une contradiction fondamentale des banques. Chacune promeut une culture, soi-disant unique, axée autour d’un socle de valeurs. Cependant, en cherchant à recruter des candidats animés par ces mêmes valeurs, les firmes introduisent d’elles-mêmes un biais dans le processus de sélection ! Le fameux biais humain que leurs stratégies de communication décrient est bel et bien présent dans le processus ; et le restera. C’est simple, les seconds tours d’entretiens – même téléphoniques – les assessment centers, et événements de networking demeurent des piliers des processus anglo-saxons. Les entretiens de fit visent à discerner les futurs collaborateurs avec lesquels il fera bon travailler et interagir ; la sacralisation d’un algorithme impartial est donc vite oubliée !

Enfin, la méthode initiale de sélection choisie par les banques n’influera pas sur la réussite des meilleurs candidats qui tireront toujours leur épingle du jeu jusqu’aux assessment centers.

 

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Usez de bon sens et n’oubliez pas les fondamentaux 

L’adoption de HireVue par les banques ne bouscule finalement pas les conseils qu’on ne répète jamais assez. Gardez en tête de formuler des réponses structurées – clin d’œil ici au fameux modèle STAR – tout en veillant à votre body language. Pour autant, ce nouveau mode de sélection implique des recommandations spécifiques qu’il est bon de mentionner.

 Entraînez et enregistrez-vous
Familiarisez-vous avec l’exercice, qui est tout sauf naturel. Mieux vaut vous entraîner et vous enregistrer avec votre webcam avant, afin d’être conscient de l’image que vous renvoyez. Comment vous exprimer, vous comporter, interagir avec, et face, à la caméra ? Autant de questions qu’il faut vous poser avant de passer de l’autre côté de l’écran.

Pour réussir, préparez-vous
Une préparation exhaustive et complète reste de rigueur pour se mesurer à la sélectivité implacable en banque d’investissement. Moins de 2% des candidats décrochent un summer internship. Avec ou sans HireVue, un candidat mal ou peu préparé bafouillera, tournera autour du pot, ne contrôlera pas son débit… Et surtout, ne maîtrisera pas le fameux story telling, cruellement indispensable à la réussite des entretiens de fit.

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Ne devenez pas fade ni antipathique
Certes, vos réponses doivent être claires et structurées. Mais, l’épreuve que vous passez reste un entretien au cours duquel votre objectif est de vous vendre ! Vous vous adresserez à un ordinateur, mais devrez tout de même exploiter au mieux vos talents de communiquant. Usez du story telling précédemment évoqué, pour faire ressortir votre personnalité, car la forme de vos réponses aura autant d’importance que leur fonds.

Même chez vous, respectez le dresscode
Si l’algorithme évaluera votre débit ou votre vocabulaire, il prendra aussi peut-être en compte la façon dont vous êtes habillé. Pas de place pour le laisser aller et l’excentricité : habillez-vous comme si vous vous rendiez au siège londonien de la banque qui vous interview. Vous ne vous rendriez pas au siège de Goldman Sachs en t-shirt…

 

Une sélection de tips de candidats ayant réussi

Au delà de ces considérations théoriques, voici un aperçu pratique de ce qui vous attend et les recommandations de ceux qui vous auront précédé, devant leur webcam.

La principale difficulté réside dans le manque d’humanité : « impossible de créer de lien avec un RH ou opérationnel comme on le ferait normalement dans un 1st round, et impossible de préciser, ou de revenir sur une réponse ». C’est « assez difficile d’avoir l’air enthousiaste à propos d’un poste quand on se parle à soi-même pendant une interview… ». Vous ne bénéficiez par ailleurs pas de feedback en direct, et voir les secondes s’écouler sur le timer constituera un facteur additionnel de stress. « On se retrouve souvent à court de temps à la fin de la question et on bâcle donc la dernière partie. L’autre risque, c’est d’être conscient de ce problème et donc anticiper et être expéditif au début et « meubler » sur la fin ».

Cependant, choisir son horaire d’entretien et le réaliser chez soi peut mettre davantage en confiance. Pour autant ne soyez pas trop à l’aise : trouvez un juste milieu. Vérifiez la posture, l’angle de prise de vue, le son. La préparation se doit d’être encore plus poussée pour ne pas perdre vos moyens face à une question – de surcroît si elle vous surprend. « Mon conseil serait donc d’essayer de paraître le plus naturel possible sur la vidéo, bien préparer les questions et apprendre ou au moins maîtriser ses histoires pour pouvoir les redire devant la caméra sans donner l’impression de lire ».

« Pour préparer au mieux ce type d’entretien, le mieux c’est de récolter les questions déjà posées autour de soi, préparer les réponses (et ne surtout pas les rédiger, mais se contenter de faire des bullet-points qui serviront d’aide-mémoire). Pendant que la vidéo défile, une fois qu’on repère de quelle question il s’agit, on se remémore les points clés de la réponse qu’on aura préparée et on se met en condition pour répondre ».

 

Une chose est sûre,s’il fait ses preuves, ce virage technologique prendra une importance croissante dans les processus de recrutement. Goldman Sachs a déjà implémenté des nouveautés dans son organisation. Une campagne Snapchat à destination des universitaires américains a été lancée fin 2015 ; un « career quiz » disponible sur le site de la banque, s’apparentait à un test de personnalité censé évaluer le succès professionnel des candidats. Ces derniers devront, certes, faire avec ces innovations, mais aussi garder en tête les fondamentaux leur permettant de décrocher l’offre pour lesquels ils triment. Affaire à suivre, donc.

Marine Cocaud, étudiante à l’EDHEC et contributrice du blog AlumnEye