Octobre 2017 : EDF Renouvelables (EDFR) entre à hauteur de 50% au capital d’EnterSolar, société américaine fournissant de l’électricité issue du photovoltaïque à des industriels aux États-Unis. De plus, EDFR apportera des fonds supplémentaires pour accroître la capacité d’investissement. Une dernière acquisition pour clore la belle année de la filiale d’EDF spécialisée dans la production d’énergies renouvelables.

De nombreux exemples similaires ont ponctué 2018, mais dans des proportions encore limitées. La finance est-elle prête à soutenir, dans les années à venir, une croissance verte en poussant les entreprises à multiplier les investissements et acquisitions dans le secteur des énergies renouvelables ?

Un marché prêt à prendre son envol ?

Le secteur de l’énergie renouvelable a été particulièrement dynamique en 2018 – +14% de production aux USA, +6,6% en France et +5,2% au niveau mondial – comme en atteste la performance symbolique de l’Allemagne, qui a produit en 2018 plus d’électricité à partir de sources renouvelables que fossiles. En France, les Programmations Pluriannuelles de l’Énergie présentées en Novembre dernier font entrer le pays dans une logique de croissance verte à long terme : d’ici 2028, on ne devra pas émettre plus de 227 millions de tonnes de CO2 issues de la combustion de fossiles soit 43% de moins qu’en 1990 (année de référence pour la comptabilité carbone de l’ONU). Globalement, on prévoit des croissances respectives de l’ordre de 17% et 28% pour l’éolien et le photovoltaïque pour l’année 2019.

Plus qu’une prise de conscience collective, cette tendance écologique semble être portée par la belle rentabilité de ces projets. Un des facteurs de rentabilité est notamment la baisse du coût des technologies vertes : une cellule photovoltaïque est 10 fois moins chère qu’il y a dix ans, tandis qu’une éolienne l’est deux fois moins qu’en 2009. Et demain ? Les coûts devraient respectivement baisser de 59% et 26% d’ici 2025. En considérant un prix de l’électricité constant, voire en hausse – ce qui est fortement probable à la vue de l’accroissement de la demande et la baisse des stocks d’énergies fossiles – cette baisse drastique de coûts annonce une importante hausse de la rentabilité des énergies renouvelables dans les années à venir.

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Des acteurs aux profils très différents

Le marché français est assez complexe : aux côtés des mastodontes EDF, Engie et Total, ont émergé des ETI comme Neoen et Akuo ainsi que des PME telles que La Compagnie du Vent et Urbasolar. Si les premiers disposent de fonds importants, les seconds ont des success-story différentes.

Depuis sa création en 2007, Akuo, producteur d’énergie renouvelable en France, s’appuie sur de nombreuses sources de financement : des particuliers (grâce à sa plateforme de financement participative), des investisseurs (à travers des émissions obligataires « vertes », dette mezzanine) mais aussi et surtout des emprunts bancaires qui représentent 80% du financement de chaque projet. Avec plus de 2,1Md€ investis en près de 10 ans, Akuo occupe une place de choix dans l’organigramme écologique français.

L’entreprise française de production d’énergie renouvelable Neoen a quant à elle suivi un chemin différent depuis sa création en 2008. Le 16 octobre 2018, le groupe s’est directement introduit en bourse afin de lever près de 700M€ nécessaires à la poursuite de son plan de développement. Outre 25% de capital flottant, Neoen s’appuie sur différents fonds d’investissements (dont Bpifrance) et un fort endettement long-terme pour garder son rythme de croissance à deux chiffres.

Ces deux ETI aux croissances importantes (+17% et +21% en 2018) font office d’exception en France et gardent leur indépendance. Du côté des géants, on notera l’acquisition de Direct Energie en avril dernier par Total pour 1.4Md€. En effet, en 2018, Total a investi plus de 3Md€ et ainsi réalisé 129% de croissance dans sa Business Unit « Gas, Renewables and Power », qui compte déjà pour plus de 20% de ses investissements. Direct Energie avait lui-même racheté le producteur d’énergie photovoltaïque Quadran pour 400M€ sept mois avant son acquisition.

On assiste ainsi à une consolidation du marché des énergies renouvelables dans lequel se dégagent clairement des acteurs clés. Si les géants ont des forces de frappe inégalées qui leur permettent de multiplier les acquisitions ; certaines start-up aux trajectoires exponentielles profitent de leur souplesse pour diversifier leurs sources et formes de financement. Ainsi, le marché français est assez représentatif des mutations mondiales où se multiplient les rachats par les géants pétroliers souhaitant diversifier leurs activités (Shell, Chevron, Exxon…) et les start-up cherchant à surfer sur la vague. Selon PwC, 2017 aurait même été une année record en matière de fusion-acquisition dans le secteur des énergies renouvelables avec près de 300Md$ investis (+47% par rapport à 2016). Toutes ces opérations contribuent à consolider un marché qui semble désormais atteindre une certaine maturité et dont la grande diversité d’acteurs le rend plus concurrentiel à un niveau mondial multipliant ainsi les opportunités financières pour les investisseurs.

Des sources de financement diverses

Comme en attestent notamment Neoen et Akuo, les profils des investisseurs dans le secteur des énergies renouvelables se révèlent extrêmement variés.

On y trouve tout d’abord des grandes entreprises, dont le corps de métier est souvent l’énergie. A l’exception d’Areva, qui a finalement revendu ses actifs engagés dans l’éolien, les bioénergies et l’hydrogène, toutes ont réussi ce défi. Ainsi Total, Engie et EDF ont consacré une partie de leurs ressources à l’acquisition de PME ou à la création de départements spécialisés en énergie renouvelable au sein de leur groupe. Ces nouveaux départements pèsent peu en termes de chiffre d’affaires mais marquent une réelle volonté d’investir dès aujourd’hui dans un secteur porteur et prometteur.

Les ETI citées plus hauts sont bien plus récentes et ont fait appel à des investisseurs variés : fonds d’investissement, fonds de Private Equity et banques, qui ont contribué à leur financement via des prises de participation dans leur capital, des engagements dans des programmes obligataires ou encore des prêts à long-terme. Aujourd’hui considérés comme matures, les projets photovoltaïques et éoliens sont généralement financés avec 20% de fonds propres et 80% de dettes soit un levier relativement important. L’aide de la Bpifrance et d’autres banques ou investisseurs de renommée dans les projets sont gage de qualité pour ces jeunes entreprises, qui arrivent à maturité avec des sources de financement et des business models stables et robustes.

Enfin, dans une moindre mesure, les particuliers ont la possibilité de contribuer par des plateformes de financement collaboratif. Celles-ci proposent des taux d’intérêts aux environs de 4% sur des durées d’investissement moyens de 3 à 4 ans soit une rémunération supérieure à grands nombres de produits bancaires peu risqués. Cette source de financement ne représente encore qu’une part infime des investissements mais démontre l’engagement et la prise de conscience collective des individus sur les problématiques écologiques.

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La responsabilité du secteur financier

Les responsables financiers jouissent aujourd’hui d’un poids prépondérant dans les décisions et choix d’investissements. Que ce soit en entreprise, en banque ou au sein des gouvernements étatiques, le pragmatisme financier a souvent le dernier mot ce qui lui confère des responsabilités importantes. En effet, un bon investissement écologique doit pouvoir : anticiper des tendances, répondre à des besoins environnementaux et sociétaux, créer de la richesse et assurer un bon retour sur investissement.

Ainsi, outre une rentabilité en hausse, des changements profonds de société semblent amener les énergies renouvelables sur le devant de la scène. Aujourd’hui, on évalue une rentabilité moyenne de l’ordre de 7% à 8% sur ce type de projets en France, selon la CRE –Commission de Régulation de l’Energie- dans sa dernière étude datant de 2015. De plus, les perspectives de croissance dessinent un marché extrêmement porteur dans les décennies à venir. Cette tendance est largement confirmée par la dernière prise de parole du gérant de fonds américain BNY Mellon (1800Md$ d’actifs sous gestion) qui place les énergies renouvelables parmi ses 4 piliers d’avenir.

Avec un besoin de financement mondial de près de 4000 Md$ d’ici 2030, le chantier d’une croissance verte à long terme est vaste. Les Etats seuls ne semblent pas en mesure de répondre en totalité à ce besoin de financement, ne pouvant répercuter tous les importants investissements initiaux sur les contribuables. Nous en revenons alors aux responsabilités des acteurs financiers, qui doivent dès aujourd’hui se saisir des opportunités qu’offrent le marché des énergies renouvelables. Investisseurs institutionnels, banques, entreprises privées, fonds d’investissement ou particuliers ; les portes d’entrées sont multiples !

Théophile Augustin, étudiant à HEI Lille et contributeur du blog AlumnEye