« Depuis sa création en 2011, l’application mobile Lydia connaît une popularité grandissante. Si la rapidité des transactions qu’elle permet a tout d’abord séduit le milieu étudiant pour des usages limités à la sphère privée, l’application peut à présent être utilisée dans des enseignes mondialement connues telles que Cdiscount, Undiz, Franprix ou Tupperware. Le fondateur de l’application, Cyril Chiche, a accepté de répondre à nos questions pour nous livrer les clefs de sa réussite ainsi que ses ambitions de développement».

 

Bonjour Monsieur Chiche, merci pour cette interview ! Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J’ai intégré l’ISG en 1995. Malgré ma passion pour la mode, le luxe et plus généralement pour les sujets d’artisanat très haut de gamme, j’ai finalement exercé exclusivement dans des start-ups aux profils différenciés : business et marketing, levées de fonds ou encore ressources humaines.

J’ai travaillé dans le domaine du stockage à vendre aux banques et les ai accompagnées dans leurs projets de développement dans le secteur. J’ai également remarqué qu’en Afrique et Asie, les virements se faisaient de manière presque informelle. A travers mon implication dans le domaine des transactions en salle de marché, j’ai réalisé qu’en réalité, même dans ces endroits dotés des meilleures technologies, les transactions ne sont pas instantanées, loin de là. Si pour mes besoins personnels, un virement met au minimum deux jours avant d’être effectué, dans les salles de marchés il existe également une chambre de compensation qui effectue les transferts de propriété de l’argent une demi-journée plus tard.

A travers cette analyse, j’ai eu l’idée de mettre en place un système sur téléphone qui annihile les désagréments causés par la lenteur des virements bancaires : un système simple, instantané et transparent. Après avoir rencontré Antoine et avoir travaillé six mois sur le projet, Lydia fut créé.

 

Lydia, qu’est-ce que c’est ? Quelques chiffres à partager sur l’application ?

 

Lydia est une application de paiement mobile gratuite utilisable entre particuliers, en magasin ou encore en ligne. C’est l’application la plus importante en France avec 1 million d’utilisateurs. Chaque jour, 2000 utilisateurs supplémentaires rejoignent la communauté Lydia. Le nombre d’utilisateurs croît de manière exponentielle : il a en effet augmenté deux fois plus durant les 12 derniers mois que pendant les 40 mois consécutifs à sa création. Pour ce faire, nous répertorions des cartes bancaires ou encore des outils fournis par des banques.

 

Cela ne fait pas de nous pour autant une banque : une banque est en effet réservée à des sociétés réglementées. Son activité est la transformation des dépôts en crédits en effets de levier. Nous n’effectuons pas ce genre d’activité car notre objectif est de donner aux utilisateurs les outils pour transférer leur argent.

 

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Les écoles sont-elles le terreau de vos futurs clients ?

Les écoles et université sont toujours des endroits extraordinaires pour se développer car les étudiants sont ce que l’on pourrait appeler des « mobile natives ». Les modes de vie qu’ils ont ne sont pas compatibles avec la lourdeur de la banque. Leurs attentes ne collent pas avec la stratégie des banques. Avec Lydia, nous avons analysé ces attentes et apporté la plus-value souhaitée.

Par chance, l’application s’est développée avec une grande viralité : les étudiants ont rapidement adopté le mode de paiement au sein de leurs écoles ou universités ; au fil des années, les anciens des écoles ou universités deviennent des ambassadeurs de l’application dans leur entreprise tandis que les nouveaux arrivants téléchargent rapidement l’application afin de rentrer dans la dynamique transactionnelle du campus.

Pour répandre l’application, nous avons eu recours aux associations étudiantes afin de généraliser les paiements via Lydia aux cafétérias ou bars des campus, mais nous nous sommes également imposés dans les billetteries des écoles. Les billetteries permettent en effet aux étudiants d’acheter leurs places en avance pour un évènement de l’école. Le traditionnel virement bancaire s’est effacé pour laisser place à un moyen de transaction plus rapide et plus simple pour les débiteurs comme pour les créditeurs : Lydia. La billetterie est un outil très raffiné et développé pour les campus. Le fait que tous les étudiants utilisent, pour acheter leurs billets, le mode de paiement Lydia, maximise le rendement de la billetterie. Sur les campus, il est finalement devenu presque indispensable d’utiliser l’application mobile.

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Quels sont vos enjeux du moment ?

Nous faisons face à trois grands enjeux.

Tout d’abord, nous voulons aller encore plus loin dans la fonctionnalité Lydia qui permet d’offrir à tous des solutions pour pallier à la lenteur des banques. Nous sommes en développement d’un projet de partenariat avec Applepay afin de n’avoir plus besoin d’aucune carte de crédit sur soi pour effectuer ses achats (même avec trois comptes bancaires !). Il s’agirait en effet de pouvoir payer avec Lydia la totalité des transactions journalières (même les factures mobiles ou de consommation).

Nous avons également l’ambition de nous développer à l’international en nous implantant en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne ou au Portugal afin de saisir les opportunités de ces pays. D’ailleurs le développement de Lydia est déjà bien entamé en Angleterre.

Nous voulons finalement doubler notre nombre d’utilisateurs pour 2018 afin de définitivement conserver le leadership sur ce domaine.

 

La réglementation bancaire est-elle un outil de blocage au service des banques traditionnelles, ou une opportunité pour vous et pour les Fintech ?

La réglementation bancaire est une opportunité extraordinaire pour nous. C’est une opportunité historique que d’avoir accès de manière carrée et sécurisée à toutes les informations sur les comptes bancaires pour offrir ensuite des services. France Fintech, dont je suis Vice-Président, fait du lobbying pour faire avancer les choses dans ce sens-là.

Mais nous nous rendons aussi compte que la fraude est un problème dans l’utilisation de l’électronique, d’où l’accroissement de l’exigence des consommateurs en terme de sécurité des données. Afin d’éviter le 3D secure que refusent les deux enseignes utilisant le paiement Lydia, Franprix et Cdiscount, la solution est de faire appel à des wallets pour gérer ces attentes. Nous n’avons aucune animosité avec les banques car nous ne marchons pas dans leur business. Nous débitons directement la carte du client, alors que le fait de retirer de l’argent au distributeur coûte à la banque. Nous réduisons les transactions en espèces donc nous rapportons même de l’argent aux banques.

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Votre plus grande fierté ?

Ma plus grande fierté est de toujours réussir des actions que les experts prétendent impossibles. Je suis fier d’être celui qui, au départ, ne connaît rien, mais qui, grâce à son ingéniosité et sa persévérance, remporte le défi. L’application recueille des notes extraordinaires sur l’Apple store ; c’est même l’une des mieux notées sur les 20 Apps les plus téléchargées. C’est une grande fierté d’avoir monté une équipe d’individus passionnés qui sont aujourd’hui des experts sur cette thématique.

Je suis très fier quand j’entends des gens utiliser Lydia ; l’autre jour au cinéma, j’ai entendu un jeune homme se faire taquiner par ses amis car il n’utilisait pas Lydia par exemple. D’un point de vue personnel aussi, mes enfants me considèrent comme « papa superman » ; c’est très gratifiant.

 

Votre plus grosse galère ?

Nous connaissons chaque jour de nombreuses galères.

Une grosse déception a été lorsque nous avons voulu généraliser le paiement Lydia pour les professionnels n’acceptant pas la carte bleue comme les médecins ou taxis. Nous avons développé le projet pendant deux ans sans se faire payer pour finalement le voir refusé.

Il est également difficile de recruter les bonnes personnes, de les garder et de les faire évoluer, surtout dans un environnement concurrentiel comme celui-ci. L’extension de Lydia au Royaume-Uni a également été une grosse galère : nous n’avions pas bien mesuré toutes les adaptations à effectuer : par exemple, les anglais n’utilisent pas les IBAN mais la combinaison sort code et account number.

Mais d’un autre côté, ce sont les défis du métier, c’est ce qui nous donne envie de nous lever le matin. Si nous n’avions pas à surmonter toutes ces galères, nous nous ennuierions ! Tout entrepreneur, même très à l’aise dans son domaine, connaît toujours des imprévus, des jours de galère et des jours de victoire.

 

Quel conseil pour un étudiant qui s’intéresse aux fintech ?

Pour être recruté dans le domaine de la fintech, il faut tout d’abord avoir très envie de travailler. La boite veut accomplir de grandes choses avec des moyens limités donc a besoin exclusivement de personnes passionnées. Pour monter sa boite, beaucoup de qualités sont requises, mais il ne faut pas oublier de passer beaucoup de temps sur la phase préalable de la création : il ne faut pas hésiter à se poser les questions qui fâchent (par exemple, combien de temps peut-on rester sans être payé ?). Le chemin est fastidieux, semé d’embûches, rien n’est sûr et tout est plus long que prévu.

 

Un message à faire passer aux lecteurs du blog AlumnEye ? 

Mon message : il ne faut pas avoir peur d’essayer. Toutes les innovations qui changent notre quotidien viennent de gens sans a priori. Il ne faut pas avoir peur de se tromper, c’est la clef du succès.