Suite au succès qu’a connu le premier rapport “Lions on the move: The progress and potential of African economies” (2010), le McKinsey Global Institute (MGI) a décidé de publier un deuxième opus en fin d’année 2016 : “Lions on the move II: Realizing the potential of Africa’s economies”. Relayées par The Economist et The Wall Street Journal, ces publications d’une centaine de pages ont très largement contribué au regain d’intérêt que suscite le continent africain, notamment dans les secteurs de la santé, de la construction, de l’agroalimentaire et des services financiers. Les acteurs privés et publics de ces derniers sont des pourvoyeurs de missions pour les cabinets de conseil en stratégie qui investissent de plus en plus le continent afin d’exploiter son potentiel économique, culturel et humain et de saisir les nombreuses opportunités entrepreneuriales.

 

Grands cabinets internationaux ou petites boutiques spécialisées ?

 

McKinsey & Company – The numbers highlight Africa’s acceleration and the opportunity for business

Tout d’abord, concernant les MBB (McKinsey, BCG, Bain), c’est McKinsey qui dispose du plus grand nombre de bureaux sur le continent (7). Dans la nouvelle étude Africa’s Business Revolution: How to Succeed in the World’s Next Big Growth Market (novembre 2018) menée notamment par Acha Leke (directeur de la zone Afrique chez McKinsey), il apparaît que l’Afrique est à l’aube d’une croissance exponentielle portée notamment par le doublement de sa population d’ici 2050 et son urbanisation qui devrait être la plus rapide du monde. Le Boston Consulting Group dispose quant à lui de quatre bureaux africains et propose un programme spécifique aux candidats qui souhaiteraient travailler en Afrique (Africa Talent Program). Ce dernier permet aux intéressés de passer une ou deux années dans un bureau européen ou américain du BCG avant de s’établir de manière permanente dans une des offices africaines du cabinet. De son côté, Bain repère les ressortissants africains des MBA (notamment américains et français) afin de les orienter vers Bain Afrique et notamment vers ses bureaux à Lagos et Johannesburg qui travaillent en étroite collaboration pour couvrir le marché africain.

Des cabinets de tailles plus modestes interviennent aussi. Altai Consulting, qui intervient par ailleurs dans d’autres zones en développement, a aujourd’hui plusieurs bureaux sur le continent comme en Libye ou en Tunisie. Certaines institutions se sont même spécialisées sur le continent africain et n’acceptent donc que des missions provenant d’acteurs de ce continent. Créé par trois anciens de McKinsey, le cabinet de conseil en stratégie et de conseil financier Okan (du nom d’un grand arbre peuplant les forêts tropicales d’Afrique occidentale) est ainsi dédié à l’Afrique et intervient dans les secteurs suivants : Infrastructures & Energie, Agriculture & Agro-industrie, Ressources naturelles, Biens de consommation & Distribution, Banques & Assurances, Secteur public & RSE. Avec un bureau à Paris, les consultants de cette jeune structure créée en 2011 sont donc amenés à voyager plusieurs fois par mois en Afrique.

 

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Localisation des bureaux africains

 

Voici la répartition des bureaux africains des trois MBB :

McKinsey & Company : Casablanca (Maroc), Johannesburg (Afrique du Sud), Luanda (Angola), Le Caire (Egypte), Addis Abeba (Éthiopie), Nairobi (Kenya), Lagos (Nigeria)

Boston Consulting Group : Casablanca (Maroc), Johannesburg (Afrique du Sud), Lagos (Nigeria), Luanda (Angola)

Bain & Company : Lagos (Nigeria), Johannesburg (Afrique du Sud)

Au vue de la liste précédente, il apparaît clairement que les grandes marques du conseil en stratégie privilégient les économies et les populations importantes avec de grandes perspectives de développement pour installer leurs équipes en Afrique. On retrouve ainsi les trois MBB à Johannesburg et à Lagos (plus grande ville d’Afrique). Casablanca et Luanda se distinguent également. Le marché ivoirien est également montant et attire l’attention des principaux cabinets qui y conduisent de nombreux projets. Cependant, ces cabinets n’ont pas encore franchi le pas d’y ouvrir des bureaux pour l’instant (pour la plupart). Inversons la liste précédente avec une liste (non exhaustive) des marques internationales de conseil en stratégie présentes dans les principales villes du continent :

Casablanca (Maroc) : McKinsey & Company, Boston Consulting Group, Roland Berger, Strategy&, Corporate Value Associates, Monitor Deloitte, KPMG Global Strategy Group, Exton Consulting, Accenture, BearingPoint, Kea & Partners, PMP, Wavestone

Johannesburg (Afrique du Sud) : McKinsey & Company, Boston Consulting Group, Bain & Company, A.T. Kearney, Strategy&, Monitor Deloitte, KPMG Global Strategy Group, Accenture, Advancy

Lagos (Nigéria) : McKinsey & Company, Boston Consulting Group, Bain & Company, Roland Berger, KPMG Global Strategy Group, Accenture

Luanda (Angola) : McKinsey & Company, Boston Consulting Group, KPMG Global Strategy Group

Le Caire (Egypte) : McKinsey & Company, Simon-Kucher, KPMG Global Strategy Group, Accenture

Nairobi (Kenya) : McKinsey & Company, KPMG Global Strategy Group, Altai Consulting

Addis Abeba (Ethiopie) : McKinsey & Company

Abidjan (Côte d’Ivoire) : Strategy&, KPMG Global Strategy Group

Alger (Algérie) : Strategy&, KPMG Global Strategy Group

Tunis (Tunisie) : Altai Consulting, KPMG Global Strategy Group

McKinsey & Company Casablanca

De nombreux cabinets effectuent régulièrement des missions en Afrique mais n’y ont pas encore ouvert de bureaux, se contentant de partenariats avec d’autres institutions ayant déjà des structures établies sur le continent et des savoir-faire complémentaires. Pour ouvrir un nouveau bureau, le cabinet en question doit avoir la garantie d’un volume d’affaires conséquent sur le long terme qui couvrira tous les salaires et les frais annexes et trouver des dirigeants locaux qualifiés et motivés sur place. Le critère du retour sur investissement est déterminant. C’est pour ces raisons qu’en dehors de Johannesburg, Casablanca et Lagos, les implantations physiques des cabinets restent assez timides en Afrique. Cependant, comme on le voit avec Okan, le nombre de bureaux d’un cabinet sur un continent ne reflète pas forcément son volume d’activité dans ce dernier.

 

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Missions confiées aux équipes de consultants : secteur privé ou public ?

 

Les sociétés de conseil interviennent aussi bien dans les secteurs privés que publics en Afrique. Les différentes nations africaines en sollicitent fréquemment l’appui pour crédibiliser leurs décisions auprès de leurs concitoyens mais également auprès des pays occidentaux. Le gouvernement sénégalais a ainsi fait appel à McKinsey pour son Plan Sénégal Emergent (PSE) avec un contrat d’environ 2,5 milliards de francs CFA mais également pour le plan Takkal visant à endiguer la crise énergétique. Il ne s’agit pas d’un cas isolé puisque McKinsey compte dans ses clients d’autres gouvernements africains comme le Maroc, l’Ethiopie, le Kenya, la Tunisie, la Zambie et la Côte d’Ivoire. Côté ivoirien d’ailleurs, c’est Okan qui est intervenu pour mettre en place le plan stratégique “Phoenix” de soutien au développement des PME.

Concernant le privé, Okan donne de nombreux exemples de missions réalisées sur son site internet. Cela va de la structuration d’un nouvel aéroport international ou d’un projet minier en Afrique Centrale au conseil financier pour la vente de parts dans les Grands Moulins de Mauritanie à Seaboard ou de Pétro Ivoire à Amethis Finance. D’une manière générale, les cabinets privilégient les pays stables et en croissance comme la Côte d’Ivoire pour la conduite de leurs missions : McKinsey est ainsi intervenu auprès du ministère du Tourisme et le Boston Consulting Group auprès de la Société Ivoirienne de Banque (première banque ivoirienne). McKinsey, qui s’est implanté très tôt au Maroc, en a profité pour rafler la majeure partie des appels d’offres lancés par les gouvernements maghrébins au début des années 2000 et a noué des partenariats qui lui ont permis de devenir un incontournable dans les secteurs qui portent la croissance de cette région (secteur public, banque, télécommunications). Les autres sociétés de conseil ont rapidement suivi le mouvement et projettent de s’installer en masse dans la région, créant une émulation qui attire les investisseurs étrangers.

 

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Publications, ouvrages et insights de cabinets de conseil sur l’Afrique

 

On retrouve dans ces rapports les données chiffrées qui traduisent le développement actuel et à venir de l’économie africaine. Cela est ponctué d’études plus sectorielles comme par exemple [7] pour le secteur agricole.

 

[1]      Charles Roxburgh, Norbert Dörr, Acha Leke, Amine Tazi-Riffi, Arend van Wamelen, Susan Lund, Mutsa Chironga, Tarik Alatovik, Charles Atkins, Nadia Terfous, and Till Zeino-Mahmalat. Lions on the move: The progress and potential of African economies. McKinsey Global Institute. June 2010.

 

[2]     Jacques Bughin, Mutsa Chironga, Georges Desvaux, Tenbite Ermias, Paul Jacobson, Omid Kassiri, Acha Leke, Susan Lund, Arend van Wamelen, and Yassir Zouaoui. Lions on the move II: Realizing the potential of Africa’s economies. McKinsey Global Institute. September 2016.

 

[3]    Nicolas Teisseyre. Investir en Afrique : mythes et réalités. Think Act. Roland Berger. Juillet 2017.

 

[4]    Acha Leke, Mutsa Chironga, Georges Desvaux. Africa’s Business Revolution: How to Succeed in the World’s Next Big Growth Market. Harvard Business Review Press. McKinsey & Company. 2018.

 

[5]    Patrick Dupoux, Lisa Ivers, Stefano Niavas and Abdeljabbar Chraïti. Pioneering One Africa : The Companies Blazing a Tail Across the Continent. Boston Consulting Group. April 2018.

 

[6]    Luis Gravito, Jared Haddon, Andrew Alli and Alice Usanase. Infrastructure Financing in Sub-Saharan Africa : Best Practices from Ten Years in the Field. Boston Consulting Group, Africa Finance Corporation. May 2017.

 

[7]    Lutz Goedde, Amandla Ooko-Ombaka and Gillian Pais. Winning in Africa’s agricultural market. McKinsey & Company. February 2019.

 

Racil Kacem, étudiant à l’ISAE-SUPAERO et contributeur du blog AlumnEye