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Disparu le 17 juin 2015, ce nom a marqué les acteurs du Private Equity et du M&A, Jimmy Lee était une personnalité forte de JPMorgan et de Wall Street qu’il faut connaître. Foudroyé par une crise cardiaque, James Bainbridge Lee Jr. est mort à l’âge de 62 ans. Il était le vice-président de JPMorgan et responsable monde des fusions-acquisitions. Pour lui rendre hommage son ami, le célèbre CEO de JPMorgan Jamie Dimon, l’a qualifié de véritable force de la nature.

Si son décès a suscité des réactions si vives, c’est en raison de sa personnalité mais aussi de ses accomplissements, qui l’ont rendu incontournable parmi les capital-investisseurs et banquiers d’affaires.

 

Pourquoi était-il si apprécié ?

BN-JA292_JPMjpg_J_20150621144330Jimmy Lee était marquant par son caractère. S’il disait avoir refusé de rejoindre le célèbre fonds Blackstone de son ami Steve Schwarzman, c’est surtout par loyauté envers sa banque et envers William Harrison, PDG de JPMorgan à l’époque, qu’il était resté. Ainsi, sa disponibilité et son dévouement pour sa banque et pour ses clients étaient parmi ses qualités les plus unanimement reconnues à Wall Street.

Diplômé du Williams College dans le Massachusetts où il reçut deux Bachelors en Economie et en Histoire de l’Art, Jimmy Lee ne se destinait pas particulièrement au milieu bancaire. Recruté par la Chemical Bank en 1975, il racontait facilement comment son entretien s’était déroulé. De manière totalement imprévue, puisqu’il remplaçait sa petite amie – qui allait devenir sa femme – qui ne pouvait pas s’y rendre finalement ce jour-là.

Il a progressivement gravi les échelons et a ainsi participé à la création de la succursale de la Chemical Bank en Australie ainsi que la création du service des obligations à haut rendement au début des années 1990. Il devint ensuite directeur de la banque d’investissement Chase Manhattan Group qui fusionna en 2001 avec JPMorgan.

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Ses faits d’armes

Si la carrière menée par Jimmy Lee est admirable, c’est pour trois raisons que nous allons étudier : des deals importants, un véritable soutien aux entreprises de la nouvelle économie numérique, et surtout le développement des crédits syndiqués.

 

Ses deals notables sont les suivants :

  • La fusion officialisée définitivement en 2010 entre deux compagnies aériennes américaines majeures, United Airlines et Continental Airlines pour un montant de 8,5 milliards de dollars.

 

  • L’introduction en Bourse de General Motors en novembre 2010 suite à la recapitalisation par l’Etat américain en 2008 pour plus de 23 milliards de dollars, soit la deuxième plus grande opération d’IPO aux Etats-Unis.

 

  • La vente des actifs du Trésor américain dans AIG après le renflouement de cette dernière durant la crise financière pour près de 41 milliards de dollars ainsi que le conseil du Trésor américain dans les négociations portant sur la restructuration de Chrysler.

 

  • L’introduction en Bourse de Facebook en mai 2012 pour 16 milliards de dollars soit la troisième plus importante IPO réalisée aux Etats-Unis.

 

  • L’IPO du géant chinois Alibaba pour une levée de fonds de près de 25 milliards de dollars en septembre 2014 soit la plus importante levée de fonds jamais réalisée à Wall Street.

Ces deux dernières opérations permettent de souligner l’engagement de Jimmy Lee pour les nouveaux géants du web. Là où d’autres acteurs étaient réticents vis-à-vis des géants du net après le dégonflement de la bulle au tout début des années 2000 et en raison du modèle économique de ces entreprises, Jimmy Lee s’est lui toujours montré enthousiaste en conseillant au nom de JPMorgan des entrepreneurs comme Jack Ma ou Mark Zuckerberg. La numéro deux de Facebook, Sheryl Sandberg, a d’ailleurs tenu à lui rendre hommage pour son soutien indéfectible envers le réseau social et son modèle économique.

Mais si les acteurs de la finance se souviendront encore longtemps de lui, c’est aussi parce qu’il fut le pionnier des crédits syndiqués.

 

Le précurseur des syndicated loans

  • Le concept

syndicated loansLes crédits syndiqués sont des crédits partagés entre plusieurs banques. Ainsi, des plus gros montants de prêts peuvent être accordés aux acteurs économiques car les banques limitent et répartissent les risques.

Concrètement, une entreprise se met d’accord avec une banque qui réalise une prise ferme pour un certain montant. La banque peut ensuite se voir confier par l’entreprise une tâche d’arrangement c’est-à-dire qu’elle s’occupe de la syndication du crédit avec l’accord de l’entreprise et choisit donc les autres banques participantes au pool bancaire. Un contrat unique est signé entre l’emprunteur et les membres du pool.

On peut ici faire une analogie avec les obligations dans le sens où le risque de crédit est partagé entre différents opérateurs, mais à la différence que les créances détenues par les banques sont beaucoup moins liquides que les obligations s’échangeant sur les marchés financiers.

La décision des banques sollicitées pour participer au pool bancaire se fait après des réunions entre l’entreprise et les banques. L’arrangeur est mandaté et rémunéré pour sa mission de conseil et négocie les principales conditions contractuelles au nom du pool bancaire avec l’entreprise. La recherche de financement suivie de la rédaction de la documentation juridique peut prendre plusieurs semaines voire même plusieurs mois.

Les crédits syndiqués peuvent être utilisés par des entreprises dans le cadre d’opération de croissance externe ou interne pour porter des projets d’envergure de moyen et long terme nécessitant des emprunts bancaires ou du crédit-bail immobilier ou mobilier. Un exemple de crédit syndiqué est celui des RCF pour « Revolving Credit Facility » qui sont des montants importants accordés par des banques afin d’aider des entreprises en besoin de financement à financer leur besoin en fonds de roulement ou leur CAPEX.

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157076413-580Cette activité est rentable pour les banques car en plus de la marge d’intermédiation réalisée par le crédit, l’arrangeur touche une commission d’arrangement. En outre, les banques peuvent imposer à l’emprunteur des covenants, comme le respect de certains ratios, qui en cas de non-respect doivent être à nouveau acceptés par les membres du pool dans le cadre d’une modification du contrat, appelé « waiver ». Par exemple, dans le cadre d’un LBO portant sur l’acquisition d’une cible, la documentation juridique peut énoncer que le ratio du levier d’endettement financier (dettes financières nettes/EBITDA) et celui de la structure financière aussi appelé « gearing » (dettes financières nettes/capitaux propres) ne doivent pas dépasser un certain seuil. De la même manière, des ratios comme celui de la couverture du service de la dette (Free Cash-Flow/Service de la dette) et de couverture des frais financiers (EBITDA/Frais financiers) ne doivent pas être en dessous d’un niveau fixé. A nouveau en cas de bris de ratio, les banquiers peuvent toucher des « waiver fees » dont les modalités sont prévues dans le contrat de prêt.

  • Le marché

Le marché des crédits syndiqués est très concurrentiel et surtout très cyclique. Ainsi en 2012, le marché français des crédits syndiqués s’est effondré (1) au moment où un nouveau ralentissement économique se faisait sentir avant de rebondir en 2013 et 2014, les acteurs économiques étant désireux de profiter de la faiblesse des taux d’intérêt. Les établissements bancaires se livrent une concurrence féroces entre elles pour être arrangeurs dans les gros projets tandis que les grands groupes ont aussi l’option des émissions obligataires pour se financer. Mais des acteurs autres que bancaires entrent dans la danse et concurrencent directement les banques.

C’est le cas par exemple pour le financement des LBO dans le cas de rachats d’entreprises en Europe même si ce phénomène était déjà fort aux Etats-Unis. Le marché de la dette LBO s’est transformé depuis le début des années 1990 avec l’arrivée de nouveaux acteurs spécialisés qui prennent part dorénavant à ces opérations jusque-là majoritairement assurées par les établissements de crédit. Ces nouveaux entrants investissent en particulier dans les tranches non amortissables de la dette senior et dans des produits de dette subordonnée comme la mezzanine. Leur offre s’appuie sur des ressources levées auprès d’investisseurs institutionnels et des fonds d’arbitrage.

En conséquence, la structuration des montages a changé : alors qu’un LBO se montait il y a quelques années avec un financement senior en deux tranches (A et B) et un financement mezzanine, les montages sont désormais de plus en plus structurés et peuvent compter jusqu’à quatre tranches de financement classique (A, B, C et D) et une tranche de second lien auxquelles s’ajoutent deux niveaux de la dette mezzanine, l’une senior, l’autre junior.

 

jpmorganSi la majorité des acteurs financiers reconnaissent à Jimmy Lee la paternité du marché des crédits syndiqués aux Etats-Unis, c’est parce qu’il en a été le pionnier. A titre d’exemple, il avait conseillé Enron suite au scandale en 2001 en montant un crédit syndiqué de 1,5 milliard de dollars. En 2014, JPMorgan était leader du marché des crédits syndiqués aux Etats-Unis. Entre février 2013 et février 2014, l’encours global en valeur des crédits syndiqués des agents aux Etats-Unis étaient de 2220 milliards de dollars, avec comme leader JPMorgan dirigée par Jamie Dimon et Jimmy Lee en tant que vice-président, loin devant Citi, BAML ou encore Wells Fargo (2).

Voilà donc pourquoi la disparition de Jimmy Lee est un évènement marquant pour les financiers confirmés et en devenir. De par sa personnalité, ses nombreux deals importants et l’innovation que représentent les crédits syndiqués, Jimmy Lee était une figure majeure de Wall Street.

 

Jean-Baptiste Bourbier, étudiant à l’ESCP et Contributeur du blog AlumnEye

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