Alors que les conditions pour le Brexit ne sont toujours pas fixées et que l’échéance est régulièrement reportée, de nombreux journalistes et professionnels du secteur financier tentent de prédire la grande capitale européenne qui tirera parti de la sortie de l’UE du Royaume-Uni. Les places financières de Paris et Francfort apparaissent fréquemment comme les premiers points de chute pour les institutions financières établies à Londres. Néanmoins, selon Nicolas Mackel – CEO de l’agence de développement de la place financière Luxembourg for Finance – le Luxembourg pourrait bien ressortir comme l’un des principaux gagnants du Brexit. Le pays présente les avantages d’une « stabilité économique, politique et sociale », « du caractère international de la place » et du support « des autorités à l’égard des acteurs financiers ». En tout cas, le Grand-Duché ne manque pas d’atouts et avance de réelles opportunités de carrière dans la finance. 

 

Luxembourg, centre névralgique européen pour la gestion privée

 

Depuis plusieurs décennies, le Luxembourg offre des services d’expertise en matière de banque privée et de gestion de patrimoine. Du fait de sa situation géographique privilégiée, le Grand-Duché bénéficie d’avantages concurrentiels majeurs qui en font une plateforme européenne et transfrontalière de référence dans le secteur de la gestion privée. La place luxembourgeoise agit comme guichet unique pour la gestion de patrimoine, en concentrant un ensemble de savoir-faire et produits nécessaires pour servir une clientèle internationale. En particulier, le Luxembourg emploie de nombreux professionnels et spécialistes qui lui permettent de répondre à des problématiques patrimoniales complexes, souvent dans un contexte de multiples juridictions. L’offre se concentre notamment sur :

  • Le conseil en investissement financier
  • La gestion d’actifs
  • La stratégie patrimoniale
  • La gestion immobilière
  • Les successions et transmissions
  • Le family office
  • La philanthropie

À titre illustratif, depuis 2008, le secteur de la banque privée au Luxembourg a affiché 35% de croissance. En 2019, il comptabilise 360 milliards d’euros d’actifs sous gestion et 42% des actifs des clients conseillés proviennent de pays non européens.

Les clients cherchent avant tout au Luxembourg selon Jeanne Duvoux – Directrice de Société Générale Private Banking Luxembourg – « une stabilité et des moyens de diversification ».  Cette clientèle comprend notamment des entrepreneurs qui se sont structurés à l’international avec des filiales dans différents pays et qui sont à la recherche d’un point d’ancrage au Luxembourg. Il s’agit également de grands patrimoines qui cherchent une diversification au risque pays en particulier pour des raisons géopolitiques, et qui vont donc trouver au Luxembourg des moyens de sécuriser leurs actifs. Ces familles fortunées sont très bien organisées, de manière presque professionnelle, et se structurent souvent sous la forme de family office. Elles souhaitent ainsi trouver au Luxembourg des services à forte valeur ajoutée pour aider leur family office à structurer leur capital. Les banques privées présentes au Grand-Duché s’adressent donc également aux intermédiaires financiers et juridiques – fiduciaires et family offices en particulier – dans le cadre d’une relation BtoB afin de proposer des solutions patrimoniales complètes.

 

Si le Luxembourg attire autant les grandes fortunes internationales, c’est parce qu’il profite d’une grande stabilité économique et politique. Le gouvernement plutôt « pro-business » et réactif favorise une transposition rapide des directives européennes. Il assure une orientation positive des règlementations en faveur des activités financières. Le Luxembourg offre aussi une expertise de très grande qualité, la fameuse « boite à outils » luxembourgeoise qui fournit les instruments appropriés en termes de structuration du patrimoine.  Chaque client peut ainsi trouver une solution adaptée à son cas, en fonction de son pays de résidence et de son organisation patrimoniale.  Par conséquent, le pays jouit d’une concentration d’expertises (spécialistes en investissements, intermédiaires financiers, fiduciaires, avocats, experts-comptables) et d’une grande ouverture du fait de sa taille, qui permet de conseiller les clients sur des sujets multi-juridictionnels, avec des compétences fiscales et une capacité à traiter les clients selon leur langue d’origine et les spécificités de leur pays de résidence.  Le Luxembourg est donc un hub idéal pour une banque privée qui souhaite se développer sur une clientèle internationale, en fonctionnant comme une plateforme qui utilise l’ensemble de l’écosystème luxembourgeois. Ainsi, beaucoup de banques se structurent à partir du Luxembourg autour d’organisations plus légères comme des bureaux de représentation ou des succursales qui permettent d’avoir des points de contact avec les clients, de comprendre les spécificités du pays tout en utilisant les capacités de la banque au Luxembourg. Par exemple, Société Générale Private Banking Luxembourg a ouvert un bureau de représentation à Milan en 2017 et à Francfort cette année car l’Allemagne se dessine comme le marché le plus important pour la gestion de fortune en Union Européenne. Enfin, la présence d’équipes internationales fortement qualifiées, le déploiement de solutions technologiques avancées et le large portefeuille d’expertises disponibles au Luxembourg en font clairement le leader européen de la gestion de fortune.

 

LA4Lire aussi : Qu’est ce que la Banque Privée (Private Banking) ? Interview AlumnEye

 

Le Luxembourg, berceau des fonds d’investissement, des fonds alternatifs et des fintechs

 

En outre, le Luxembourg permet aux investisseurs privés et institutionnels d’ouvrir leurs investissements à d’autres classes d’actifs comme l’immobilier, l’art, la philanthropie mais également le private equity et les fonds d’investissement internationaux.

Pionnier dans la mise en place des règlementations européennes applicables aux fonds, le Luxembourg joue un rôle fondamental dans l’administration des fonds. La place luxembourgeoise favorise particulièrement l’ouverture des fonds à l’international et donne accès à ces investissements aussi bien aux clients privés fortunés qu’aux institutionnels européens. Les fonds qui sont domiciliés au Luxembourg sont répartis sur de nombreuses zones géographiques, en particulier l’Europe, l’Asie et l’Amérique Latine. Les plus grandes sociétés de gestion d’actifs (par exemple M&G Investments, Janus Henderson) opèrent pour leurs fonds internationaux depuis Luxembourg. Le Grand-Duché offre un éventail large de compétences dans ce domaine et dispose notamment d’une « boite à outils » propre à l’administration des fonds. Parmi ces outils, on trouve par exemple :

– Les OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) – fonds réglementés qui s’adressent aussi bien aux clients particuliers qu’aux investisseurs

– Les FIS (fonds d’investissement spécialisés) – créés en 2007 par le Luxembourg, ce sont des fonds réservés aux institutionnels et aux investisseurs avertis, ils ont pour atout leur grande souplesse tant du point de vue de la formation que de l’utilisation des véhicules d’investissement

– La SICAR (société d’investissement en capital-risque) – fonds spécialisés dans le private equity

– Les OPC (organismes de placement collectif) – fonds réglementés qui investissent pour le compte d’un grand nombre d’épargnants

– Le FIAR (fonds d’investissement alternatif réservé) – nouveau fonds voté en 2016 au Luxembourg qui présente des caractéristiques proches du FIS (fonds d’investissement spécialisé) mais bénéficie également d’une grande flexibilité car moins règlementé et d’une grande rapidité de lancement.

Ainsi, d’après la CSSF (Commission de Surveillance du Secteur Financier), les actifs sous gestion dans les fonds d’investissement au Luxembourg s’élevaient à 4300 milliards d’euros. Le Luxembourg s’illustre particulièrement dans les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPVCM). Fin juin 2018, le Luxembourg détenait environ 36% de parts de marché dans les OPCVM européens, totalisant 3,5 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Les fonds des OPCVM luxembourgeois jouissent de leur orientation très internationale et du haut niveau de protection qu’ils offrent aux investisseurs. Cette caractéristique émane notamment de décisions politiques favorisant le business puisque le Luxembourg fut le premier pays en 1988 à intégrer les directives relatives aux OPCVM dans le cadre de son droit national.

Le Grand-Duché occupe également une place de choix pour les sociétés de gestion de fonds alternatifs, qu’il s’agisse du capital-investissement, du capital-risque, des fonds spéculatifs ou des fonds immobiliers. La présence d’institutions renommées comme 3i, Blackstone, et The Caryle Group confirme la domination croissante du Luxembourg dans l’administration de fonds alternatifs. L’écosystème financier du pays a permis l’émergence de structures qui facilitent les acquisitions de capital-investissement et d’actifs immobiliers. Les fonds alternatifs font preuve également d’une grande adaptabilité dans un contexte transfrontalier avec des juridictions différentes. Le degré élevé de réglementation garantit un environnement de gestion sain pour les fonds alternatifs. L’entrée en vigueur en 2013 de la directive relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (Alternative Investment Managers Directive) renforce particulièrement le rôle du Luxembourg en tant que plateforme globale de gestion alternative et confirme la qualité des règlementations pour ces types d’investissement.

Enfin, en ce qui concerne les fintechs, le Luxembourg représente une véritable passerelle pour les sociétés étrangères désireuses de se développer sur les marchés européens. Le Luxembourg abrite notamment les sièges de grandes entreprises de paiement électronique et d’e-commerce telles qu’Amazon, Rakuten et Paypal. Une plateforme nationale dédiée aux fintechs, la LHoFT (Luxembourg House of Financial Technology) a pour objectif d’animer le secteur des fintechs en stimulant l’innovation par le biais des projets de coopération, en favorisant l’intégration des sociétés internationales en collaboration avec les régulateurs et en participant au développement des différentes sources de financement.

 

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Perspectives offertes par le Brexit pour la Place Luxembourgeoise ?

 

Quelles que soient les issues négociées pour le Brexit, les institutions financières doivent se préparer à relocaliser certaines de leurs activités afin d’anticiper la perte de leurs droits relatifs au passeport financier européen. Le Luxembourg a annoncé l’arrivée de 52 institutions financières qui ont décidé d’y placer stratégiquement certaines de leurs activités. Parmi ces établissements, on compte 25 gestionnaires d’actifs (dont Jupiter Asset Management par exemple), 13 sociétés d’assurance (AIG, Hiscox), 8 banques (renforcement de JP Morgan Chase) et 6 entreprises de services de paiement (Alipay, Revolut). Ces arrivées ne bouleversent pas fondamentalement le secteur financier au Luxembourg mais elles confirment bien entendu qu’il est l’une des places fortes en Europe pour la finance. En particulier pour certaines activités dont la gestion de fortune, l’administration de fonds d’investissement, les assurances et les services de paiement.

L’importance de ces relocalisations donne de nouvelles perspectives à la place financière luxembourgeoise non pas tant par le nombre de firmes qui prévoient de s’y installer que par les potentiels développements que ces entreprises vont exporter au Luxembourg dans leurs différents domaines de prédilection. Ces changements stratégiques ne feront que renforcer l’écosystème financier de la Place. Dans le secteur des fonds par exemple, un certain nombre d’entreprises n’ont pas seulement renforcé leurs activités existantes, elles y ont également développé de nouveaux services en particulier des services de conseils en investissement financier en lien avec les entrées en vigueur des réglementations MIFID2. L’importance prise par le Luxembourg est également soulignée dans le domaine du capital-investissement et du capital-risque.

Certaines sociétés de private equity (comme le géant suédois EQT) ne considèrent plus seulement le Luxembourg pour des fonctions administratives mais également pour la prise de décisions. Elles ont en effet déplacé ces fonctions stratégiques de Londres vers Luxembourg. C’est notamment l’un des messages que souhaite faire passer Rajaa Mekouar-Schneider – Présidente de Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association – car selon elle, « le Luxembourg est désormais un hub pour le private equity à l’échelle européenne. Les acteurs du secteur n’y viennent plus seulement pour des structures d’administration, on y trouve aussi de plus en plus d’équipes qui prennent les décisions d’investissement et affichent une vraie substance ».

Ainsi, en tant que solution alternative post-Brexit, le Luxembourg pourrait bien se positionner pour devenir l’un des grands acteurs de la finance européenne. Cette potentielle montée en puissance de la place luxembourgeoise sera source d’opportunités pour des carrières en finance.

 

LA4Lire aussi : Où vont les banques après le Brexit ?

 

Luxembourg : quelles opportunités de carrière en finance ?

 

La croissance exponentielle du private equity au Luxembourg et l’accélération des levées de fonds avant le Brexit ont considérablement dopé les perspectives de recrutement, et en particulier dans ce domaine. Les mouvements et les relocalisations de firmes londoniennes vers le Luxembourg contribueront au développement des activités financières de prédilection du Luxembourg et seront créatrices de perspectives d’emploi. Dans le contexte du Brexit, les fonds d’investissement et les asset managers entrent en concurrence pour attirer les talents. Entre janvier et octobre 2018, les offres d’embauches dans le private equity au Luxembourg, qui emploie déjà 6 000 professionnels environ, ont atteint un sommet à 900 demandes. Avant, il s’agissait principalement d’emplois dans le back-office. À présent, des opportunités existent aussi dans la compliance, le risque et de plus en plus dans les métiers liés à l’investissement.

Il est vrai que le Luxembourg offre de nombreux avantages pour une carrière en finance. Parmi les points forts de la place luxembourgeoise, on peut citer en premier lieu la stabilité économique, politique et sociale. Dans le cadre du renforcement des règlementations européennes, le Luxembourg confirme son leadership dans certains secteurs financiers, en particulier la gestion de fortune, la gestion d’actifs et les fonds d’investissements et alternatifs mais aussi la compliance et le risk management.  Le pays démontre aussi un environnement de travail international, idéal pour développer sa carrière en finance. La présence d’équipes multiculturelles en fait un pays multilingue avec l’anglais comme langue dominante. Finalement, le Grand-Duché offre, dans une région transfrontalière, un cadre de vie plutôt agréable avec des salaires élevés, même si le charme de Paris ou la grandeur de Londres pourrait manquer à certaines personnes.

 

 

Yael Jacob, contributeur du blog Alumneye