Nous avons interviewé pour vous, au sein du réseau AlumnEye, un trader haute fréquence dans une banque Tier 1 à New York. Il nous décrit son métier, son quotidien de trader haute fréquence, et d’où il vient.

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Peux-tu présenter ton métier ?

Je suis quant-trader dans une équipe de trading algorithmique et plus particulièrement de trading haute fréquence (High Frequency Trading). Mon métier consiste à élaborer et mettre en place des stratégies de trading qui vont intervenir sur le marché de manière automatique. Bien évidemment ces stratégies sont moins performantes que celles d’un humain qui peut réfléchir en temps réel aux décisions qu’il prend, mais l’intérêt de cette activité réside dans le fait qu’un ordinateur pourra traiter davantage d’informations et dès lors passer plus d’ordres. Ainsi, bien qu’un automate génère moins d’argent par trade qu’un trader traditionnel, il traite davantage et on espère qu’il sera plus profitable d’un point de vue absolu.

Bien évidemment ces stratégies sont moins performantes que celles d’un humain. Au sein du trading algorithmique, on distingue la haute fréquence, de la basse et moyenne fréquence. La haute fréquence va traiter intraday et ne pas garder de position après la clôture des marchés. Un algorithme de High Frequency Trading peut traiter toutes les 5 millisecondes comme toutes les 2 heures. En basse et moyenne fréquence on traite une fois par jour ou équivalent. Les problématiques générales sont similaires même si certains détails varient. Ainsi, la problématique de l’exécution ou de l’élimination du bruit est bien plus présente en trading haute fréquence qu’en moyenne et basse fréquence.

Le trading algorithmique exploite certaines imperfections de marché et génère un profit en les corrigeant. Il y a alors deux cas de figure : soit on est le seul à connaitre l’imperfection en question, soit tout le monde l’a détectée. Dans le second cas, la vitesse avec laquelle on est capable de la détecter et de la corriger importe beaucoup, et c’est là qu’intervient la course à la vitesse propre au trading haute fréquence.

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Quelles étaient tes motivations pour postuler à un poste en Trading Haute Fréquence ?alumneye-trading-2

Je suis issu d’une école d’ingénieur avec un bagage très quantitatif. Or quand j’ai voulu allier mise en application de mes acquis scientifiques et bonne situation financière, je me suis naturellement posé la question de la finance, même si ça n’est pas la seule voie. Les métiers principaux auxquels les ingénieurs sont confrontés sont les métiers de Quant, Structurer ou Trader. Or l’image que l’on a des traders est que leur éventuel bagage scientifique leur est d’une utilité limitée dans leur métier : il m’arrive de croiser des traders stars ayant très peu fait d’études ou du moins aucunement des études scientifiques, même s’ils sont de plus en plus rares. Je jugeais peu judicieux de me tourner vers un métier où ma formation ne me conférerait que peu ou pas d’avantages.

Pour ce qui est des métiers de Quant ou Structurer, bien qu’intéressant sur le plan scientifique, l’image véhiculée par ces métiers au moment où je cherchais a m’orienter était la suivante : ils n’ont pas accès directement au marché et si bons soient les modèles qu’ils développent, leur performance dépend énormément de ce que les traders en font.

En revanche, le métier de quant trader (aussi appelé trader algorithmique) constitue selon moi un juste milieu très acceptable : on développait des modèles (comme un quant) et on les traitait sur le marché (comme un trader).

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Bien sûr ces modèles sont moins compliqués que ceux qui établissent le pricing de tel ou tel produit structuré. De même, la partie trading de mon quotidien, qui consiste à vérifier que les algorithmes fonctionnent comme prévu, est sûrement moins palpitante que celle d’un trader traditionnel, mais le compromis me semblait intéressant.

Pour ce qui est du choix de la Haute Fréquence, c’était un sujet de recherche académique à la mode au moment ou je finissais mes études, et selon moi, c’est le domaine où les modèles et les algorithmes mis en oeuvre étaient les plus intéressants.

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À quoi ressemble ta journée type ?

Mon métier se divise en deux parties distinctes : la recherche et le trading. Côté recherche, je dois essayer de trouver de nouvelles stratégies de trading ou de nouveaux modèles en plus d’améliorer ceux que mes systèmes utilisent déjà. Côté trading, je dois vérifier que mes stratégies ne commettent pas d’erreur et font ce qu’elles sont censées faire. Cette partie peut sembler désuette car tout est automatisé mais il est très important de garder un oeil sur le trading en temps réel.

En effet, il peut arriver qu’un bug dans un algorithme ruine brutalement la performance comme ce fut le cas de Knight Capital cet été.

D’un point de vue plus pratique, environ 20% de mon temps est consacré à la recherche de nouvelles idées ou d’améliorations et 80% à tester ces idées en écrivant des algorithmes. Le tout bien sûr en gardant un oeil sur le trading.

Quels sont les profils typiques des employés en HFT ?

Outre les qualités de base requises pour travailler en équipe, non propres au métier, un goût prononcé pour l’informatique est obligatoire. Une connaissance des statistiques de base (tests d’hypothèse, PCA, régressions…) est aussi très appréciée. Il est toutefois faux de croire que seuls seront acceptés des gens capables de coder un moteur 3D en C++ et de manipuler les SVM (Support Vector Machines) comme un élève de classe préparatoire ferait des additions. Le plus important est la capacité à travailler dur, à être honnête intellectuellement (comme dans tout métier de recherche selon moi) et à savoir retranscrire des idées de statistiques simples dans un langage de programmation type R ou Python, voire C#/C++.

 

Merci beaucoup pour ces réponses et à bientôt !