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L’âge d’or chez AXA, la naissance d’Ardian
C’est Claude Bébéar, le patriarche du groupe AXA, qui la recrute en 1996 pour créer une entité entièrement nouvelle : AXA Private Equity. À l’époque, le capital-investissement en France est embryonnaire. Peu connu, mal compris. Dominique Sénéquier va en faire un pilier du financement économique européen.
Pendant dix-sept ans, elle sillonne le monde à la recherche de Limited Partners. Fonds de pension canadiens, caisses de retraite néerlandaises, gouvernements du Golfe, family offices californiens : elle convainc les plus prudents d’entre eux d’investir dans ce modèle encore méconnu, celui du non-coté, du long terme, de la croissance accompagnée.
Les performances parlent pour elle : plus de 25 % de rendement annuel dans les premières années, une régularité exceptionnelle. En 2010, AXA Private Equity gère plus de 25 milliards d’euros. Elle devient alors, dans les cercles financiers, “Madame 25 milliards”.
Mais la vraie révolution arrive en 2013 : Sénéquier convainc AXA de lui céder le contrôle. Elle orchestre une opération de spin-off d’envergure, rebaptise le fonds Ardian — un nom inspiré de la noblesse gasconne — et conserve l’essentiel de ses équipes, de ses investisseurs, de ses participations. C’est l’acte de naissance du premier fonds de Private Equity européen totalement indépendant.
Ardian : la force tranquille du capital-investissement
En une décennie, Ardian est passé du statut de filiale adossée à celui de géant global. Avec 700 collaborateurs, 15 bureaux dans le monde, un portefeuille diversifié allant des infrastructures européennes aux biotechs nord-américaines, Ardian rivalise désormais avec Blackstone, Carlyle ou KKR, mais avec un accent français et une gestion pensée pour l’Europe.
La maison se distingue par plusieurs opérations marquantes :
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2010 : Acquisition du portefeuille de Private Equity de Bank of America pour 1,9 milliard de dollars.
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2015 : Prise de contrôle de Siaci Saint Honoré, courtier en assurance.
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2017 : Investissement majeur dans les infrastructures européennes, avec 300 millions d’euros de participations secondaires.
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2019 : Offre sur près de 30 % du capital d’ADP, dans le cadre de la privatisation.
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2020 : Tentative de rachat de Suez, en partenariat avec l’américain GIP, pour contrer la fusion imposée avec Veolia.
Aujourd’hui, Ardian s’impose comme un acteur central de la vie économique française, finançant PME, ETI et grands groupes, tout en pilotant des projets de très long terme dans la santé, l’énergie ou la logistique.
Discrétion, influence et reconnaissance
Peu médiatisée, Dominique Sénéquier fascine autant qu’elle intrigue. En 2007, elle est appelée par Nicolas Sarkozy pour rejoindre la Commission Attali sur la croissance. En 2012, elle reçoit la Légion d’honneur. Mais c’est surtout à l’international que son autorité est reconnue : Financial Times, The Economist, Bloomberg la sollicitent pour commenter les mutations du capitalisme.
Elle échange régulièrement avec des chefs de gouvernement, notamment au Portugal, au Royaume-Uni, aux Émirats. Pourtant, elle ne cultive ni posture, ni storytelling : pas de photo mise en scène, pas de citation clinquante. Son pouvoir est celui de la constance, de la lucidité, et d’une forme rare d’humilité exécutive.
Pourquoi faut-il parler d’elle ?
Parce qu’elle incarne une autre manière de diriger dans la finance. Sans bruit. Sans ego. Sans ambition publique, mais avec un impact concret sur des dizaines de milliers d’emplois. Dominique Sénéquier est une patronne de l’ombre, mais une reine d’échiquier. Elle a bâti une institution là où il n’y avait qu’un département, et façonné le Private Equity européen à son image : exigeant, discret, engagé.