
Le signal venu d’Abu Dhabi
Le capital du Golfe observe l’Asie‑Pacifique depuis longtemps. En juin, ADNOC, via XRG, son véhicule d’investissement, a tenté une percée remarquée en Australie. Soutenu par Carlyle et ADQ, l’énergéticien d’Abu Dhabi a ciblé Santos, acteur majeur du gaz et du LNG. L’objectif : sécuriser des volumes moléculaires, des unités de liquéfaction et s’ancrer comme plateforme régionale.
L’offre, en chiffres et en périmètre
Le consortium a mis sur la table une proposition 100 % en numéraire valorisant Santos à 18,7 milliards de dollars. Le prix affiché était de 8,89 dollars australiens par action, soit une prime proche de 28 %. L’ensemble représentait une enterprise value d’environ 36,4 milliards de dollars australiens, un sommet pour une opération en cash dans le pays.
- Prix indicatif : environ US 5,76 par action.
- Prime : environ 28 % sur le cours précédent.
- Périmètre : GLNG et Darwin LNG en Australie, participations dans PNG LNG et Papua LNG.
Ces actifs offraient des volumes garantis, des frais de passage et une exposition directe au marché spot asiatique. Pour un acteur stratégique, le panier ouvrait aussi la porte à une allocation dynamique de capital.
Le script procédural en Australie
Santos a consenti à six semaines d’exclusivité fin juin pour permettre une confirmatory due diligence. Le deal devait suivre le processus du Scheme of Arrangement, impliquant l’accord d’environ 75 % des actionnaires, en plus de celui du FIRB. La mécanique reste classique : clean team, SPA, conditions suspensives, puis circulaire et vote.
Pourquoi le deal a trébuché en septembre
Le 17 septembre, le consortium a retiré son offre. Officiellement, des paramètres commerciaux cruciaux n’ont pas passé l’examen final. Les médias spécialisés en Finance ont parlé de tensions autour de la répartition des risques, de problématiques fiscales et même d’un incident méthane découvert tardivement. La politique locale s’est également invitée, du fait de la sensibilité autour de l’approvisionnement national en gaz.
Le marché a digéré la nouvelle avec prudence : le titre a clôturé autour de 7,65 dollars australiens ce jour-là, loin du prix de l’offre indicative. En filigrane, le message restait clair : la valorisation restait soumise aux régulations, aux exigences ESG et à l’évolution du marché gazier.
Ce que visait ADNOC, ce que cherchait Carlyle
Pour ADNOC, l’opération représentait une diversification hors Moyen-Orient, un accès au marché asiatique et la possibilité d’intégrer ses projets actuels. Carlyle, de son côté, y voyait un dossier combinant infrastructures énergétiques, rendement du cash flow et plus-value potentielle liée à de futurs debottleneckings. Les fonds du Golfe disposent aujourd’hui d’une puissance d’investissement colossale, avec des tickets flexibles et un coût du capital attractif.
Régulation, intérêt national et politique énergétique
Un acheteur étranger d’actifs gaziers en Australie engage très vite des discussions avec le FIRB et les gouvernements concernés. La grille de lecture croise sécurité énergétique, prix du gaz pour les ménages et emploi local. Même sans enjeu de concurrence, le processus réglementaire peut allonger significativement les délais jusqu’à la finalisation. Et l’incertitude a un coût, surtout quand les prix du gaz varient d’une saison à l’autre.
Valorisation : ce que regarde un analyste
Unit economics et contrats
L’analyse s’attaque d’abord aux actifs eux-mêmes. On projette les volumes, modalités FOB et netbacks selon les différents contrats : indexés JKM, pétrole ou hybrides. Les clauses de redirection des cargaisons et limites de prix sont scrutées à la loupe.
Capex et déclin
Puis on intègre les profils de déclin des champs, l’état du développement et les investissements nécessaires. Le maintenance capex a un impact déterminant sur la génération de cash flow libre.
Multiples et NAV
L’approche croise NAV par baril équivalent et EV/EBITDA sur un cycle complet. On teste la sensibilité au JKM, aux coûts de carbone ainsi qu’au taux de change AUD/USD. La prime d’OPA n’a de sens que si elle résiste à ces stress tests.
Et maintenant ?
Le retrait du consortium ne fait que renforcer le signal stratégique. Les volumes LNG australiens attirent toujours les capitaux du Moyen-Orient. Santos reste exposé aux mêmes catalyseurs : amélioration industrielle, arbitrage de portefeuille et fenêtre de prix en Asie. Un nouvel actionnariat n’est jamais à exclure lorsque la qualité de l’actif s’impose d’elle-même.
Comment en parler en entretien M&A
Ne vous arrêtez pas aux gros titres. Structurez votre analyse autour du rationnel stratégique, puis détaillez la deal-math : prime, valeur d’entreprise, structure cash. Intégrez les enjeux FIRB et trouvez le bon équilibre entre potentiel du LNG et contraintes ESG. Un bref détour par le jargon des fonds est utile : LBO, dry powder, carried interest : un lexique du Private Equity qui donne toutes les armes pour s’exprimer clairement.
Le vrai enseignement pour un candidat
Un pitch solide ne s’arrête pas au montant par action. Il relie géopolitique, environnement local et exécution contractuelle. Mentionnez l’exclusivité de six semaines, le plan à 75 % et le retrait de septembre. Montrez que vous avez compris pourquoi une prime s’évapore dès que la certitude faiblit.
FAQ
Pourquoi le retrait du consortium a-t-il eu lieu ?
Le consortium a retiré son offre en raison de paramètres commerciaux cruciaux non satisfaits, y compris des tensions sur la répartition des risques et des problématiques fiscales. L’incident méthane découvert tardivement et les sensibilités politiques autour de l’approvisionnement national en gaz ont également joué un rôle.
Qu’auraient pu être les conséquences si le deal avait abouti ?
Un aboutissement aurait permis à ADNOC de diversifier hors du Moyen-Orient et d’accéder directement aux marchés asiatiques. Cependant, les risques réglementaires et la volatilité des prix du gaz en raison des contraintes ESG auraient pu complexifier l’opération.
Quel était l’enjeu principal du FIRB concernant cette opération ?
L’enjeu principal du FIRB résidait dans la sécurité énergétique du pays, la fixation des prix du gaz pour les consommateurs domestiques et l’impact potentiel sur l’emploi local. Une opération de cette envergure implique des évaluations approfondies qui rallongent considérablement le processus d’approbation.
Qu’est-ce qui rendait l’offre d’acquisition si attrayante pour Santos ?
L’offre proposait une prime attrayante de 28% sur le cours précédent des actions et représentait une valorisation record pour une acquisition en numéraire en Australie. Cependant, les compromis en termes de gouvernance et d’autonomie interne auraient pu présenter des défis complexes à gérer.
Pourquoi est-il crucial de tester la sensibilité du prix de l’offre ?
Tester la sensibilité du prix est essentiel pour s’assurer que la prime proposée résiste aux fluctuations des prix du gaz, des coûts de carbone et des taux de change. Une offre attractive initialement peut rapidement devenir financièrement impraticable si ces facteurs sont mal anticipés.
Quels étaient les intérêts divergents d’ADNOC et Carlyle dans cette opération ?
ADNOC cherchait à consolider sa position énergétique en Asie et à diversifier ses actifs, tandis que Carlyle visait avant tout les infrastructures énergétiques et le potentiel de capitalisation que cela impliquait. Leurs priorités divergentes auraient pu compliquer les choix stratégiques à long terme.
Quels enseignements un candidat en M&A peut-il tirer de cet échec ?
Un candidat en M&A doit comprendre l’importance d’une analyse géopolitique approfondie et d’une évaluation rigoureuse des risques locaux. L’exclusivité temporaire et la nécessité d’obtenir l’approbation de 75 % des actionnaires sont des facteurs critiques qui ne se résument pas à un simple calcul d’évaluation.
Quel impact ce retrait aura-t-il sur Santos à l’avenir ?
Le retrait souligne la vulnérabilité de Santos aux fluctuations du marché et aux réglementations changeantes. Cependant, il reste un acteur majeur avec des actifs attractifs, ce qui pourrait attirer de nouveaux investisseurs mieux préparés aux défis réglementaires et environnementaux.
Comment le contexte géopolitique a-t-il influencé cette transaction ?
Le contexte géopolitique a élevé les enjeux autour de la sécurité énergétique, impactant la perception des autorités australiennes sur la vente à un acteur étranger important. Les tensions globales sur l’approvisionnement énergétique exacerbent les prévisions incertaines, ralentissant les décisions cruciales.
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