Pourquoi l’EBITDA fascine autant
Les investisseurs adorent les repères épurés. L’EBITDA les rassure par sa lisibilité : il révèle la performance opérationnelle en gommant le bruit comptable. Cette simplicité favorise la comparaison entre concurrents et s’insère naturellement dans le multiple EV/EBITDA lors des transactions. Voilà qui rassure, mais gare à l’excès de facilité.
Définition claire et calcul
L’EBITDA se base sur le résultat opérationnel, auquel on réintègre les amortissements et provisions hors trésorerie, tout en excluant impôts, frais financiers et autres éléments non liés à l’activité principale.
- Formule courante : EBITDA = EBIT + D&A.
- D&A : amortissements et provisions non cash.
- Rien sur la fiscalité ni sur les frais de financement.
- Des retraitements de gestion peuvent s’y ajouter selon les pratiques.
En somme, l’EBITDA mesure une capacité théorique, non un flux que l’on encaisse. Sa lecture mérite donc un brin de distance critique.
Ce que l’EBITDA masque
Capex et obsolescence
L’EBITDA se fiche royalement de l’entretien des actifs. Une usine fatiguée réclame du capex régulier : deux sociétés affichant un même EBITDA peuvent dégager des cash flows diamétralement opposés, selon l’intensité de leurs investissements et leur structure de capital.
BFR et saisonnalité
Il ignore tout du besoin en fonds de roulement : une variation de stock, une évolution du délai de paiement client ou fournisseur, et la trésorerie s’envole. Une forte croissance consomme d’ailleurs beaucoup de cash, malgré un EBITDA flamboyant. L’indicateur ne percute pas le tempo des cycles commerciaux.
Leases et IFRS 16
Depuis IFRS 16, les loyers basculent en charges d’amortissement et d’intérêt. Résultat, l’EBITDA grimpe automatiquement, la dette locative s’invite dans l’EV, et le multiple EV/EBITDA doit être lu avec une grande prudence, sous peine de comparer des choux et des carottes.
Charges « non cash » mais bien réelles
Les rémunérations en actions diluent, les restructurations se répètent, la R&D capitalisée diffère souvent les véritables coûts. Autrement dit, si l’EBITDA feint d’ignorer certains éléments, le cash, lui, finit immanquablement par révéler la vérité économique.
EBITDA ajusté, normalisé… jusqu’où aller
Dans le cadre d’une transaction, on négocie généralement sur l’EBITDA ajusté : les éléments non récurrents sont éliminés, la structure de coûts est lissée afin de livrer un reflet plus robuste et pérenne de l’entreprise. Cette construction reste toutefois subjective, car elle dépend des hypothèses de l’analyste.
- Exclusion des indemnités de départ ou litiges isolés.
- Neutralisation d’un contrat exceptionnel et non durable.
- Alignement des loyers ou des coûts de groupe sur une norme régulière.
- Réajustement sur un prix ou un stock anormalement haut ou bas.
La question cruciale porte sur la récurrence des ajustements. Attendez-vous à devoir justifier en détail chaque retraitement, preuves à l’appui.
EBITDA et valorisation: le couple EV/EBITDA
Les banques plébiscitent le ratio EV/EBITDA pour son efficacité : il intègre la dette via l’Enterprise Value et contourne la diversité des régimes fiscaux. Pratique pour les comparaisons sectorielles en screening. Mais l’exercice n’est pas infaillible.
Utiliser ce multiple suppose une conversion fiable de l’EBITDA en flux de trésorerie. Si l’entreprise nécessite de lourds investissements ou que cette conversion varie fortement, le ratio perd en pertinence. Un EBITDA flatteur ne garantit en rien de solides cash flows.
Quand l’EBITDA fonctionne… et quand il déraille
L’EBITDA trouve sa pleine cohérence dans les modèles peu gourmands en actifs, comme les SaaS rentables, la distribution légère ou certains services B2B où l’investissement reste limité et la conversion en cash, directe.
- Misez sur l’EBIT dans les modèles où l’amortissement pèse lourd.
- Surveillez le FCF dès que le capex devient déterminant.
- Gardez l’œil sur l’OCF si le BFR évolue au gré de la saisonnalité.
- Prenez le ROIC pour jauger la création de valeur réelle.
Les infrastructures affichent volontiers de beaux EBITDA, mais le capex de maintenance révèle parfois une toute autre réalité en exécution.
Lecture par secteur et business model
Dans l’industrie, l’EBITDA suit les cycles mais peut masquer de lourdes charges d’entretien. Dans le retail, IFRS 16 rebat les cartes sur la gestion des loyers. En SaaS, la rentabilité s’exprime au fil de l’effet d’échelle mais la valeur vient de la fidélité client.
Les plateformes logistiques arborent des montants d’EBITDA flatteurs, mais leur réseau de capex reste tendu. Les utilities privilégient la régulation et le FCF prime souvent sur la simple marge opérationnelle.
Dette, covenants et capacité de remboursement
Les prêteurs scrutent l’EBITDA pour structurer le leverage. Le ratio dette nette/EBITDA fixe le cadre des covenants d’un LBO, mais reste aveugle à l’insuffisance de génération de cash.
Au final, le prêteur s’appuiera surtout sur le flux de trésorerie disponible pour le service de la dette. Les chiffres sont implacables.
Mini cas: même EBITDA, cash très différent
Prenons deux entreprises affichant chacune 50 millions d’EBITDA. La première absorbe 30 en capex et 10 en BFR : son FCF avant impôt plafonne à 10. La seconde n’investit que 10 et libère 5 de son BFR : FCF avant impôt, 45. Même ratio mis en avant, réalités opposées.
Ce que les interviewers attendent en M&A, TS et PE
Les recruteurs exigent une analyse nuancée. Argumentez vos ajustements, interrogez la récurrence, reliez toujours l’EBITDA à sa conversion en cash, positionnez les multiples selon le secteur.
Lors de la due diligence, on évaluera finement la crédibilité de vos valorisations de l’EBITDA ajusté, à la lumière des éléments non récurrents. Pour bien se préparer, consultez ce recueil de questions d’entretien en Transaction Services, parfaitement aligné sur les exigences du terrain.
Indicateurs à suivre en parallèle
Rien n’empêche d’aimer l’EBITDA tout en restant exigeant : croisez-le systématiquement avec d’autres métriques pour ne pas tomber dans le piège du mirage.
- Taux de conversion en cash : FCF/EBITDA sur plusieurs exercices.
- Intensité capitalistique : Capex/Chiffre d’affaires et capex de maintenance.
- Qualité de la croissance : churn, net retention, variation des prix et du mix produit.
- Création de valeur : ROIC vs WACC et évolution du ROIC.
En bref: utile, mais jamais souverain
L’EBITDA demeure un excellent point de départ, mais ne tranche pas la décision. L’investissement se décide sur le cash – le reste n’est qu’un décor de scène.
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FAQ
Pourquoi l’EBITDA est-il souvent utilisé dans les transactions ?
Il simplifie la comparaison de performance en éliminant les variables comptables. Pourtant, cette simplicité peut masquer des réalités financières importantes comme le capex ou la saisonnalité. Ne vous fiez pas aveuglément à cet indicateur.
Quels sont les pièges de l’EBITDA pour les investisseurs ?
Il ne prend pas en compte les flux de trésorerie réels et peut ignorer les dépenses capitalisées ou les variations de fonds de roulement. Des entreprises avec le même EBITDA peuvent cacher des situations financières très différentes.
Comment IFRS 16 affecte-t-il l’EBITDA ?
La norme IFRS 16 fait que les loyers sont reclassés en amortissements, ce qui augmente l’EBITDA. Pourtant, cela ne reflète pas une véritable amélioration de la performance et peut induire en erreur sur la qualité réelle des résultats financiers.
Qu’est-ce qu’un EBITDA ajusté ?
Il élimine les éléments non récurrents pour offrir une image plus stable de la performance, mais cette pratique reste subjective. Exigez toujours une justification détaillée de chaque ajustement pour éviter les illusions comptables.
Comment utiliser le ratio EV/EBITDA judicieusement ?
Il est utile pour comparer des entreprises du même secteur, mais se brise si le taux de conversion de l’EBITDA en cash n’est pas fiable. Une analyse approfondie des capex et du flux de trésorerie est cruciale pour éviter de fausses évaluations.
Dans quels cas l’EBITDA n’est-il pas une métrique fiable ?
Lorsqu’une entreprise a un fort besoin en capex ou une structure lourde en amortissements, l’EBITDA devient trompeur. Prendre des décisions d’investissement basées uniquement sur cet indicateur expose à des surprises financières désagréables.
Est-ce que l’EBITDA traduit la rentabilité réelle ?
L’EBITDA simplifie la vue d’ensemble mais peut dissimuler les coûts non cash comme les rémunérations en actions. Toujours vérifier la conversion effective en flux de trésorerie pour juger de la rentabilité réelle avec précision.
Pourquoi croiser l’EBITDA avec d’autres indicateurs ?
Se reposer uniquement sur l’EBITDA peut conduire à des erreurs d’évaluation; il faut le compléter par des mesures comme le FCF ou le ROIC. Ces autres indicateurs offrent une perspective plus complète et précise de la santé financière de l’entreprise.
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1 Commentaire
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[…] la performance, l’EBITDA est loin d’être suffisant pour ces enjeux. Consulte notre analyse critique de l’EBITDA et des indicateurs de performance. Sur la dette durable, il est crucial de comprendre les logiques de ratchet, chaque point de marge […]