Le fort développement des ingénieries financières depuis les années 2000 et les problématiques auxquelles sont confrontés les actionnaires-dirigeants lorsqu’il s’agit de transmettre leurs entreprises sont deux tendances de fonds permettant d’appréhender au mieux les enjeux d’une opération d’Owner Buy-Out (OBO) ou « rachat à soi-même ». Ainsi, depuis plus de 20 ans, la France connaît un fort développement de ses opérations de capital-investissement notamment grâce aux opérations à effet de levier que sont les Leverage Buy Out (LBO). Selon l’association France Invest, une opération de LBO est « le rachat d’une société cible par l’intermédiaire d’une société holding qui reçoit des apports et souscrit à une dette pour financer l’acquisition. Par la suite, la dette est remboursée par les flux financiers que la société achetée verse à la holding d’acquisition ».

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Un problème rencontré par de nombreuses PME

En France, les successions familiales d’entreprises sont beaucoup moins naturelles qu’auparavant. En effet, la complexité croissante de la gestion d’une PME, tout comme les besoins financiers auxquels une famille seule ne peut faire face, entraînent une incapacité à trouver un héritier au sein du cercle familial dans près de 2/3 des cas. Par voie de conséquence, de plus en plus d’entreprises familiales sont contraintes de trouver un repreneur extérieur afin de pérenniser l’activité et les emplois. Mais encore faut-il que le repreneur dispose de moyens financiers suffisants pour racheter les titres du futur retraité. Malheureusement, c’est rarement le cas. Or, sans succession, l’actionnaire-dirigeant est condamné à assumer la direction de l’entreprise, et ceci en dépit de sa volonté à prendre sa retraite. On constate également que les actionnaires-dirigeants souhaitent se constituer un patrimoine privé indépendant de leur entreprise afin de se couvrir contre un éventuel retournement de marché qui serait de nature à fragiliser voire à faire disparaitre leur entreprise. Fort heureusement, les avancées des ingénieries financières et juridiques permettent désormais de répondre efficacement à ces problématiques successorale et patrimoniale.

 

L’OBO aide à la résolution de ce problème

En effet, un montage basé sur les principes du LBO permet de répondre aux problématiques rencontrées par les actionnaires-dirigeants de PME : l’Owner Buy Out (OBO). Ce montage désigne un LBO particulier dans lequel l’acquisition de l’entreprise cible ne s’inscrit pas dans une opération de croissance externe comme pour un LBO classique mais dans une stratégie patrimoniale propre à l’actionnaire-dirigeant de l’entreprise cible. En effet, une opération d’OBO est un montage juridique et financier permettant au dirigeant propriétaire d’une entreprise de transférer une partie de son patrimoine professionnel vers son patrimoine personnel tout en restant actionnaire majoritaire. Ainsi, l’avantage principal de ce montage est la conservation du contrôle de l’entreprise par l’actionnaire-dirigeant qui peut continuer à profiter du développement de son entreprise et préparer sa succession. Ce montage particulier présente l’atout majeur d’être véritablement au service d’une triple logique :

  • Financière et patrimoniale, en permettant aux actionnaires-dirigeants de rendre liquide et de sécuriser une partie de leur patrimoine.
  • Industrielle ensuite, en restructurant le capital de la cible et en l’axant sur son développement futur.
  • Humaine, en permettant aux actionnaires-dirigeants de rester aux commandes tout en associant progressivement une nouvelle génération de cadres, évitant ainsi les dangers d’une rupture brutale et les risques d’immobilisme au sommet.

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Les mécanismes d’un OBO

Afin d’illustrer concrètement le montage d’un OBO, prenons pour exemple une entreprise qui est détenue à 100% par son actionnaire-dirigeant. Dans notre exemple, l’actionnaire-dirigeant souhaite transformer une partie de son patrimoine professionnel en liquidité privée à hauteur de 14 millions d’euros. En terme opérationnel, nous parlons d’un cash-out de 14 millions d’euros.

  • Etape préliminaire :
    – Valorisation des titres de l’entreprise : 20 millions d’euros
  • Etape 1 :
    – Création par le dirigeant-actionnaire d’une holding de reprise (Newco)
    – Apport en nature de l’actionnaire-dirigeant : 30% de ses titres valorisés 6 millions d’euros (30% de 20 millions d’euros)
  • Etape 2 :
    – Apport en numéraire du partenaire financier (fonds d’investissement dans la majorité des cas) : 4 millions d’euros
  • Etape 3 :
    – Souscription d’une dette senior auprès de banques : 10 millions d’euros. Cette dette complète les ressources nécessaires au rachat de l’entreprise cible par la holding.
  • Etape 4 :
    – Rachat par la holding des titres de l’entreprise détenus en direct par le dirigeant-actionnaire : 70% des titres valorisés 14 millions d’euros (70% de 20 millions d’euros). Les 14 millions d’euros de cash sont financés par le fonds d’investissement à hauteur de 4 millions d’euros et les banques à hauteur de 10 millions d’euros.

Finalement, la cession des titres à la holding permet à l’actionnaire-dirigeant d’encaisser à titre privé 14 millions d’euros en cash et à la holding de reprise d’être propriétaire à 100% de l’entreprise cible, les 30% initiaux ayant été apportés en nature par le dirigeant et les 70% restants ayant été rachetés contre paiement en numéraire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les conséquences/résultats d’un montage d’OBO : effet de levier juridique et financier

A l’instar des opérations de LBO classique, le montage d’un OBO utilise des effets de levier juridique et financier.

L’effet de levier juridique :

En effet, à l’issue de l’opération, malgré la cession de 70% de ses titres de participation à l’entreprise cible, le dirigeant-actionnaire continue de contrôler indirectement l’entreprise. En effet, l’interposition d’une holding entre le dirigeant-actionnaire et la cible permet à celui-ci, avec un apport relativement limité (6 Millions d’euros) par rapport à la valeur de la cible (20 millions d’euros), d’être actionnaire majoritaire (détention de 60% du capital) de la holding de reprise qui elle-même détient 100% de l’entreprise. C’est l’effet de levier juridique.

L’effet de levier financier :

Le montage d’un OBO a pour conséquence pour l’actionnaire-dirigeant une augmentation significative de la valeur de son patrimoine personnel par une « cession à double détente » de sa participation. Concrètement, dans notre exemple, l’actionnaire-dirigeant bénéficiera d’un cash-out de 14 millions d’euros le jour de la réalisation de l’OBO puis, dans un second temps et dans le cadre d’un nouvel OBO ou d’une transmission de l’entreprise, pourra bénéficier d’une nouvelle source de revenu sur la base d’une valorisation de sa participation de 60% du capital de la holding. C’est l’effet de levier financier.

 

Illustration au travers d’un cas réel : l’OBO de l’enseigne Bonpoint

L’OBO de l’entreprise Bonpoint, enseigne de vêtement de luxe pour enfants créée par Marie-France et Bernard Cohen à Paris en 1975, illustre le montage d’un OBO. Aujourd’hui, la marque pour enfants qui symbolise le savoir-faire français totalise plus de 100 adresses dans le monde de Paris à New York en passant par Tokyo et Sao Paulo. En 2003, à l’approche de la soixantaine, le couple fondateur souhaite faire de son succès commercial un tremplin pour une autre activité mais aucun de leurs enfants ne souhaite reprendre l’affaire. Le couple fondateur est alors contraint de trouver un repreneur extérieur afin de pérenniser les emplois et ainsi pouvoir se lancer dans un nouveau projet à caractère philanthropique.

Les spécialistes en Private Equity du fonds Edmond de Rothschild Capital Partners leur recommandent le montage d’un OBO. En effet, en cédant une partie de leur capital à des investisseurs, les fondateurs permettent à leur enseigne d’accroitre son développement qui, sous une période de 6 ans, facilitera une sortie définitive du capital par la vente des titres à un repreneur industriel.

Ainsi, le couple fondateur a-t-il choisi de céder 70% des actions de Bonpoint au fonds d’investissement Edmond de Rothschild Capital Partners via le montage d’un OBO leur permettant de continuer à vivre confortablement grâce au cash out réalisé tout en restant impliqué dans le management de leur enseigne. L’OBO étant limité dans le temps, au terme de la période du montage, le couple fondateur trouva un repreneur industriel de premier plan, EPI, la holding familiale de Christopher Descours, fils de Jean-Louis Descours ancien PDG du groupe André. Enfin, en 2009, grâce à cette cession à « double détente », le couple créa Merci, un concept store unique en son genre par la mixité des espaces qu’il offre à sa clientèle : salon de thé, ciné-café, linéaire de vêtement de créateur et bijoux.

 

Les OBO sont applicables à tous les secteurs d’activité

Une opération d’OBO peut être menée par des entreprises s’inscrivant dans des secteurs d’activité très diversifiés comme en témoigne cette liste non-exhaustive d’opération d’OBO :

Juillet 2012, les groupes de presses Edimark Santé et Espace ID, éditeurs de publications de référence à destination des médecins spécialistes et des chirurgiens-dentistes, a mené une opération d’OBO en intégrant au capital des cadres de l’entreprise.

Novembre 2017, Philogeris, acteur majeur de la prise en charge de la dépendance (EHPAD) en France, a mené une opération d’OBO.
Novembre 2017, AgroBiothers, groupe à actionnariat exclusivement familial spécialisé dans la fabrication et la distribution de produits d’hygiène pour les animaux de compagnie, ouvre son capital à un partenaire externe, Gimv, dans le cadre d’un OBO.

Novembre 2017, le groupe STH, composé des deux filiales Energys, spécialiste des métiers du génie climatique, de la plomberie et du génie électrique, et Eurotechnologie, expert du traitement de l’eau, a finalisé son opération d’OBO.

L’opération d’OBO constitue pour les dirigeants-actionnaires un outil efficace pour accroitre la surface financière de leur patrimoine privé tout en continuant à développer l’entreprise dans la perspective d’une cession-transmission plus lointaine. Le recours à un OBO implique qu’une partie de la trésorerie générée par l’entreprise cible sera utilisée pour rembourser progressivement la dette senior, laquelle est à rembourser en priorité en cas de cessation d’activité de l’entreprise. L’OBO est donc destinée à des entreprises saines, rentables et avec une bonne visibilité sur leurs revenus futurs.

Anthony LANDREAU-AGLAOR, étudiant à l’IAE Dijon