Notre premier volet sur les LBOs mettait en lumière les plus grands échecs des acquisitions à effet de levier. La majorité des LBOs connaît cependant une issue bien plus favorable, avec parfois certains succès retentissants. Réunissant les critères théoriques nécessaires à la réussite d’un LBO, ces deals sont le fruit de parfaites adaptations à la conjoncture, d’un bon montage de la structure financière, et soulignent bien souvent l’intelligence et l’expérience nécessaires aux investisseurs dans le marché du Private Equity. Focus sur quatre opérations devenues iconiques.

 

Equity Office & Hilton, une consécration pour Blackstone

Aujourd’hui leader sur le marché en termes d’actifs sous gestion (environ 365 milliards de dollars en 2016), Blackstone a connu son apogée en 2007 avec ses deux premiers méga deals, se positionnant alors sur un secteur encore peu exploité dans l’univers des LBOs : le Real Estate.

Premier deal de cette envergure, le rachat d’Equity Office Properties a contribué à la réputation de leader de Blackstone sur ce segment, et apparaît comme l’une des plus grandes réussites du fonds. Opposé à Vornado Reality Trust pour le rachat d’EOP, Blackstone a remporté les enchères en structurant ingénieusement le deal. Le fonds a ainsi conclu la vente de certains actifs d’EOP avant même son rachat, facilitant grandement le financement du LBO aux 38,9 milliards de dollars. Les investisseurs du fonds ont alors triplé leur mise, Blackstone a surperformé en revendant au prix fort les actifs d’EOP, malgré un marché de l’immobilier à genoux pendant la crise.

Deal conclu quelques mois seulement après celui d’EOP, le rachat par effet de levier des hôtels Hilton pour 26 milliards de dollars en 2007 a confirmé le virage stratégique opéré par la firme dirigée par Steve Schwarman. Qualifié par Bloomberg de « best LBO ever », le deal Hilton est lui aussi un cas d’école : il fut parfaitement exécuté dans un contexte extrêmement défavorable. C’est qu’en effet, à l’éclatement de la bulle immobilière, la baisse du tourisme liée à la crise et l’attaque en justice de Hilton par l’un de ces principaux concurrents est venue s’ajouter la faillite de Bear Stearns et Lehman Brothers (alors partenaires sur le deal).

Dans ce contexte calamiteux, la réussite de Blackstone s’est faite grâce à une gestion stratégique du management et une gestion de crise rondement menées. Le groupe Hilton a alors connu une amélioration nette de ses performances : croissance de sa marge opérationnelle comme de ses parts de marché. Le coup de maître de Blackstone réside dans la décision prise de restructurer la dette contractée avant la cessation de paiement. Le fond a su convaincre les créanciers de laisser à la chaîne hôtelière un délai afin de pouvoir mener à bien les changements opérationnels nécessaires. Se désengageant de manière progressive via une IPO en 2013, Blackstone a vu son capital engagé de 6,5 milliards de dollars monter à 15 milliards, faisant de Hilton l’une des meilleures success storys de Wall Street.

 

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HCA, healthcare et privatisation

Considéré lui aussi comme le plus gros rachat (en valeur nominale) en son temps, le LBO du trio KKR, Bain Capital et Merrill Lynch remplit à merveille les critères théoriques d’un LBO. Hospital Corp. of America est alors une entreprise mature, leader sur son marché, nécessitant peu d’investissements. Peu sensible aux variations de marché du fait d’un beta très faible, elle dispose d’un management de qualité et de cash flows prévisibles.

Achetée pour 32,7 milliards de dollars en 2006, HCA a connu une croissance de 5 à 6% par an les années suivantes ; notamment en réduisant les coûts et investissant dans de nouveaux services tout en améliorant les existants. Preuve de l’importance du management et de la stratégie relative à un LBO, les performances opérationnelles ont dépassé les estimations des analystes, confirmant l’attractivité de HCA. Des changements comptables, dans la politique de facturation notamment, ont également dopé le résultat opérationnel de la firme. Enfin, à l’instar d’EOP, la vente d’actifs a permis de contribuer au remboursement de la dette contractée pour le LBO.

Par ailleurs, le contexte de l’époque et l’afflux de financements peu coûteux a joué un rôle clé dans le succès de HCA. Ayant commencé à se désengager de son investissement en 2011, le trio Bain-KKR-Merrill Lynch a profité des modalités de structuration de la dette, encore remboursée après l’introduction en bourse et donc en dépit des dividendes versés aux nouveaux actionnaires. Après l’IPO de 2011, le trio a perçu un dividende exceptionnel de 4,5 milliards de dollars; et donc triplé son investissement initial.

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Dell, le retour des méga LBO

Après l’accalmie provoquée par la crise des subprimes et la crise de 2011 en Europe, le LBO de Dell en 2013 est le premier deal à dépasser les 20 milliards de dollars. Il marque le retour en grâce du PDG-fondateur Michael Dell, qui participe à l’opération aux côtés du fond Silver Lake Management ; doublant quasiment leur investissement une année seulement après avoir racheté l’entreprise.

Dell ayant accru ses parts de marché de 1,4% dès son rachat, le passage d’un statut d’entreprise publique à privée constitue le principal motif de succès de cette opération. La prise de décisions s’est avérée facilitée sans la réunion systématique d’un conseil d’administration, et a favorisé la réactivité de l’entreprise dans un contexte où le marché du PC a baissé de 1,7%. Cela a permis d’opérer des remaniements stratégiques et de céder rapidement des branches peu rentables, contribuant une nouvelle fois à rembourser la dette nécessaire au financement de l’opération.

Ce deal, qui compte parmi les plus rentables de l’histoire, marque par ailleurs l’avènement d’un nouveau type de fonds, spécialisé dans les opérations technologiques. A l’instar de boutiques M&A telles qu’Allen & Co et Qatalyst qui s’imposent dans la tech aux dépens des bulge brackets, Silver Lake est à l’origine du plus grand deal depuis 2007 (Dell), et double les mastodontes traditionnels du PE que sont KKR, Blackstone, Bain Capital et Apollo.

Andrea Bossetti, étudiant à PSB et contributeur du blog AlumnEye