Blackstone : les origines du géant du Private Equity qui ouvre un bureau à Paris

Quarante ans après sa création dans un modeste bureau de Park Avenue à New York, Blackstone pose ses valises à Paris. Cette implantation, opérée avec éclat sur l’un des marchés les plus dynamiques d’Europe, marque une nouvelle étape dans l’expansion d’un géant de la finance. Elle constitue également un signal fort pour la place financière parisienne, en plein renouveau depuis le Brexit. De ses débuts sur Wall Street à son internationalisation et à la diversification de ses activités, Blackstone incarne l’excellence et l’essor fulgurant des fonds d’investissement alternatifs dans l’économie mondiale. Retour sur les grandes étapes de l’ascension d’un colosse du Private Equity.

Blackstone, empire mondial

La naissance de Blackstone, entre période libérale et inflation

Les années 1970 sont marquées par une instabilité géopolitique et économique profonde,donnant lieu à une période de stagflation, un phénomène caractérisé par le ralentissement de la croissance couplé à une inflation élevée. Ce contexte inédit remet en cause le modèle keynésien, qui avait dominé les politiques économiques occidentales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette remise en question prend une tournure concrète au début des années 1980, notamment avec l’élection de Ronald Reagan aux États-Unis, qui incarne un virage libéral assumé dans la conduite des affaires économiques. Reagan inaugure à l’aube de cette nouvelle décennie une ère de politique économiques libérales surnommées la “Reaganomics” et basée sur 3 piliers :

  • Baisse massive des impôts
  • Dérégulation des marchés financiers
  • Réduire la place de l’Etat dans l’économie

Cette politique est très favorable à l’innovation financière et les marchés financiers explosent. La politique monétaire est plus stable, on voit alors le développement de nouveaux instruments financiers : options, futurs, junk bonds et des acteurs privés dans l’investissement connaissent un véritable essor. C’est dans ce contexte que Blackstone voit le jour. En 1985, deux anciens partenaires de Lehman Brothers fondent Blackstone : Stephen A.Schwarzman et Peter G. Peterson, qui ont alors quitté leur ancienne banque un an plus tôt. Avec un capital de départ de 400 000 dollars, ils lancent leur propre société d’investissement, à une époque où le private equity commence à gagner en importance. Le nom de l’entreprise est un clin d’œil à leurs patronymes : « Black » pour Schwarz qui signifie“noir” en allemand, et « Stone » pour Peterson, dont le prénom latinisé Petrus renvoie à la pierre. À ses débuts, Blackstone se positionne comme une boutique indépendante de conseil en fusions-acquisitions, offrant une approche plus flexible, confidentielle et centrée sur les entrepreneurs, à contre-courant des grandes banques d’affaires alors dominantes comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley. En 1987, dans un contexte marqué par l’essor spectaculaire des LBO, la firme franchit une étape décisive en lançant son tout premier fonds de private equity : Blackstone Capital Partners I, doté de 850 millions de dollars. Un montant considérable pour l’époque, qui témoigne de la confiance et du potentiel perçu par les différents investisseurs que ces derniers soient des institutionnels, des fonds de pensions, des family offices ou des investisseurs fortunés. Parmi ces premiers souscripteurs : Prudential Financial, le fonds de pension de General Motors ou encore la firme japonaise Nikko Securities.

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La diversification des activités de Blackstone (1990-2000)

Au début des années 1990, Blackstone poursuit sa croissance et enchaîne les performances solides dans le private equity. Pourtant, Stephen Schwarzman perçoit très tôt les limites d’un modèle reposant sur une seule classe d’actifs. La montée en puissance des grandes banques d’investissement traditionnelles, combinée à la volatilité inhérente aux marchés, le pousse, avec Peter G. Peterson, à amorcer une stratégie de diversification ambitieuse. Leur vision : construire un modèle intégré, capable d’évoluer en tant que gérant d’actifs alternatif global, avec une expertise reconnue sur plusieurs classes d’actifs.

C’est le début d’une transformation profonde de Blackstone, qui entend devenir un acteur incontournable de la gestion alternative à l’échelle mondiale. En 1990, Blackstone franchit une étape décisive dans sa stratégie de diversification en créant Blackstone Alternative Asset Management (BAAM), une plateforme dédiée à l’investissement dans des hedge funds tiers. Structurée comme un fonds de fonds, BAAM permet à une clientèle institutionnelle d’accéder à une sélection rigoureuse et diversifiée de stratégies alternatives, incluant des fonds souvent fermés aux investisseurs traditionnels.

Cette offre s’étend également à des solutions personnalisées : des mandats dédiés, des portefeuilles sur mesure ou encore des véhicules d’investissement commingled, c’est-à-dire des fonds communs de placement regroupant les capitaux de plusieurs investisseurs afin de leur permettre, même avec un ticket d’entrée modeste, d’accéder à des classes d’actifs autrement inaccessibles (private equity, infrastructures, immobilier), tout en bénéficiant de l’expertise d’un gestionnaire professionnel et de nouvelles opportunités d’investissement. Ce positionnement stratégique séduit rapidement des investisseurs de long terme à la recherche de diversification et de stabilité. Pour Blackstone, BAAM devient ainsi une source de revenus récurrents, contribuant à la résilience et à la robustesse de son modèle économique.

En 1991, Blackstone poursuit sa stratégie de diversification en lançant Blackstone Real Estate Partners, sa première plateforme dédiée à l’investissement immobilier. Ce lancement intervient en pleine crise immobilière américaine, marquée par la faillite de nombreuses institutions de crédit, qui provoque une dépréciation massive des actifs. Une opportunité que Blackstone saisit avec intelligence. Le modèle est simple mais redoutablement efficace : acquérir des actifs sous-valorisés, les rénover et optimiser leur gestion, puis les revendre avec une plus-value significative. La stratégie s’avère rapidement gagnante.

En quelques années, Blackstone s’impose comme un acteur incontournable de l’immobilier, et sa capacité à capter la valeur dans les cycles bas devient une marque de fabrique. La mise en place de ces initiatives permet donc à Blackstone d’être, à la fin des années 1990, un acteur agile, déjà multibranche, mais dont la taille est encore loin de son futur statut de géant mondial.

2000-2010, Blackstone réalise de gros LBO et change d’échelle

La première décennie du XXIe siècle marque pour Blackstone un véritable changement d’échelle. Peter G. Peterson se retire progressivement des opérations, laissant Stephen Schwarzman aux commandes. En 2002, Tony James rejoint la firme en tant que Chief Operating Officer (COO), avant de devenir président en 2006. À ses côtés, Blackstone amorce une nouvelle phase de transformation : il s’agit désormais de faire évoluer la société d’une structure entrepreneuriale vers une organisation professionnelle, industrialisée et scalable. Cette montée en puissance organisationnelle prépare le terrain à l’institutionnalisation de Blackstone et à son entrée sur les marchés publics.

Cette décennie est également marquée par une série de transactions emblématiques qui consolident la stature de Blackstone à l’échelle mondiale. Sur le segment immobilier, Jonathan D. Gray, entré dans la firme en 1992, joue un rôle clé dans le développement du private equity immobilier. Nommé Head of Real Estate en 2005, il transforme Blackstone en la plus grande plateforme immobilière au monde. Sous sa direction, la firme réalise deux opérations majeures en 2007 : d’une part, le rachat de Hilton Hotels via un LBO de 26 milliards de dollars ; d’autre part, l’acquisition d’Equity Office Properties pour 39 milliards de dollars, un record historique dans le secteur à l’époque.

Ces transactions font de Blackstone un acteur incontournable des méga-deals globaux, capable de mobiliser et gérer des volumes de capitaux colossaux, tout en imposant sa marque dans l’univers des investissements alternatifs.

L’année 2007 marque un tournant historique pour Blackstone, qui devient la première grande firme de private equity à s’introduire en bourse. Cette IPO emblématique permet de lever 4,1 milliards de dollars, valorisant la société à 33 milliards de dollars dès son entrée sur le New York Stock Exchange. Cette opération poursuit trois objectifs stratégiques :– Accéder à un capital permanent pour moins dépendre des levées de fonds traditionnelles ;– Accroître la notoriété mondiale de Blackstone, en renforçant sa visibilité auprès des investisseurs institutionnels ;– Structurer la gouvernance selon les standards des sociétés cotées, en vue de soutenir sa croissance à long terme.

Face à la crise financière des subprimes en 2008, Blackstone fait preuve d’une remarquable résilience et d’un sens aigu de l’opportunisme. Bien que le secteur du private equity soit durement touché, la firme réagit rapidement en poursuivant sa stratégie de diversification. Cette même année, elle acquiert GSO Capital Partners, marquant la création de Blackstone Credit, sa plateforme dédiée aux prêts directs et aux investissements dans la dette d’entreprise. Parallèlement, Blackstone continue de renforcer sa présence dans l’immobilier, profitant de la baisse généralisée des valorisations pour capter des opportunités à forte valeur ajoutée.

Sa résilience repose également sur une discipline opérationnelle rigoureuse : la gestion active et rigoureuse des portefeuilles inspire la confiance des limited partners (LPs), assurant une stabilité précieuse dans un contexte de forte incertitude.

In fine, les décisions stratégiques et la rigueur de gestion déployées au cours de la décennie permettent à Blackstone de changer de dimension. Les actifs sous gestion passent de 15 milliards à plus de 100 milliards de dollars, marquant une croissance exponentielle. En parallèle, l’entreprise se transforme en une organisation véritablement mondiale, son effectif passant d’environ 200 collaborateurs à plus de 1 500, répartis dans des bureaux implantés dans les principaux centres financiers du globe : Londres, Bombay, Hong Kong, Tokyo, Paris, entre autres.

Blackstone s’impose alors comme l’un des leaders incontestés de la gestion d’actifs alternatifs à l’échelle mondiale.

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La suprématie Blackstone (2010-2025)

Depuis 2010, Blackstone poursuit son ascension jusqu’à atteindre les sommets de la gestion d’actifs alternatifs. En 2015, la firme opère une réorganisation stratégique majeure en se séparant de PJT Partners, sa branche de conseil financier et de restructuring dirigée par Paul Taubman. Cette activité, minoritaire dans le modèle économique global de Blackstone, est scindée afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les activités de gestion d’actifs et de conseil, tout en clarifiant l’identité du groupe en tant que pur asset manager. Désormais pleinement recentrée sur la gestion d’actifs, Blackstone lance une série d’initiatives majeures. En 2017, elle crée le Blackstone Real Estate Income Trust (BREIT), un véhicule d’investissement non coté destiné aux investisseurs particuliers américains. BREIT devient rapidement l’un des premiers REIT privés au monde, avec plus de 60 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Blackstone s’impose également comme un acteur systémique du financement non bancaire, en développant des solutions de crédit destinées tant aux particuliers qu’aux institutionnels, à travers notamment le Blackstone Private Credit Fund et Blackstone Credit & Insurance. La firme adapte également sa stratégie aux enjeux contemporains, avec le lancement en 2022 du fonds Blackstone Energy Transition Partners, qui vise à investir jusqu’à 100 milliards de dollars dans les infrastructures d’énergie bas carbone. Parallèlement, Blackstone investit massivement dans la technologie, en particulier dans l’intelligence artificielle, les datacenters et les infrastructures cloud, anticipant les besoins énergétiques et numériques de demain. Blackstone poursuit son expansion mondiale avec l’ouverture de nouveaux bureaux dans des hubs stratégiques tels que Dubaï, Sydney, Tel Aviv ou encore Shanghai, tout en renforçant sa présence dans ses implantations historiques. La récente création d’une division Private Equity à Paris est l’exemple même de cette volonté de s’ancrer davantage dans les grands centres financiers régionaux. Aujourd’hui, Blackstone dispose de 27 bureaux répartis sur les trois grands continents : Amériques, Europe et Asie, constituant un maillage global sans équivalent dans l’univers de la gestion alternative. Avec plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, la firme est aujourd’hui le plus grand gestionnaire d’actifs alternatifs au monde, symbole d’un modèle bâti sur la vision, l’innovation et la discipline.

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2025 : l’ouverture d’un bureau parisien pour les affaires européennes de Private Equity

La métamorphose réalisée par Blackstone en quarante ans ne relève ni du hasard ni d’un simple effet d’échelle, mais résulte d’une vision stratégique cohérente et ambitieuse, portée par des figures clés telles que Stephen Schwarzman, Tony James et Jonathan Gray. L’anticipation demeure au cœur de sa stratégie : entre transition énergétique, digitalisation et investissements dans les technologies de rupture, Blackstone continue de conjuguer performance, innovation et responsabilité. L’ouverture d’une équipe dédiée au private equity à Paris, annoncée en juin dernier, illustre sa capacité à identifier et saisir les opportunités : avec une stratégie d’investissement de 500 milliards d’euros en Europe au cours des dix prochaines années, Blackstone voit grand. Pour ce projet, Mathieu Cransac a été nommé Managing Director. Passé par Goldman Sachs et Cinven, il a rejoint l’équipe londonienne de Blackstone en 2010, où il a développé une expertise dans le secteur des services aux entreprises, avec plusieurs investissements en France (Center Parcs, United Biscuits, Alliance Automotive Group…). Il est accompagné de Lukas Denizot, jusqu’alors membre de l’équipe private equity à Londres, qui prend le rôle de Principal au sein de cette nouvelle équipe parisienne. Déjà positionnée sur l’étude d’un éventuel deal à 35 milliards d’euros pour SFR, cette équipe entend bien poursuivre en France et en Europe ce que Blackstone a su réaliser à l’échelle mondiale depuis quarante ans : penser grand et exécuter à la hauteur de ses ambitions.

écrit par Sébastien, étudiant de l’EDHEC Business School

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