La technologie de Blockchain portait de grosses ambitions pour décentraliser le système monétaire internationale lors de son apparition en 2008. Certains la voyaient même devenir le troisième pilier d’internet après l’invention de l’ordinateur et des smartphones, et son principe majeur de décentralisation a dépassé le périmètre des transactions financières pour atteindre une multitude d’autres domaines déjà existants. Mais la Blockchain est loin d’être une technologie parfaite et elle présente deux défauts principaux qui l’empêcheront certainement de devenir un succès mondial en l’absence d’améliorations : le nombre limité de transactions possibles par minute et l’énorme consommation d’énergie nécessaire au fonctionnement du réseau. Une nouvelle technologie appelée Holochain a récemment fait son apparition pour remédier à ces deux faiblesses, et vient avec des ambitions encore plus titanesques que celles de la Blockchain : décentraliser l’entièreté du réseau internet !

 

Introduction au Bitcoin et à la Blockchain

L’histoire du Bitcoin remonte au 31 octobre 2008 quand un personnage mystérieux, sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, a révélé pour la première fois au monde l’existence du Bitcoin. Dans un article intitulé « Bitcoin : A peer-to-peer electronic cash system » et publié sur une liste de diffusion secrète, Satoshi décrit un système de transaction entre individus qui repose uniquement sur le calcul cryptographique et non sur la confiance. Le 3 janvier 2009, Satoshi a donné naissance au Bitcoin en minant le bloc de genèse qui a généré 50 Bitcoins pour le créateur. 9 ans plus tard, le 17 décembre 2017, le Bitcoin s’échange partout dans le monde à un prix record de 19 891 dollars l’unité, avec une capitalisation boursière mondiale de 334 milliards de dollars, légèrement supérieure à celle de la banque universelle J.P. Morgan Chase & Co à l’époque. Alors comment un instrument dépourvu d’existence physique peut-il atteindre des prix aussi exorbitants ? Et qu’y a-t-il de si spécial derrière la technologie de Blockchain pour pousser les experts à appeler Bitcoin « l’or numérique » ?

Le Bitcoin est ce que l’on appelle une cryptomonnaie ou une monnaie numérique ; c’est la plus célèbre d’entre elles. Ce n’est rien d’autre qu’une chaîne de signatures numériques ou, dans le langage informatique, une chaîne de bits (0 et 1) dont l’exactitude a été prouvée par une majorité d’utilisateurs d’un réseau « pair-à-pair ». Cette notion de pair-à-pair (peer-to-peer) est au cœur même des motivations derrière les cryptomonnaies. L’une des principales idées présentées par Satoshi dans ses premiers travaux était d’évincer les institutions financières du paysage des transactions financières et de fournir aux individus un moyen d’échanger de l’argent de manière indépendante. Cela signifiait que la communauté mondiale devait remplacer la confiance qu’elle avait dans les institutions financières pour éviter le chaos dans l’économie avec un autre outil. Cet outil réside dans la cryptographie selon Satoshi et il est encore plus puissant qu’un concept abstrait tel que la confiance. C’est là que la technologie de Blockchain, ou chaîne de blocs en français, devient nécessaire. Concrètement, la Blockchain, en tant que chaîne de blocs, est composée de blocs qui forment une chaîne. Voilà ! Plus sérieusement, il s’agit d’une base de données distribuée et sécurisée. La Blockchain sert donc à stocker de l’information de manière « distribuée ». C’est à dire que là où les bases de données traditionnelles, qui sont pour la plupart centralisées, nécessitent d’adresser une requête vers un serveur qui contient toutes les données pour obtenir ou modifier une information, la Blockchain va elle stocker des blocs d’information distribués sur les serveurs de plusieurs de ses utilisateurs.

 

Comment faire pour échanger des Bitcoins ?

Pour que deux personnes puissent effectuer une transaction, le propriétaire doit signer numériquement un hachage (valeur renvoyée par une fonction de hachage, qui est utilisée en cryptographie pour transformer des données de taille arbitraire en données cryptées de taille fixe) de la transaction précédente (celle où il a acquis le Bitcoin) et ajouter une clé publique du prochain propriétaire à la fin de la pièce. C’est ainsi qu’un Bitcoin garde la trace de tous ses propriétaires précédents et l’ordre exact de propriété. Néanmoins, un premier problème majeur surgit. Il s’agit de ce que Satoshi appelle le problème de la double dépense (double-spending problem), qui est contrôlé dans la vie réelle par les banques. Comment empêcher un propriétaire de Bitcoin de signer une transaction avec deux personnes simultanément, et donc de dépenser deux Bitcoins alors qu’il n’en possède qu’un seul ? La solution à ce problème est de révéler publiquement chaque transaction, mais aussi de faire adhérer tout le réseau à la même chronologie afin que les individus s’accordent sur un ordre global de l’historique des transactions. Un serveur d’horodatage (mécanisme consistant à associer une date et une heure à un événement, une information ou une donnée informatique) est utilisé pour conserver cet ordre en prenant un hachage d’un bloc et en l’annonçant publiquement, ce qui prouve que les données de ce bloc existaient bel et bien à ce moment précis. Chaque horodatage inclut ceux qui le précèdent, formant ainsi une chaîne. Ce procédé permet d’éviter qu’un utilisateur malhonnête ne dépense deux fois son Bitcoin, car la deuxième transaction aurait un horodatage ultérieur et serait considérée comme frauduleuse par le réseau.

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Blockchain : un socle solide contre les attaques

Cette preuve cryptographique, ou preuve de travail (Proof of Work), est ce qui garantit l’exactitude des transactions et évite le chaos et la fraude au sein du réseau. Néanmoins, cette preuve de travail nécessite une puissance de calcul pour résoudre des problèmes mathématiques, et la puissance nécessaire augmente avec la taille de la Blockchain et donc avec le nombre de transactions. Concrètement, il existe un casse-tête mathématique de nature cryptographique qui doit être résolu pour qu’un bloc puisse être validé. La réponse est ensuite transmise au destinataire qui vérifie si elle est correcte pour valider la transaction. C’est le fameux processus de minage qui est à l’origine de l’énorme consommation d’énergie de la technologie de Blockchain. Chaque mineur tente de résoudre un problème mathématique et le premier à réussir annonce publiquement les résultats. Ces blocs résolus sont ajoutés à des chaînes chronologiquement ordonnées et la plus longue d’entre elles est considérée comme la bonne chaîne de blocs. Il est donc presque impossible pour un groupe de personnes malhonnêtes de pirater la Blockchain car elles devraient contrôler collectivement plus de puissance de calcul (CPU power) que la communauté honnête du réseau. Ils doivent également refaire toutes les solutions mathématiques nécessaires pour créer leur propre version frauduleuse de la Blockchain, et dépasser la longueur de la véritable chaîne pour convaincre le réseau que leur Blockchain est la bonne. Dans le 11ème chapitre de son article, Satoshi apporte la preuve mathématique qu’un utilisateur frauduleux ne pourrait presque jamais fournir une chaîne de blocs alternative plus rapidement que les utilisateurs honnêtes. Il représente la course entre les utilisateurs honnêtes et les utilisateurs malhonnêtes pour créer la plus longue chaîne de blocs comme une marche aléatoire binomiale, et il prouve que la probabilité de succès de l’attaquant diminue de manière exponentielle à mesure que le nombre de blocs qu’il doit rattraper augmente, ce qui rend le réseau très robuste contre les attaques.

Nous n’avons pas encore abordé la motivation des nœuds du réseau à faire la preuve de travail. En effet, pourquoi un utilisateur sacrifierait-il son temps et la puissance de son ordinateur pour valider une transaction dans laquelle il n’a absolument aucun intérêt ? Pour résoudre ce problème, Satoshi a pensé à récompenser les mineurs qui réussissent avec de nouveaux Bitcoins (ou frais de transaction) créés spécialement pour l’occasion. Cette solution sert également à maintenir l’honnêteté des utilisateurs ; un pirate informatique qui réussirait à contrôler un nombre important de nœuds au sein du réseau utiliserait naturellement cette puissance de calcul pour la preuve de travail et générerait de nouvelles pièces pour lui-même plutôt que d’essayer d’attaquer le système.

 

Source : Contact Distance

 

Les limites de la Blockchain

Voici donc un résumé des différentes étapes nécessaires au fonctionnement du réseau : tout d’abord, une nouvelle transaction est diffusée à tous les nœuds (ordinateurs) du réseau. Chaque nœud rassemble les nouvelles transactions dans un bloc et tente ensuite de résoudre un puzzle mathématique difficile qui représente la preuve de travail. Le premier nœud à trouver une solution partage son bloc avec tous les nœuds du réseau qui ne l’acceptent que si toutes les transactions de ce bloc sont valables, puis l’ajoute à la chaîne existante.

L’analyse menée précédemment montre les plus grands atouts du Bitcoin et de la Blockchain, et comment cette technologie peut révolutionner non seulement le secteur financier mais aussi presque tous les autres secteurs. Néanmoins, il est difficile de croire en sa capacité à décentraliser le secteur financier et à dépasser notre dépendance vis-à-vis des institutions centrales pour diverses raisons.

 

Une transparence très coûteuse en temps et énergie

Le premier obstacle majeur surgit des fondements du consensus mondial qui maintient le réseau opérationnel. En effet, la Blockchain exige un consensus de la majorité des nœuds du réseau sur chaque transaction qui a eu lieu. Elle exige également la tenue d’une grande chaîne mondiale dont chaque copie doit être exactement la même. Ce processus est extrêmement gourmand en temps et en énergie. Le minage du Bitcoin consomme actuellement environ 71TWh par an, ce qui le place au 39ème rang en termes de consommation d’énergie si c’était un pays ! On estime que le réseau utilise actuellement environ 1% de la consommation mondiale d’énergie pour alimenter moins de 0,001% des actifs financiers mondiaux. Ces exigences de traitement constituent également un obstacle énorme qui limite le nombre possible de transactions par minute et donc la scalabilité de l’ensemble du réseau et sa capacité à servir une communauté mondiale. Le réseau de la Blockchain peut actuellement traiter entre 3 et 7 transactions par seconde. Si l’on prend comme référence le système de paiement VISA, qui peut en traiter 2 000 par seconde (25 000 théoriquement à son pic), nous pouvons facilement constater que le Bitcoin est loin de remplacer les systèmes de paiement existants.

 

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Euh, on avait dit décentralisation !

Un autre problème qui s’est imposé avec le temps est la centralisation continue du réseau, qui est en contradiction avec l’essence même du principe de base de décentralisation de la Blockchain. Environ 73% du processus de minage est actuellement réalisé par cinq mineurs, 71-75% est miné en Chine en raison des bas prix de l’électricité, et presque tout le réseau fonctionne sur le service de Cloud d’Amazon (Amazon Web Service). Cela rend le réseau très dépendant de chacun de ces acteurs qui peuvent l’influencer à tout moment. En outre, tout comme le modèle capitaliste actuel, les 0,5% des détenteurs de Bitcoins les plus importants possèdent plus de 87% de tous les Bitcoins en circulation.

 

À 36 ans, les frères Winklevoss sont devenus les premiers milliardaires et les figures de proue de l’univers des cryptomonnaies. Il s’agit des mêmes jumeaux derrière le fameux procès accusant Mark Zuckerberg de leur avoir volé l’idée de Facebook !

Source : Vanity Fair

 

Tous ces défauts constituent un vrai frein pour la technologie de Blockchain et son ambition de décentraliser entièrement l’industrie financière. C’est là où la Holochain rentre en jeu avec des ambitions encore plus audacieuses : la décentralisation d’Internet ! Tout d’abord, pourquoi le réseau Internet aurait-il besoin d’être décentralisé ? N’est-ce pas déjà le cas avec l’absence d’organe central qui le contrôle ? De plus, si nous venons de montrer que la Blockchain, avec toute sa complexité, ne pouvait même pas gérer toute l’industrie financière, comment une autre technologie va-t-elle s’attaquer à l’ensemble de ce qui se passe sur Internet ?

 

Source : Bit Conseil

 

Holochain, le futur d’Internet ?

Il est nécessaire de préciser que la technologie n’en est qu’à ses débuts. Les premiers articles présentant le système ont été publiés en 2017, même si l’équipe affirme que son idée est née avant 2008 et la création du Bitcoin. Elle s’appelle Holochain et cette fois-ci, ses inventeurs sont connus : Arthur Brock et Eric Harris-Braun. L’idée derrière leur projet est absolument fascinante et dépasse le stade purement théorique d’après leur code source et les premières applications qu’ils ont créées. Son architecture s’inspire de la nature et des principes organisationnels des systèmes vivants. Si Blockchain exige un consensus sur tous les blocs qui ont été créés, Holochain, elle, définit un consensus sur la façon de les créer. Elle établit uniquement des protocoles de communication entre les nœuds du réseau, tout en les laissant interagir librement les uns avec les autres sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un consensus global sur chaque transaction. L’idée est inspirée des cellules qui forment le corps humain ; il n’existe pas de cellule centrale qui contrôle toutes les autres, mais plutôt le même ensemble d’ADN qui permet à chaque cellule d’agir indépendamment tout en respectant les caractéristiques du corps. Un autre exemple peut être donné par le langage que nous utilisons tous les jours. Il n’existe pas de base de données qui contienne l’ensemble des phrases que nous pouvons utiliser. Nous disposons plutôt d’un dictionnaire de mots existants et d’un ensemble de règles de grammaire pour permettre à chacun de parler et de se faire comprendre. Ce système évite d’avoir besoin d’une phrase absolue, ou d’une chaîne absolue dans le cas de Blockchain, sur laquelle tous les utilisateurs doivent se mettre d’accord, car la même phrase peut être communiquée d’une dizaine de manières différentes qui sont toutes correctes.

Ainsi, avec Holochain, chaque agent et chaque nœud du réseau possèdent les règles communes de fonctionnement : le code source de l’application distribuée, appelé Nucleus. En consultant son exemplaire du Nucleus, le nœud peut vérifier la validité des informations qu’il reçoit des autres nœuds (les signaux). Si l’information est valide, le nœud va la stocker et la propager à son tour à ses voisins (gossip), et seules les données intègres circulent sur le réseau. Il est important de noter aussi que contrairement à la Blockchain, où le stockage de l’information est fait d’un point de vue objectif de la donnée (data-centric), il est fait d’un point de vue subjectif de chaque agent (agent-centric) dans le cas de Holochain.

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Rendre le pouvoir des données au peuple !

Tout d’abord, il convient de se demander s’il est nécessaire de décentraliser le réseau Internet. Les géants technologiques connus sous le nom de GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont connus pour la portée de leurs pouvoirs et de leurs richesses. Une grande partie de leur force provient des énormes ensembles de bases de données contenant toutes les informations personnelles des utilisateurs qu’ils exploitent. Facebook contrôle plus de 80% des réseaux sociaux du monde entier, tandis que le moteur de recherche de Google est l’outil privilégié de plus de 90% d’entre nous, et plus de 50% des données du Cloud sont hébergées chez AWS (Amazon). Il va sans dire que cette situation est problématique pour les internautes réguliers qui n’ont absolument aucun contrôle sur leurs données, qui peuvent facilement être manipulées comme dans le fameux incident de Cambridge Analytica pour Facebook.

Holochain propose donc de remédier à ce problème, et afin de gérer un domaine aussi énorme qu’Internet, elle fusionne le meilleur d’entre trois technologies : Blockchain, BitTorrent et GitHub. Si BitTorrent est souvent synonyme d’illégal en raison du piratage de contenu facilité par cette méthode, c’est avant tout un protocole de communication pour le partage de fichiers en pair-à-pair (P2P) qui est utilisé pour distribuer des données et des fichiers électroniques sur Internet. On estime qu’il était responsable en 2013 de 3,4% de la bande passante mondiale, ce qui représente plus de la moitié de la bande passante totale consacrée au partage de fichiers. Holochain s’inspire de BitTorrent en utilisant les bases de données distribuées et encodées (Distributed Hash Tables). La différence majeure entre BitTorrent et Holochain est que les fichiers échangés dans le premier sont statiques (films), alors que le deuxième permet d’échanger des données dynamiques, typiquement, la base de données d’une application web qui évolue chaque jour (comme Facebook ou Uber). Dans le réseau Holochain, chaque nœud gère sa propre chaîne sans qu’il soit nécessaire de copier la grande chaîne mondiale. Cette méthode s’inspire de GitHub et de la façon dont elle permet aux développeurs de travailler ensemble sur un même projet, tout en permettant à chacun de développer son code source indépendamment dans sa branche. Enfin, à partir de la technologie Blockchain, Holochain s’inspire du stockage sécurisé des données sans avoir recours à des serveurs centraux.

En combinant ces trois technologies, Holochain utilise quatre principes de base pour résoudre les problèmes détaillés plus tôt :

  1. Des applications scalables
  2. Hébergement d’applications P2P pour des utilisateurs ordinaires
  3. Crypto-comptabilité à double entrée
  4. Exploitation des capacités excédentaires en utilisant les principes de l’économie de partage

Dans son Green Paper, l’équipe du projet définit la technologie comme étant destinée aux personnes qui veulent avoir la possession de leurs propres données, personnaliser leur expérience d’utilisateur, décider avec qui partager leurs informations privées et effectuer des transactions sans dépendre des banques ou des gouvernements. La technologie ne nécessite aucune preuve de travail, aucune énergie gaspillée dans le minage, aucun goulot d’étranglement ni aucun retard global grâce à un traitement immédiat et efficace. Elle est si efficace que nous pouvons faire fonctionner 50 nœuds complets du réseau sur un téléphone portable.

 

Une gestion plus optimale des ressources

En quoi les quatre principes fondamentaux de Holochain diffèrent de ceux de Blockchain et comment cela permet au réseau de dépasser son aîné ? Premièrement, la nature cryptographique du réseau Holochain permet aux utilisateurs d’exécuter des applications à grande échelle sans qu’un consensus mondial soit nécessaire. Cette caractéristique est directement issue de l’approche centrée sur les agents de Holochain, par opposition à l’approche centrée sur les données de Blockchain. Cela signifie que les utilisateurs n’ont pas à travailler en permanence sur la même chaîne partagée, ils peuvent également travailler indépendamment sur leur propre version de la chaîne qu’ils peuvent décider de partager par la suite. La deuxième innovation introduite par Holochain est l’hébergement d’applications P2P pour les utilisateurs grand public. Là où Blockchain demande à ses nœuds de gaspiller des quantités astronomiques d’énergie dans le processus de validation des blocs, Holochain offre en revanche la possibilité à ses nœuds d’héberger des applications sur leurs serveurs respectifs et d’être récompensés pour cela. Comme mesure d’incitation, Holochain a créé une autre forme de cryptomonnaie, Holo, qui est adossée à un actif du monde réel contrairement aux autres cryptomonnaies.

L’approche d’hébergement distribué que propose Holochain est déjà adaptée à de nombreuses applications qui existent aujourd’hui. Plus une application est populaire, plus elle est hébergée par des nœuds qui cherchent à être récompensés pour leurs services. Cela signifie qu’une application comme Wikipedia par exemple n’aurait plus besoin de demander constamment des dons à ses utilisateurs pour continuer à maintenir ses services. Toutes les applications que nous utilisons chaque jour sont actuellement hébergées sur des serveurs centralisés, et la plupart d’entre elles sont des clients du service de Cloud d’Amazon AWS. Cet outil présente de nombreux avantages comme la rapidité d’exécution, le prix et la réduction des risques. Parmi les principaux défauts de ce système, on peut citer la dépendance constante d’une application à un tiers comme Amazon pour son fonctionnement, mais aussi les risques de failles de sécurité, de surveillance et de manipulation des données des utilisateurs en raison du stockage centralisé des données. Si nous revenons au scandale de Cambridge Analytica, une violation massive de millions de données personnelles sur Facebook sans le consentement des utilisateurs n’aurait jamais été possible si ces données étaient stockées dans des millions d’ordinateurs à travers le monde. Enfin, l’innovation clé derrière le réseau Holochain est le système de crypto-comptabilité à double entrée. Alors que l’ensemble du réseau aura toujours une monnaie globale nette de zéro, chaque utilisateur individuel aura un compte positif ou négatif de Holos. Tous ces comptes s’additionnent pour atteindre cette somme nulle, et c’est ce qu’on appelle un système de crédit mutuel.

 

Source : Holo Green Paper, page 6

 

Holochain a certainement un énorme avantage par rapport à Blockchain et cela est principalement dû à son approche centrée sur les agents par rapport à l’approche centrée sur les données du réseau Blockchain. En outre, ses concepts sont loin du stade purement théorique, comme il existe déjà des applications qui fonctionnent sur le réseau Holochain. Néanmoins, nous sommes encore loin de voir cette technologie prendre le dessus sur Internet. Il existe aujourd’hui pour chaque application qui pourrait fonctionner sur le réseau Holochain une entreprise bien établie qui se concentre uniquement sur cette application spécifique (Uber, Airbnb, Spotify, etc.). La communauté Holochain va donc être confrontée à une énorme concurrence sur tous les fronts, et il va falloir être très patient pour voir comment cette technologie va évoluer à l’avenir.

Chadi El Adnani, étudiant à HEC Paris / Télécom Paris et contributeur du blog AlumnEye