D’abord concentrées sur l’Internet, les start-ups ont rapidement imposé des tendances. Désormais, on parle d’intelligence artificielle, de Big Data, de Réalité Virtuelle, et de plus en plus de biotechnologies. Ces entreprises spécialisées dans les technologies médicales élaborent des systèmes d’assistance destinés au corps médical, ainsi que des médicaments d’origine organique. Depuis 2016, le nombre de création de biotech a explosé (+21%, de 6 500 en 2016 à 7 900 en 2017).

Si des grands noms comme Teva ou Biogen vous parlent, peut-être êtes-vous moins familier aux canaux d’investissement qui ont permis leur décollage : les fonds de Capital-Risque.

Relativement jeune pour le public européen, l’activité de Venture Capital s’apparente pourtant au Private Equity. Ce qui les distingue est le type d’entreprise dans lesquelles elles opèrent : alors que le PE vise des entreprises ayant atteint un certain degré de maturité, les VC accompagnent des sociétés nouvelles, notamment des startups. Le risque d’un investissement en Capital-Risque est donc bien plus élevé qu’en PE, poussant l’investisseur à chercher LA perle rare, qui offrira un potentiel de croissance exponentielle.

Ces deux dernières années, les VC ont investi massivement dans les Biotech, portant cette industrie parmi les secteurs « tendance » du moment.

L’année 2017 s’annonçait pourtant rude pour les entreprises en biotechnologie. Ces sociétés – souvent des startups fondées dans la Silicon Valley – fabriquent des médicaments à partir d’organismes biologiques, ce qui les différencie du domaine pharmaceutique, s’appuyant sur la synthèse chimique. Elles tentent aussi de faire évoluer les méthodes médicales en créant des technologies pour aider médecins et patients dans la thérapie et le dépistage des maladies.

Cette industrie a connu une forte expansion entre 2015 et 2016 (+1 400 créations d’entreprises en un an), mais les investisseurs s’attendaient à une chute pour 2017, anticipant une fin de cycle.

Contre toute attente, l’année 2017 a débuté sur l’acquisition par Johnson & Johnson (leader pharmaceutique aux US) de Swiss Bellwether Actellion (startup cofondée en 1997 par deux français) pour 30 milliards de dollars. En parallèle, 38 biotech ont été introduites en bourse l’année dernière, résultant en une capitalisation boursière du marché à 300 milliards de dollars (+53% par rapport à 2016).  S’en est suivi un élargissement du marché, avec un assouplissement des taxes appliquées aux investissements dans les biotech aux US (la Californie a opté pour une exonération partielle sur les ventes et R&D).

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De l’art du « pitch » ?

Si les dernières années ont été fructueuses, les projets entrepris dans l’industrie se sont largement complexifiés. Les fonds de Venture Capital (Capital-Risque en anglais) se heurtent désormais à un problème de stratégie : comment analyser le potentiel d’une jeune pousse, alors que ses technologies sont très – voire trop – pointues ?

Par exemple, Benjamin Hadida, fondateur de Nextbiotix, a levé 7 millions d’euros en 2018 auprès de Auriga Partners, avec pour pitch de « ramener la composante du microbiote intestinal dans l’équation de la prise en charge des patients » (source : les Echos). Difficile donc d’y voir clair pour les VC quand des projets de plus en plus complexes leur sont présentés, bien que certains sont désormais spécialisés en biotechnologies.

D’ailleurs, le début d’année a malheureusement démontré ce défaut d’analyse…

Le projet mensonger d’une personnalité hors norme

Elizabeth Holmes, alors qu’elle étudie la chimie à Stanford, fonde en 2003 (à 19 ans) la startup biotech Theranos. Avec sa gestuelle empruntée à Steve Jobs, entrée dans le classement Forbes comme milliardaire la plus jeune au monde, elle a tout de la nouvelle étoile montante de la Silicon Valley.

Son projet : réduire le volume de sang dans les échantillons cliniques et en accélérer l’analyse, le tout à très bas coût.  Une idée « disruptive », qui n’a pas manqué de séduire les fonds d’investissements. Pas moins de 17 fonds en Capital-Risque comme Draper Associates et Jupiter VC ont mordu à l’hameçon. Résultat, plus de 700 millions de dollars collectés, et une valorisation de la société estimée à 10 milliards de dollars en 2014.

Face à cette réussite fulgurante, John Carreyou, enquêteur au WSJ s’est intéressé de près à Theranos, s’interrogeant sur la validité de sa technologie. A partir de là, Holmes connaîtra une batterie d’avertissements de la part des autorités médicales et juridiques, ainsi que de la SEC.

A l’origine de ces débâcles, une accusation envers Holmes, qui aurait largement menti sur sa technologie et exagéré ses capacités. Elle aurait notamment avancé pour argument de vente que l’armée américaine avait adopté sa technologie en Afghanistan. Pis encore, elle aurait divulgué de fausses informations quant aux tests de ses analyses sanguines en 2015… qu’elle n’avait en fait pas menés.

Finalement, Holmes se verra inculpée pour fraude élaborée sur plusieurs années (« elaborate, years-long fraud », Forbes), écopera d’une amende de 500 000$, et d’une interdiction de diriger une entreprise cotée pendant 10 ans – y compris la sienne. La société échappera de près à la banqueroute à la suite de ces révélations.

Bien qu’elle se soit engagée à rembourser ses investisseurs à hauteur de 19 millions de dollars de participation en actions, il semble improbable que ceux-ci recouvrent totalement leur mise.

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Une mise en garde aux investisseurs

« Cette histoire est une leçon importante pour la Silicon Valley », déclarera ensuite Jina Choi, officier régional à la SEC de San Francisco. Derrière ce scandale se trouve un problème dans les stratégies d’investissements, notamment en Capital-Risque : les startups développent une expertise dans des domaines de plus en plus complexes à un rythme soutenu, que les financiers ne peuvent pas toujours suivre sans l’appui de spécialistes.

Cette relative « naïveté » des investisseurs trouve aussi sa source dans le statut des startupers de la Silicon Valley : par leur renommée mondiale, ces « petits génies » de la tech obtiennent facilement crédit auprès des investisseurs.

D’un côté, les VC n’ont pas forcément les capacités techniques pour analyser en profondeur un projet. De l’autre, certains entrepreneurs font l’objet d’une fascination du grand public, dont les investisseurs doivent tant bien que mal faire abstraction pour mener à bien des levées de fonds.

 

Comment échapper à cette difficulté structurelle ? Certains fonds n’hésitent pas à recruter des profils atypiques issus notamment du milieu médical en échange de rémunérations alléchantes. Par exemple, SV Life Science – un fonds gérant plus de 2 milliards de dollars – s’est vu conseillé par Dev Mishra, docteur en médecine et ancien patron d’une biotech (Cayenne Medical). Bien que la plupart des managers en VC soient issus de banques d’investissement, ces profils sont la clef de stratégies gagnantes. D’autres fonds sont dirigés par d’anciens médecins, reconvertis en investisseurs experts dans le marché médical. Sachant que le marché biotech est peu corrélé aux marchés classiques, leur analyse peut se montrer aussi pertinente que celle d’analystes en banque d’affaires.

Comme le dit Ward Capoen, Analyste chez Candriam (gestionnaire d’actifs européen) :

« En cas de crise financière, on ne vendra pas moins de médicaments contre le cancer. »

Ainsi, les VC pourront se protéger des projets mensongers en restant à la pointe du domaine biotech. En se munissant d’experts, les fonds peuvent distinguer les projets d’avenir des fraudes. Le point positif repose sur la relative jeunesse du marché biotech, et son potentiel de croissance quasi infini.

 

Raphaël Hassid, étudiant à l’EDHEC Business School