La publication de la lettre annuelle de Larry Fink, PDG de BlackRock, est un événement dans le monde financier. BlackRock est l’un des principaux gestionnaires d’actifs cotés en bourse, avec dix mille milliards de dollars d’actifs sous gestion à fin décembre 2023. Chaque année, cette lettre établit les préoccupations et les orientations du secteur financier. En 2024, elle met en lumière la crise des retraites aux États-Unis, soulignant l’urgence d’agir pour assurer la sécurité financière d’une population qui vit de plus en plus longtemps.

1. Crise des Retraites aux États-Unis : Larry Fink sonne l’alarme

Larry Fink souligne l’urgence de la crise des retraites aux États-Unis. Pour lui, le pays ne peut plus se permettre de repousser le problème d’absence d’épargne pour la retraite. Cette préoccupation est d’autant plus pressante alors que les avancées médicales, telles que les progrès dans les médicaments comme Ozempic, promettent d’augmenter la longévité de la population. Selon les données de 2022, plus de la moitié des Américains de plus de 65 ans vivent avec moins de 30 000 dollars par an, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant à leur sécurité financière à long terme. Fink déplore le déséquilibre entre les efforts déployés pour prolonger la vie et ceux alloués à aider les populations à financer ces années supplémentaires, soulignant le besoin urgent d’une intervention. Il appelle à un effort organisé de la part des dirigeants gouvernementaux pour repenser le système de retraite afin que les générations futures puissent aborder leurs dernières années avec dignité. Parmi les solutions envisagées, Fink mentionne le relèvement de l’âge de la retraite et des incitations pour encourager les travailleurs de plus de 60 ans à continuer à contribuer à l’économie. BlackRock s’engage à annoncer des partenariats et des initiatives visant à explorer ces questions cruciales et à susciter un débat constructif sur l’avenir de la sécurité financière des retraités américains.

2. Les inquiétudes de la Gen Z : 

Larry Fink aborde avec préoccupation les défis auxquels sont confrontées les jeunes générations. En tant que grand-père, il souligne l’importance de prendre en compte les perspectives d’avenir des jeunes. Citant un rapport du Wall Street Journal, Fink pointe du doigt le pessimisme croissant de la Gen Z quant à son avenir post-pandémie. Une enquête de l’Université du Michigan révèle en effet que jamais depuis au moins 1976 les jeunes n’ont trouvé aussi difficile le fait « d’avoir de l’espoir pour le monde ». Dans un monde où les jeunes semblent perdre confiance en les générations plus âgées, Fink souligne que la responsabilité incombe à l’ensemble de la société de restaurer cette confiance et d’insuffler un sentiment d’optimisme pour l’avenir. Il suggère que l’investissement dans les objectifs à long terme des jeunes, notamment la préparation à la retraite, pourrait être un premier pas vers la reconstruction de cette confiance. 

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3. Soutenir la croissance des investissements dans l’infrastructure

Larry Fink évoque également la question de l’infrastructure en mettant en avant les opportunités et les défis qui se dessinent dans ce domaine. Il souligne l’importance croissante des partenariats publics-privés dans le développement et le financement des projets d’infrastructure. Pour illustrer cet engagement, BlackRock a récemment annoncé son intention d’acquérir Global Infrastructure Partners pour environ 12,5 milliards de dollars, ce qui en ferait le deuxième plus grand gestionnaire d’infrastructures au monde, avec plus de 150 milliards de dollars d’actifs. Fink souligne également le rôle clé des investissements dans l’infrastructure dans la stratégie de croissance de BlackRock, notant que les stratégies de marchés privés de la société ont enregistré des entrées nettes de 14 milliards de dollars en 2023, principalement grâce aux investissements dans l’infrastructure et le crédit privé. Il prévoit que ces catégories continueront d’être les principaux moteurs de croissance des alternatives dans les années à venir, soulignant ainsi l’engagement continu de BlackRock à soutenir le développement et la modernisation des infrastructures à travers le monde.

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4. Mettre en avant un “Pragmatisme Energétique”

Larry Fink souligne l’importance cruciale de l’énergie dans le domaine de l’infrastructure. À la suite de discussions avec des dirigeants politiques et des cadres d’entreprise dans 17 pays, Fink rapporte une tendance émergente vers cette approche. Le « pragmatisme énergétique » consiste à investir dans la décarbonisation tout en maintenant un accès fiable au pétrole et au gaz, considérés comme une forme de « sécurité énergétique ». Contrairement aux discours radicaux opposant souvent les énergies renouvelables aux énergies fossiles, Fink souligne que ces dirigeants estiment que le monde a encore besoin des deux. BlackRock a déjà investi dans une douzaine de projets de transition énergétique et gère 138 milliards de dollars d’actifs dans des stratégies de transition énergétique. Parallèlement, le groupe a également plus de 300 milliards de dollars investis dans des entreprises énergétiques traditionnelles. Cette focalisation de Fink sur l’énergie survient dans un contexte où les tensions géopolitiques, telles que la crise en Ukraine, soulèvent des préoccupations quant à la stabilité et à la disponibilité des ressources énergétiques.

5. Priorités financières : quel avenir pour l’ESG ?

La disparition du terme « ESG » de la lettre annuelle de Larry Fink de BlackRock, qui avait été régulièrement mentionné dans les années précédentes, questionne sur l’évolution des priorités dans le secteur financier. En effet, le vocabulaire utilisé dans la lettre annuelle de BlackRock est devenu un indicateur important des préoccupations sociétales dominantes et des tendances dans le domaine financier. Alors que BlackRock avait joué un rôle majeur dans la popularisation du concept ESG, son absence dans le rapport actuel témoigne d’un changement de discours. Cette évolution peut être attribuée à la polarisation politique croissante autour de l’ESG, qui a conduit à des exclusions de mandats d’investissement par des États comme le Texas. Il y a quelques jours, le Texas Permanent School Fund a retiré 8,5 milliards de dollars à BlackRock, accusant le gestionnaire d’actifs de boycotter les producteurs d’énergies fossiles. Cette situation reflète la pression croissante exercée sur les entreprises et les investisseurs pour réévaluer leur engagement en matière d’ESG. Dès lors, l’absence de mention explicite de l’ESG dans la lettre de Larry Fink suggère un ajustement stratégique face à ces défis, tout en reflétant les préoccupations changeantes des investisseurs.

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En attendant, Fink annonce que BlackRock a généré un rendement total de 9 000 % pour ses actionnaires depuis son introduction en Bourse en 1999, dépassant ainsi largement le rendement du S&P 500. 

Tess Roche, responsable éditoriale du blog et étudiante à Sciences Po Paris