Pendant de nombreuses décennies, Londres a été le principal centre financier de l’Europe, réunissant banquiers et traders venus des quatre coins du vieux continent, voire du monde. Mais deux ans après le Brexit, un changement significatif s’est produit de l’autre côté de la Manche.

Les villes d’Europe se partagent désormais les différentes activités financières, créant un paysage plus fragmenté. Les opérations bancaires sont réalisées à Paris, les transactions boursières se négocient aux Pays-Bas, tandis que les avocats d’affaires et les comptables travaillent à Francfort, Dublin, Milan, Madrid ou encore Varsovie. Toutefois, si une ville peut se vanter d’être la nouvelle plaque tournante de l’Europe, c’est bien Paris.

Même si les récentes manifestations contre le projet de réforme des retraites du président Emmanuel Macron ont quelque peu terni la réputation de la capitale française, la tendance de fond observée dans les bureaux parisiens des titans de Wall Street indique une nouvelle réalité bancaire européenne. Les hauts fonctionnaires vantent d’autant plus cette victoire française post-Brexit et prédisent que la tendance de ces dernières années se poursuivra : « Contrairement à d’autres villes qui ont attiré un ou deux types de services financiers, Paris est la seule à avoir bénéficié de délocalisations sur tous les segments de l’industrie financière« , a déclaré François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.

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Les chiffres de l’Autorité bancaire européenne, publiés en janvier dernier, révèlent une hausse du nombre (+80% depuis 2017) de banquiers d’affaires et de traders en France avec un revenu annuel supérieur à 1 million d’euros. Mais ce ne sont pas seulement les banques qui sont concernées, le Hedge Funds Millennium Management a doublé la taille de ses équipes parisiennes en 2022 et prévoit de poursuivre son expansion sur les prochaines années. On observe aujourd’hui que l’afflux des traders et banquiers sur la capitale contribue déjà à faire grimper le nombre de candidatures dans les écoles privées bilingues et la demande pour des appartements de premier choix offrant une vue imprenable sur les toits parisiens. Les prix des appartements dans les quartiers parisiens proches des bureaux de certaines banques de Wall Street ont bondi d’environ 33% entre 2017 et 2022 et la valeur des propriétés de plus de 200 mètres carrés a augmenté au cours des deux dernières années, tandis que la valeur des surfaces les plus petites a diminué, selon les données de la Chambre des notaires de Paris.

Selon Matthieu Wiltz, co-Head of EMEA Sales de J.P. Morgan, la majorité des personnes interrogées étaient réticentes à l’idée de déménager. Mais maintenant que les équipes ont à présent un an ou deux de recul, les réactions sont désormais très positives, les employés appréciant largement le cadre de vie parisien. 

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Le leadership de Paris dans un monde post-Brexit s’explique par les similarités que partagent Londres et la capitale française : une ville mondiale, centre politique, culturel et économique dans un pays densément peuplé. D’autres villes européennes ne sont également pas en reste, Milan, par exemple, a vu les banques américaines renforcer leur présence : Goldman Sachs a récemment déplacé une partie de son desk de négociation des swaps en euros vers la ville italienne. L’un des attraits de Milan repose sur la politique fiscale italienne spéciale pour les super-riches qui s’installent en Italie et qui leur permet notamment de payer un taux forfaitaire de 100 000 euros sur les revenus réalisés à l’étranger ou de ne pas payer d’impôts sur un maximum de 70 % de leurs revenus italiens. La ville de Paris fait également bénéficier les travailleurs étrangers d’un régime fiscal spécial et plus accommodant.

Malgré tout, Londres demeure encore aujourd’hui la principale place financière européenne, avec un effectif nettement supérieur à celui des autres villes du continent. De plus, il est difficile de délocaliser des employés dont la vie et la famille sont ancrées au Royaume-Uni. Jason Kennedy, un recruteur, indique que la majorité des employés de fonds spéculatifs qui retournent en France sont français. « Il est extrêmement complexe de dénicher des candidats à Paris », souligne-t-il.  

Nombre d’employés de firmes américaines dans les succursales européennes 

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Tony Travers, professeur à la London School of Economics, met en garde contre les conséquences potentielles de la perte d’emplois, d’activités et de recettes fiscales pour la City de Londres. « Il y a un risque de ralentissement des embauches dans la City », a-t-il déclaré. Ainsi, la concurrence pour devenir la nouvelle plaque tournante financière de l’Europe est un jeu à long terme. Les villes qui offrent les meilleurs avantages fiscaux, la meilleure qualité de vie et les meilleurs potentiels de croissance économique sont celles qui réussiront à attirer les entreprises financières et à maintenir leur présence à long terme. Paris semble pour le moment être en tête de cette course, mais l’avenir reste incertain.