Après une carrière en tant que Quant chez HSBC, Boris Paillard s’est lancé dans l’aventure entrepreneuriale en créant le Wagon, célèbre école internationale de codage. Retour sur les tenants et aboutissants de cette reconversion hors norme.

Bonjour Boris, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions !

Peux-tu nous décrire ton parcours ?

Mon parcours scolaire est assez classique : après une classe préparatoire scientifique, j’ai intégré Centrale Paris. J’y ai effectué une année de césure à Hong Kong chez HSBC dans une équipe spécialisée dans les risques financiers pour découvrir les enjeux de la finance de marché. En 2008, en parallèle de ma dernière année à Centrale spécialisée dans les mathématiques appliquées, j’ai effectué un master de recherche à Paris 7. J’ai donc le parcours de quelqu’un qui aime bien les mathématiques appliqués et les probabilités avec une spécialisation en finance.

A ma sortie d’école, mon boss d’Hong Kong m’a proposé un emploi chez HSBC à Paris en tant que Quant. J’ai beaucoup aimé mon équipe, elle était aux antipodes des clichés de la salle de marché emplie de personnes arrogantes.

Je suis parti au bout de 3 ans et demi, et après quelques mois de réflexion et de préparation, j’ai monté ma boite avec deux amis : Le Wagon.

 

Tu t’es très rapidement orienté vers la finance de marché ; quelles ont été les raisons de ce choix ?

Les manipulations de calculs stochastiques ou de probabilités étaient un peu le prolongement de la classe prépa et cela me plaisait. J’aimais le côté théorique du métier et ne me projetais pas dans un profil recherche. A l’époque, les Quant étaient des individus aimant manipuler les maths à outrance, dans un milieu dynamique et intellectuellement stimulant, tout en gagnant bien leur vie. C’était donc un choix aligné sur mes goûts.

Mais de l’autre côté, je n’avais pas l’impression que mon expertise sur les marchés soit réutilisable dans d’autres domaines. Je n’avais pas l’impression de réellement inventer quelque chose car tous les grands principes avaient déjà été élaborés. Je n’étais pas pionnier et c’est ce côté créatif qui me manquait.

 

Quant, un métier que tout le monde admire, sans le comprendre forcément. Peux-tu nous expliquer quel était ton quotidien ?

Je travaillais tout d’abord sur des modèles de taux en raison des nombreuses problématiques sur les taux d’intérêts à la suite de la crise des crédits. Puis, j’ai travaillé sur les modèles action. La finalité de mon job était d’élaborer des modèles faits pour permettre à des traders de mieux gérer leur portefeuille, les ratios de couverture, etc. Les projets des Quants sont des dossiers menés sur le long terme : il s’agit par exemple de penser un modèle pour l’implémenter sur des données réelles de marché.

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Tu as un background académique d’ingénieur, est-ce la seule voie pour devenir Quant ?

Le Quant a un profil très scientifique. C’est un milieu très élitiste. Cependant, les meilleurs Quants n’étaient pas forcément les meilleurs mathématiciens, c’étaient ceux qui savaient parler aux traders, les bons vulgarisateurs…

 

Comment t’est venue l’idée de monter une entreprise dans le domaine de l’éducation ?

Je suis resté en contact avec pas mal d’amis développeurs. J’ai commencé à me pencher sur des petits projets en parallèle de mon job pour découvrir autre chose : coder des petits projets d’application de calendriers par exemple. Même si je connaissais le codage dans le cadre de mon métier, le codage en banque était plus appliqué à implémenter des modèles pour faire du pricing ou de la couverture qu’à construire des produits utilisés par les gens à l’image de celui servant aux plateformes Uber ou Airbnb. J’ai donc redécouvert le code de façon à construire un produit, à penser sa base de données, son interface. Rien à voir avec la Méthode de Monté Carlo utilisée par le Quant.

J’ai donc découvert que ce domaine m’intéressait vraiment. J’ai quitté mon job après 3 ans et demi chez HSBC. J’ai énormément travaillé sur le développement web pendant 3 mois. Comme une de mes grandes qualités était d’être un bon pédagogue et vulgarisateur, je me suis lancé dans le projet d’enseigner le codage de la façon dont je l’ai moi-même découvert et non de la façon dont on l’apprend en école. La visée de ce projet était de donner à des entrepreneurs des bases conceptuelles pour construire un bon produit technologique. J’ai donc monté ce projet en 2012 avec l’aide d’un ami, Mathieu, développeur à San Francisco et mon frère, avocat pénal qui a beaucoup œuvré notamment dans le domaine des relations publiques.

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Quelles sont les difficultés majeures auxquelles tu as dû faire face lors de ce projet ?

Je voulais monter un vrai programme, apprendre à coder n’importe quelle idée. Afin de former notre réseau, nous avons mis en place pendant 6 mois des ateliers gratuits, des cours du soir, nous avons testé des professeurs… A l’issue de ces 6 mois, nous avons recruté une première classe d’une vingtaine de personnes voulant travailler dans la tech. J’ai écrit presque l’intégralité du programme tout seul, c’était très pénible. On faisait tout en live, il n’y avait pas de correction automatique des exercices… Progressivement, nous avons mis en place des slides, des corrections automatiques, des binômes, des dashboards et plein d’autres petites choses qui semblent bêtes mais qui font gagner un temps précieux. Au niveau du contenu, nous évoluons également perpétuellement.

Le Wagon c’est 360 heures de cours en 2 mois. C’est très dur psychologiquement pour les élèves comme pour les professeurs donc il faut enlever toutes les frictions inutiles et les pertes de temps.

 

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On raconte que beaucoup de banquiers passent par le Wagon pour se lancer dans un projet entrepreneurial, est-ce vrai ?

Oui, c’est vrai. Nous avons beaucoup d’anciens banquiers londoniens. A Paris, ce sont plus des diplômés d’école de commerce ou des consultants. Leur but est d’apprendre à coder eux-mêmes un produit pour rejoindre une équipe en tant que développeur ou pour faire du freelance… Le Wagon est à présent le numéro 1 mondial dans le domaine de l’enseignement du codage et est implanté dans plusieurs dizaines de pays (https://www.lewagon.com/).

 

Quel est le background des professeurs du Wagon en général ?

Nos élèves ne veulent pas des cours magistraux, ils veulent des professeurs ayant une réelle expertise produit, sachant raisonner, des freelances qui ont travaillé pour des start-ups aussi bien que pour des grands groupes… D’ailleurs, plusieurs professeurs sont des anciens élèves s’étant mis à leur propre compte par la suite.

 

L’avenir du Wagon en deux mots ?

Sur le format actuel, nous ne sommes pas encore implantés en Afrique et aux USA, à l’exception d’un campus à Casablanca. Ce sont deux très gros marchés pour nous et nous aimerions nous y attaquer.

Nous sommes également en train de créer un format de cours différent du bootcamp initial de 2 mois : nous convenons de partenariats avec des écoles ou entreprises pour y prodiguer directement les cours.

 

Un dernier mot pour nos lecteurs souhaitant s’orienter vers la finance de marché, plus particulièrement pour être Quant ?

Cela vaut vraiment le coup que les gens se posent les bonnes questions. Certains de mes collègues n’étaient pas faits pour être Quant et ont donc migré en Trading. J’aurais aimé qu’on me prévienne avant que le métier de Quant restait dans le domaine de la recherche, j’aurai peut-être gagné du temps. Mais il n’est jamais trop tard pour trouver sa voie.