Logo Banque Européenne pour la Reconstruction et le DéveloppementLa Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement est une institution financière internationale détenue par 69 pays ainsi que par l’Union Européenne (UE) et la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Sa mission principale est de promouvoir une transition vers l’économie de marché dans les pays d’Europe centrale et orientale en réalisant des financements de projets, principalement dans le secteur privé. La BERD se distingue de la BEI qui a pour but d’emprunter sur les marchés financiers pour financer des projets au sein de l’UE et de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) qui cherche à promouvoir la cohésion sociale en Europe. Ainsi, elle constitue une institution financière majeure avec des enjeux souvent méconnus.

 

Une institution post-guerre froide au service de l’économie

Photo chute du mur de BerlinCréée en 1990 à l’initiative de François Mitterrand, peu après l’effondrement du communisme, la BERD se concentre sur le secteur privé afin de favoriser la transition vers une économie de marché ouverte dans les pays de l’ex-URSS. La finalité était d’aider à la privatisation du bloc soviétique afin de participer à son développement. Elle a donc été un acteur majeur dans de nombreux dossiers tels que la réforme des systèmes bancaires, la libéralisation des prix ou encore la sécurisation du site de Tchernobyl en Ukraine.

Pour favoriser une économie de marché ouverte, la BERD mobilise les capitaux des secteurs privés et publics pour renforcer les marchés locaux. Grâce à ceux-ci, l’institution financière a étendu ses opérations dans plus de 40 pays, principalement en Europe centrale et en Asie centrale.  Elle a notamment contribué à la stabilité financière de ces régions après la crise des « subprime » de 2008.

Depuis 2017, la banque se concentre davantage sur le passage à une économie de marché fonctionnelle dans les pays d’Europe centrale et orientale. L’économie de fonctionnalité optimise l’usage des biens et services pour « créer une valeur d’usage la plus élevée possible pendant le plus longtemps possible, tout en consommant le moins de ressources matérielles et d’énergie possible » (Stahel, 2006).  Ainsi, la BERD a placé au cœur de ses investissements les notions de sauvegarde de l’environnement et d’énergie durable afin de favoriser une économie verte.

En novembre 2020, l’ancienne directrice générale du Trésor français Odile Renaud-Basso a pris la tête de l’institution pour une durée de quatre ans. L’ancienne énarque, passée par Science Po, devient ainsi la première femme à occuper ce poste.

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  • Les prêts

L’un des objectifs de la BERD est de « mobiliser […] des capitaux nationaux et étrangers » dans ses pays d’opérations. Sa forte présence locale lui permet de financer les projets en devise locale et de développer des marchés financiers locaux.

Les prêts comportent plusieurs caractéristiques dont un montant minimal de 5 millions d’euros, un taux fixe ou flottant, des prêts privilégiés, subordonnés, mezzanines ou convertibles, échéances courtes ou longues d’une durée de 1 à 15 ans. Les prêts bénéficient de conditions compétitives fondées sur les taux du marché, notamment l’EURIBOR.

La BERD possède 28,9 milliards d’euros d’actifs d’exploitation répartis dans divers secteurs tels que l’énergie, les banques, les infrastructures, le manufacturier et l’agro-industrie.

 

Graphique actifs d'exploitation par secteur au 30 juin 2018

 

19% des investissements correspondent à des titres de participation, 26% à des prêts pour les Etats ou le secteur public et 56% à des prêts pour le secteur privé.

Pour les projets du secteur privé, la BERD est prête à apporter, sous forme de prêts ou de prises de participation, un montant pouvant atteindre 35% des besoins en capital à long terme d’un projet ou d’une entreprise donnée. Le coût du crédit reflète principalement le risque-pays et les risques commerciaux.

L’institution est un émetteur de qualité qui possède l’un des meilleurs profils de crédit parmi les institutions supranationales avec un credit rating AAA.

 

Tableau comparaison des banques multilatérales de développement

 

  • Les investissements par action

Dans l’objectif de développer les entreprises locales, la BERD investit en action dans les bourses européennes telles que les bourses de Varsovie et de Bucarest. Récemment, elle a par exemple investi 67.5 millions d’euros dans Ignitis, une entreprise contrôlée par l’État lituanien et spécialisée dans le secteur de l’énergie.

De plus, l’institution européenne investit des montants allant de 2 millions à 100 millions d’euros dans les fonds propres de projets du secteur privé. Elle attend de ses investissements en capital un rendement au taux du marché.

Enfin, la BERD investit également dans des fonds d’investissement privés (EMF – Capital Partners, Meridiam, Da Vinci Capital Management ect…) qui investissent à leur tour dans des entreprises de taille moyenne ayant besoin de développer leurs activités. Les fonds d’investissement sont axés sur une région, un pays ou un secteur industriel spécifique. Ils ont une présence locale et sont gérés par des professionnels du capital-investissement. Leurs principaux critères d’investissement sont conformes à la politique d’investissement globale de la BERD.

Etant donné que cette dernière dispose de ressources limitées en capital, elle ne prend pas de participations à long terme ni de participations de contrôle. En outre, elle n’assume pas la responsabilité directe de la gestion de la société de projet.

Afin de donner aux entrepreneurs et aux petites entreprises un meilleur accès au financement, la BERD soutient également les intermédiaires financiers tels que les banques commerciales locales et les banques pour les microentreprises.

 

  • Policy dialogue 

A côté des deux activités précédentes, une activité de conseil s’est développée pour aider les pays à créer un cadre juridique qui permette le développement économique en respectant certaines normes. La BERD utilise le policy dialogue pour aider à la mise en place de politiques qui favorisent la création d’un environnement propice aux projets d’investissement durable. Le dialogue politique lui permet ainsi de s’attaquer aux obstacles commerciaux et réglementaires à n’importe quel niveau de gouvernement (national, régional et local).

Les principaux pays dans lesquels la BERD mène un dialogue politique sont l’Ukraine (efficacité énergétique), le Kazakhstan (politique en matière d’énergies renouvelables et gestion des déchets urbains), les Balkans occidentaux (énergies renouvelables, efficacité énergétique des bâtiments) et la Turquie (gestion des déchets urbains). Ainsi, l’un de ses principaux objectifs est d’améliorer l’efficacité énergétique.

Le dialogue politique a permis d’obtenir des résultats concrets qui ont su faire la différence pour les investisseurs et les habitants de ces pays. L’Ukraine a par exemple utilisé le soutien de la BERD pour élaborer une législation sur les énergies renouvelables qui a permis de financer des projets, à hauteur de 5 millions d’euros. Le Kirghizistan, avec le soutien de la BERD, a adopté des règlements de construction basés sur les normes de l’UE et plusieurs pays des Balkans occidentaux ont entériné des mesures réglementaires sur les énergies renouvelables telles que l’adoption de lois sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments du Kosovo et de l’Albanie.

 

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Quelques exemples de projets soutenus par la BERD

  • Investir dans les infrastructures pour lutter contre la corruption, l’exemple de l’Ukraine

 

Photo d'un pont en construction en UkraineLa lutte contre la corruption est un pilier central du travail des organisations internationales en Ukraine, combinant un engagement politique de haut niveau et une assistance technique ciblée avec la promotion des plus hautes normes d’éthique et d’intégrité.

 

 

Avec un double objectif d’améliorer les infrastructures routières et de lutter contre la corruption, la BERD a récemment accordé un prêt de 450 millions d’euros à l’agence routière nationale Ukravtodor. Ce projet revête une importance stratégique pour la connectivité nationale et internationale de l’Ukraine, en particulier avec l’Union européenne. Dans le cadre de ce projet, le gouvernement ukrainien s’engage à améliorer le système de passation de marchés d’Ukravtodor et de renforcer ses contrôles internes, ses politiques et ses procédures pour prévenir la corruption.

Matteo Patrone, directeur général de la BERD pour l’Europe orientale et le Caucase, insiste sur la nécessité d’investir dans des infrastructures résistantes et sûres qui permettront de soutenir la croissance et le secteur privé après la pandémie. Cette coopération entre l’Ukraine et la BERD vise à renforcer un programme plus large de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance. La lutte contre la corruption en Ukraine est essentielle à la fois pour obtenir la confiance du public dans les institutions de l’État et pour parvenir à une croissance économique plus forte et durable.

La BERD est le plus grand investisseur institutionnel en Ukraine. À ce jour, elle a pris un engagement cumulé de près de 14,5 milliards d’euros dans le cadre de 486 projets dans le pays.

 

  • Promouvoir l’énergie verte en Ouzbékistan

La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement finance actuellement une centrale solaire photovoltaïque de 100 MW dans la région de Navoï en Ouzbékistan, l’un des deux premiers projets d’énergie renouvelable à capitaux privés dans le pays.

La BERD vient d’accorder un equity bridge loan de 60 millions de dollars à Nur Navoi Solar Holding pour la construction et l’exploitation de la centrale. Le prêt permettra aux investisseurs du projet, Masdar, d’emprunter le montant des fonds propres investi dans ledit projet.

Cette structure financière sera complétée par une enveloppe financière de 60 millions de dollars, mise en place par la Société financière internationale (SFI) et la Banque asiatique de développement (BAD). La Banque mondiale fournira une garantie de paiement de 5 millions de dollars au gouvernement de l’Ouzbékistan pour soutenir les obligations de paiement dans le cadre du projet.

L’Ouzbékistan vise à développer une capacité de production d’énergie solaire et éolienne de 8 GW d’ici 2030. En finançant le projet Nur Navoi, la BERD soutient également le remplacement des infrastructures vieillissantes du secteur énergétique ouzbek et la mise en place d’un cadre réglementaire efficace. Une fois achevée, la centrale contribuera à la réduction annuelle de 156 000 tonnes d’émissions de CO2.

À ce jour, la BERD a investi 1,8 milliard d’euros dans l’économie de l’Ouzbékistan par le biais de 79 projets.

 

  • La transition écologique Moldave

Les citoyens de Moldavie vont bénéficier de nouvelles technologies vertes grâce à un prêt de 5 millions d’euros accordé par la BERD. Celui-ci est le premier accordé dans le cadre du GEFF (Green Economy Financing Facilities) en Moldavie et devrait faciliter la transition du pays vers une économie plus durable, à faible émission de carbone et résistante au climat.

Le prêt sera rétrocédé à des particuliers, des petites et moyennes entreprises (PME) et des sociétés pour des investissements dans des technologies et des services d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Cela devrait aider la Moldavie à réduire sa consommation annuelle d’énergie de 108 800 GJ par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’énergie de plus de 6 000 ménages moldaves. La BERD soutiendra également des activités visant à renforcer l’égalité des chances entre les femmes et les hommes en matière d’accès au financement des technologies vertes.

La MAIB est la plus grande banque de Moldavie et un partenaire de longue date de la BERD. Durant la crise de la COVID-19, la BERD et l’Union européenne ont accordé un prêt de 17,5 millions d’euros à la MAIB pour aider les entreprises à investir dans des équipements et des technologies de production modernes afin de répondre aux normes de l’UE en termes de qualité des produits, de mesures de santé et de sécurité et de préservation de l’environnement.

À ce jour, la BERD a investi environ 1,4 milliard d’euros dans plus de 135 projets dans le pays pour soutenir les entreprises privées et pour construire une économie plus verte et plus durable.

LA4Lire aussi : L’Europe centrale, une région porteuse d’opportunités pour les investisseurs

 

Une institution qui s’adapte et soutient l’économie en période de crise

La BERD a mis en place des politiques spécifiques afin de lutter contre les effets économiques de la pandémie de COVID-19 et de continuer à promouvoir la résistance aux chocs externes.

Tout d’abord, elle a développé un « paquet de solidarité » de 4 milliards d’euros pour proposer des solutions de financement qui permettent de faire face aux besoins de liquidité et pour soutenir les PME. Les dernières activités de celle-ci incluent :

– un prêt d’un montant maximum de 20 millions d’euros à la Banca Intesa Beograd pour soutenir les entreprises et les villes de Serbie ;

– un financement de 300 millions d’euros pour soutenir les services d’infrastructures vitaux au Maroc ;

– une contribution au renforcement de l’économie palestinienne avec un prêt de 10 millions de dollars à la Banque nationale (TNB), l’une des plus grandes banques locales de Cisjordanie et de Gaza.

De plus, la BERD a intensifié son activité de conseil aux entreprises et aux pouvoirs publics. Par exemple, elle a accompagné un fournisseur de contenus éducatifs en Ouzbékistan, Istiqbol Zamon Bolalari (« Enfants de demain »), dans la création de plateformes digitales pour favoriser les interactions entre les professeurs et les étudiants et ainsi poursuivre les cours pendant les différents confinements.

Enfin, elle a poursuivi son activité de syndication de prêts qui lui permet de mobiliser davantage de fonds grâce à des capitaux externes apportés par des co-financeurs. Cela permet une réduction du coût de financement pour les pays. Par exemple, un prêt syndiqué de 55 millions de dollars devrait permettre à l’exploitant d’une usine biélorusse de concassage de graines de construire une chaufferie biomasse afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

 

Ainsi, la crise de la COVID-19 a de nouveau prouvé le rôle indispensable de la BERD dans le soutien aux pays en difficulté économique et financière. La pandémie mondiale a montré que cette institution financière possède un champ d’action qui s’étend bien au-delà de la simple transition des pays vers une économie de marché. Il sera donc intéressant d’observer l’évolution du rôle et des pouvoirs de celle-ci dans les prochaines années.

 

        Clément Berthillet & Augustin Grouselle, étudiants à l’Université Paris-Dauphine et contributeurs du blog AlumnEye