Le Brexit a fait la une des medias et continue d’agiter les sphères politique et économique. David Cameron, dans son discours de démission, rassurait tièdement les ressortissants européens : “There will be no immediate changes in your circumstances”, promettait-il. Quant aux établissements basés au Royaume-Uni, ils s’efforcent encore de rassurer investisseurs et salariés.
Nombre d’étudiants nous ont fait part de leurs inquiétudes : Le Brexit sonne-t-il le glas des Springs, Summers ou Offcycles Londoniens ? A quoi faut-il s’attendre en entretien et comment se préparer au mieux ?… Candidats, voici le moment de faire un point sur la situation. Le caractère récent et urgent des événements ne permet de dégager que peu de certitudes, suivez donc assidument l’actualité politique et économique. Voici les perspectives qui se présentent aux futurs Interns.

 

Etat des lieux : certitudes et projections, que sait-on ?

Quelle organisation après l’UE ?

De nombreux modèles existent mais ne correspondent pas aux exigences des deux parties, d’où la nécessaire négociation d’un nouvel arrangement. Les défenseurs du Brexit devront se montrer diplomates : le libre accès au marché commun qu’ils entendent conserver est inconciliable avec leur refus de la liberté de circulation.
Une option, développée notamment par Rupert Harrison – ex-conseiller au Trésor Britannique désormais chez Blackrock – reposerait sur un EEE (Espace Economique Européen) amélioré. Il s’agirait, pour le Royaume-Uni, de jouir d’un meilleur contrôle de l’immigration, mais au prix d’un accès plus restreint au marché commun.

La question du passporting : les institutions domiciliées au RU seront-elles toujours autorisées à opérer dans l’UE ?

En l’absence de certitudes sur cette donnée politique, que penser des déclarations des banques ? Le Brexit risque de mener plusieurs établissements anglo-saxons à déménager tout ou partie de leurs équipes hors de Londres pour les relocaliser en Europe, ceci afin de continuer à opérer avec leurs clients européens. Les rumeurs et leurs démentis immédiats avaient fait la une des medias suite à l’annonce du résultat du référendum : « Morgan Stanley n’a pas d’espaces de bureaux loués d’avance à Francfort ». Teinté de pessimisme, un document interne de Deutsche Bank soulignait le “first mover advantage” dont jouirait les premières institutions à agir. Affaire à suivre, donc.

Quelle place pour la City dans la lutte de pouvoir pour le leadership financier ?

La légitimité de Londres en cœur opérationnel serait remise en cause, notamment en cas de révocation de ce passporting. Cette position de base arrière oubliée, les institutions seraient tentées d’opérer un pivot stratégique vers les places de Paris ou Frankfort. A titre d’exemple, Londres exerce un rôle clé dans le clearing. L’an dernier, le Royaume-Uni avait triomphé en justice face à la BCE qui souhaitait imposer que l’euro-denominated clearing ne soit exercé qu’au sein de la zone euro. Qu’en serait-il désormais ? En sous-jacent se trouve, vous l’aurez compris, la lutte larvée pour le leadership financier européen : la donnée politique est partie intégrante du problème. Des personnalités clés – tel Gérard Mestrallet, président d’Europlace – sont déjà montées au créneau et voient dans le Brexit un tremplin pour renforcer la place de Paris.

Une chute de la proportion de non-britanniques recrutés ?

Les banques – Goldman Sachs en tête, avec un don à 6 chiffres – affichaient un soutient sans faille au camp du “remain” durant la campagne référendaire. Gary Cohn – Président de la branche IB et COO de Goldman Sachs – déclarait d’ailleurs au Forum Economique Mondial de janvier : “It is imperative for the U.K. to keep the financial-services industry in the U.K.” ajoutant “I don’t know what would replace that industry. » Concrètement, les banques s’opposent à une restriction des candidatures, consécutive à l’implémentation d’une réglementation migratoire plus restrictive. Cela reviendrait à se priver d’excellents candidats, quand les plus prestigieuses brandissent l’excellence et la diversité en valeurs.

Quel sera le sort des ressortissants européens résidant au RU ?

L’incertitude reste pesante pour ces 3 millions de ressortissants, parmi lesquels on compte 11% des employés de la City ! Pour autant, à en croire les déclarations des responsables politiques européens, cet aspect ne s’avèrerait pas problématique. Theresa May assurait vouloir garantir les droits de ces ressortissants, en échange de garanties similaires pour ses compatriotes expatriés dans l’UE. François Hollande déclarait alors, non sans humour, que les britanniques pourront passer autant de temps qu’ils le souhaitent dans l’hexagone.

Point annexe

Une course aux accords commerciaux sera lancée dès la sortie effective du Royaume-Uni. L’activation de l’Article 50 du traité de Lisbonne déclenchera des discussions dont la durée est fixée à 2 ans. Theresa May souhaite repousser ce moment clé à la fin de l’année ; délai d’ores et déjà approuvé par la chancelière allemande. Les opérationnels qualifiés y verront une opportunité de choix : le dernier accord commercial négocié par le Royaume-Uni remonte au début de la décennie 70 ! Ainsi, banquiers, conseillers en stratégie, comme avocats : préparez-vous, les chasseurs de têtes sont aux affuts outre-Manche !

LA4Lire aussi : Brexit et Finance : le tremblement de terre annoncé

 

Candidats aux Summer Internships, quel sera votre sort ?

A court terme, le Brexit n’a qu’un impact limité sur la promotion de stagiaires 2016 en Summer Internship dans les grandes banques (les embauches étant décidées fin août). Afin de vous permettre de vous projeter davantage, voici le feedback de deux insiders, Summer Interns AlumnEye dans une banque du top 3.

Le témoignage d’un Summer Intern S&T

« Dans les séances de questions-réponses, le sujet était récurrent, essentiellement au début du Summer. Aucune visibilité à court ou moyen terme, donc aucun changement de prévu. La banque souhaite conserver son implantation et ne serait poussée à agir que si la situation devenait handicapante pour le business. Quant au changement géographique : officiellement rien, officieusement personne ne sait rien. Le papier de Deutsche Bank qui a fuité n’a fait aucune vague.
On parle beaucoup moins du Brexit 6 semaines plus tard, et pour un Intern, le floor ne constitue pas un repaire de gossip. C’était LE sujet de discussion entre desk et Intern au début, ça l’est moins. L’ambiance était tendue début juillet du fait de la grande agitation, mais le floor est beaucoup plus calme depuis. Bémol tout de même pour ceux qui ont une maison ou des actifs UK et la moins value qui les a frappé… »

Le récit d’un Summer Intern IBD

« En interne, on a tous reçu un voicemail du CEO mentionnant le « non changement » du business, le texte a été repris mot pour mot dans la presse. Le flou domine, donc. Le Brexit reste une source de préoccupations : en rendez-vous client, c’était la première question posée au VP (rapidement évacuée, d’ailleurs).
Concrètement, le travail n’est que peu marqué par le Brexit, exception faite de la dizaine de slides en provenance d’ECM sur son impact, insérées au début de chaque pitch. Quelques opérations ont été postponées (aussi bien M&A que IPO), mais certaines sont déjà de nouveau on track, les discours alarmistes des premiers jours placardés dans les journaux sont déjà loin derrière nous. »

En somme, peu de certitudes, encore une fois. Certes, les marchés ont été plus chahutés que l’IB. Pour autant, les Summer Interns n’ont ressenti l’onde de choc du Brexit que de très loin : pas de bouleversements significatifs donc, sur le travail qui vous attend l’an prochain.

LA4Lire aussi : Le Summer Internship : pourquoi, quand, comment ?

 

Que faire donc pour vous préparer en vue d’un Summer ?

Les processus de candidature vont rester rigides sur le plan du calendrier et débutent déjà, selon les banques, pour les Spring, Summer Internships, Graduates, voire Offcycles.
Par ailleurs, ces process resteront très structurés avec plusieurs étapes d’écrémage et différentes dimensions (fit bien sûr, mais aussi technique ou encore logique avec les fameux tests numériques). 

                RAPPEL :

  • Application online (informations personnelles, CV, essays à rédiger, tests numériques…)
  • Phone interview (fit)
  • Assessment Center (fit, brainteasers, technique)

La compétition n’a jamais été aussi forte, notamment en Investment Banking. Sur les 267 000 candidats 2015 aux Summer Internships recensés par Goldman Sachs (soit une hausse de 40% par rapport à 2012), moins de 3% ont reçu une offre. Il est ainsi plus probable d’être admis à Harvard (5,3%) ! Ainsi, le Brexit ne doit avoir aucun impact sur votre préparation. Assidue et complète, elle est certes exigeante, mais indispensable si vous souhaitez vous mesurer à cette sélectivité implacable.
Pour autant, la géographie des stages est conditionnée aux probables déménagements d’équipes évoqués en début d’article. Affaire à suivre donc : Dublin ou Paris étant des destinations considérées. A moyen terme la question des visas de travail des ressortissants européens non-britanniques se posera si un accord n’est pas négocié entre Londres et l’UE.
Toutefois, le nombre de juniors embauchés chaque année ne variera probablement pas. Enfin, en l’absence de certitude sur cette donnée politique, les Summer Internships asiatiques peuvent représenter une alternative de choix pour les candidats.

Vadémécum d’un aspirant Summer Intern  

    • Garder en tête que la sélectivité des process de recrutement tend à s’accroitre, et ce, indépendamment du Brexit !
    • Se tenir au courant de l’actualité (Brexit bien sûr : déroulement des négociations, annonces des banques, … mais pas uniquement)
    • Être prêt à répondre, de façon intelligente, à une question sur le Brexit sans pour autant rentrer dans des considérations politiques, ni pondre un exposé indigeste (comme à chaque question, bien entendu, mais les candidats tendant à l’oublier lorsqu’ils perdent leurs moyens et sont pris au dépourvu…).

Marine Cocaud, étudiante à l’EDHEC et contributrice du blog AlumnEye