Investir dans des entreprises non cotées au fort potentiel de croissance, sur un horizon moyen-long terme, dans l’espoir de dégager une plus-value conséquente à la sortie, telle est la promesse portée par le Private Equity ou capital-investissement en français. Cette classe d’actifs relativement jeune, qui a commencé à se développer en France dans les années 1980, est pendant longtemps restée réservée aux investisseurs institutionnels que sont les fonds de pension, compagnies d’assurance ou encore fonds souverains. Depuis une quinzaine d’années, une nouvelle tendance se dessine avec l’ouverture au grand public de cette classe d’actifs. L’intérêt des personnes physiques et des Family Offices pour le Private Equity s’illustre à travers une augmentation de l’investissement dans ce secteur depuis 2016, avec un record de 4,8 milliards d’euros levés dans des produits de capital-investissement en 2021. Néanmoins, l’investissement dans cette classe d’actifs reste à ce jour une part infime de l’épargne des Français : seulement 0,1% en 2023.

L’Ouverture du Private Equity : Changement de Paradigme

Au préalable, définissons ce qui est entendu par investisseurs institutionnels et investisseurs particuliers. La législation européenne catégorise les types d’investisseurs en fonction de leur compétence en matière d’investissement :

  • Les investisseurs professionnels, possédant le niveau d’expérience, de connaissances et de compétence nécessaires pour prendre leurs propres décisions d’investissement ;
  • Les investisseurs non professionnels ou de détail, qui ne disposent pas du même niveau d’expertise.

À ces deux catégories s’ajoute une catégorie intermédiaire créée par l’AMF : les investisseurs avertis. Ainsi, les clients institutionnels sont les acteurs qui entrent dans la catégorie des investisseurs professionnels tandis que les investisseurs personnes physiques, clients fortunés ou petits épargnants individuels, sont généralement plutôt des investisseurs non professionnels. Cette distinction est fondamentale car la possibilité pour un investisseur d’investir dans certains produits de Private Equity dépend de la catégorie dans laquelle il se situe.

Le Private Equity est une classe d’actifs populaire parmi les clients institutionnels parce qu’il offre une surperformance sur le moyen et long terme par rapport aux autres classes d’actifs. D’après les chiffres de France Invest, la moyenne des performances annuelles sur la période 2007-2021 du capital-investissement se situe aux alentours de 12%, devant celle de l’immobilier, 6%, et du CAC 40, 5%. Un tel niveau de rendement a donc rapidement attiré les institutionnels qui étaient capables d’investir des gros montants (plusieurs millions d’euros) sur un temps long et de gérer la complexité administrative des appels de fonds progressifs propres à l’investissement dans des fonds de Private Equity. En outre, les législations française et européenne ont pendant longtemps maintenu la plupart des fonds d’investissement inéligibles aux investisseurs non professionnels ou à leurs principaux outils d’épargne et de placement.

En 2008-2010, dans un contexte de taux d’intérêt faibles et de marchés boursiers perturbés par la crise financière, la quête de rendement et de diversification a poussé la clientèle privée à se tourner vers le capital-investissement. Ce secteur avait l’avantage d’offrir à la fois des actifs peu volatils et résilients, la conjoncture économique et politique ayant moins d’impact sur les entreprises non cotées que sur les autres classes d’actifs traditionnelles. En outre, la clientèle privée a de plus en plus montré un désir de donner du sens à ses investissements, au-delà de la simple quête de performance financière. Le Private Equity, rouage majeur du financement de l’économie réelle, était donc un placement de premier choix.

Du côté des sociétés de gestion, les entités qui lèvent les fonds de Private Equity, la tendance actuelle des investisseurs institutionnels est à la réduction de leurs engagements dans le non coté, dans un contexte où la remontée des taux d’intérêts les pousse plutôt à réorienter leurs capitaux vers des actifs financiers moins risqués. Les sociétés de gestion doivent donc s’ouvrir à d’autres typologies d’acteurs afin de sécuriser leurs apports de capitaux.

Dernier moteur de l’ouverture du Private Equity au grand public, la loi Macron en 2015 et la loi PACTE en 2019 ont pour but d’orienter l’épargne des ménages français vers le financement de l’économie réelle. En ce sens, ces deux lois ont levé un certain nombre de freins juridiques à l’accès des investisseurs non professionnels aux fonds de capital-investissement.

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Comment les Particuliers Peuvent-ils Investir dans le Private Equity ?

Pour les sociétés de gestion, l’investissement dans des entreprises nécessite un véhicule financier qui rassemble l’argent des investisseurs. Plusieurs types de véhicules d’investissement existent, et, une distinction peut tout de suite être opérée entre :

  • Les véhicules (ou fonds) dits fermés, structure traditionnelle qui se caractérise par une faible liquidité des parts ;
  • Les véhicules (ou fonds) dits ouverts, plus récents, qui visent à octroyer aux souscripteurs des parts une plus grande souplesse dans la cession de celles-ci.

Au sein de ces deux catégories, les véhicules peuvent être très différents les uns des autres en variant dans leur nature juridique (avec ou sans personnalité morale), les avantages fiscaux qu’ils octroient, les spécificités règlementaires dont ils font l’objet, la gestion qu’ils proposent pour les appels de fonds et la stratégie d’investissement qu’ils suivent.

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Les fonds fermés fonctionnent de la manière suivante : les souscripteurs s’engagent sur un montant maximal à souscrire qui est appelé immédiatement ou progressivement, leur durée de vie est limitée (généralement 10 ans), et les capitaux apportés par les souscripteurs permettent de financer un ensemble d’investissements dans plusieurs entreprises. Les parts initialement souscrites sont remboursées au fur et à mesure de la cession des investissements, générant éventuellement des plus-values, et ce jusqu’à la liquidation finale du fonds. La particularité des fonds fermés est que les conditions de cession des parts pendant la durée de vie du fonds sont très encadrées, les possibilités de sortie sont donc très limitées voire inexistantes, caractérisant ainsi l’investissement dans le Private Equity comme illiquide. Les fonds fermés les plus connus sont les FCPI et les FIP, qui sont des fonds dits fiscaux car offrant des avantages de nature fiscale. Cette caractéristique leur a permis de connaître un développement important. Les FCPR et FPCI, assez populaires eux aussi, font également partie de cette catégorie.

Pour remédier à la contrainte de l’illiquidité des parts de fonds fermés, depuis 2017 se sont développés les fonds evergreen qui sont dans leur grande majorité des fonds ouverts. Ils présentent deux caractéristiques essentielles : leur durée de vie n’est pas limitée (99 ans, comme une société de droit commun) et ils font l’objet d’une grande souplesse dans la cession de leurs parts, ce qui permet aux investisseurs de sortir du fonds à certaines périodes et à certaines fréquences. Le fait que leur durée de vie ne soit pas limitée libère les gérants du fonds (les sociétés de gestion) de l’obligation de revendre les investissements dans un certain laps de temps, ce qui leur permet de mieux s’adapter aux contraintes et opportunités offertes par le marché.

Ces véhicules d’investissement sont accessibles aux particuliers à travers différents canaux de distribution :

  • Le premier est l’investissement en direct dans un fonds, par l’intermédiaire de certains acteurs qui font le lien entre le gestionnaire de patrimoine des particuliers et les sociétés de gestion. C’est par exemple le cas de Private Corner : cette société s’appuie sur un réseau de gestionnaires de patrimoine pour offrir aux clients de ces derniers des investissements dans les fonds de Private Equity levés par les sociétés de gestion. Ce n’est cependant pas une solution accessible à tous, puisque le ticket d’entrée reste généralement élevé (de l’ordre de 100 000 euros).
  • Plus accessibles au grand public, les contrats d’assurances-vie en unités de comptes sont un autre canal de distribution. La loi PACTE a permis aux particuliers d’investir indirectement dans le Private Equity en rendant les fonds éligibles aux unités de compte qui composent ces contrats d’assurance-vie. Même si ce canal a connu depuis un fort développement, il reste encore des contraintes règlementaires et opérationnelles à dépasser pour démocratiser plus largement cet outil de distribution.

Enfin, les deux derniers canaux, qui ont eux aussi bénéficié de dispositions favorables de la loi PACTE, sont

  • L’épargne salariale (FCPE) et retraite (PER)
  • Le plan d’épargne en actions (PEA) pour lequel la loi prévoit qu’il peut abriter des parts de fonds de capital-investissement sous certaines conditions.

Néanmoins, ces deux outils de distribution sont beaucoup moins plébiscités.

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Pourquoi Inciter les Particuliers à Investir dans le Private Equity ?

Selon le rapport de France Invest publié fin 2022, il existe des freins à la démocratisation du Private Equity. D’abord, ce secteur reste à ce jour assez méconnu des particuliers susceptibles d’investir dans les véhicules de capital-investissement. Cette méconnaissance ne concerne pas que les investisseurs, mais aussi les intermédiaires (gestionnaires de patrimoine au sens large), qui jouent pourtant un rôle clef dans la distribution des produits de Private Equity. En outre, ces derniers étant récents et peu connus, les intermédiaires sont souvent obligés de fournir des explications à leurs clients, ce qui amène certains à éviter cette difficulté en se concentrant sur des produits qu’ils savent mieux expliquer. Ensuite, même si certaines solutions comme les fonds evergreen ont été développées, l’absence de liquidité de cette classe d’actifs reste tout de même un sujet de préoccupation.

Pourtant, malgré ces obstacles, la demande des particuliers pour le Private Equity est forte et le potentiel de croissance de leur investissement dans cette classe d’actifs est immense. L’orientation de l’épargne des Français vers le capital-investissement est nécessaire pour faire face aux besoins de financement des entreprises, qui ne cessent de s’accroître avec le défi de la décarbonation de l’économie, de la digitalisation et de la transformation des PME en ETI. En outre, investir dans les entreprises qui constituent le tissu entrepreneurial français et participer ainsi à la création d’emplois sur le territoire répond pleinement à la quête de sens dans l’investissement dont sont de plus en plus animés les épargnants. Au-delà du financement de l’économie, il existe également un véritable enjeu d’équité à ce que les performances du Private Equity puissent bénéficier au grand public et ne soient plus uniquement réservées à une certaine catégorie d’investisseurs.

Laura Latché, étudiante à l’ESCP et contributrice du blog