Alternative au financement classique d’acquisition, le Private Debt s’est développé au gré des crises dont celle de la COVID-19. Avec un fonctionnement similaire aux fonds de Private Equity et grâce à un mode de vie plus attractif, les fonds de dette privée intéressent de plus en plus de candidats. À ce titre, le blog AlumnEye propose un article sur le Private Debt ici. Afin de découvrir en détail ce secteur, découvrez cette nouvelle interview d’un AlumnEye, actuellement analyste en Private Debt dans un fonds anglo-saxon de premier rang.

 

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai d’abord fait une école post-bac et j’ai réalisé mes premiers stages en analyse crédit dans des banques de réseaux. Ensuite, durant ma césure, j’ai travaillé en Leverage Finance puis en Private Debt, avant un Summer en M&A à Londres. Enfin, je suis revenu à Paris pour être analyste en Private Debt, le poste que j’occupe actuellement.

 

Comment as-tu découvert le secteur du Private Debt ?

Réunion de travail autour d'une tableJ’ai découvert le Private Debt durant mon premier stage en Leverage Finance alors que nous perdions certains deals au profit de fonds de dette. J’ai alors commencé à m’intéresser à ces acteurs, j’ai fait quelques recherches et je me suis rendu compte que c’était extrêmement intéressant. En Private Debt, on fait davantage d’analyses et on a une meilleure exposition qu’en banque car les équipes sont plus petites. Dans un premier temps, je ne savais pas trop où postuler parce qu’il y a plusieurs types de fonds : les fonds anglo-saxons, les fonds français, etc. J’ai donc candidaté un peu partout et je me suis finalement retrouvé dans un fonds anglo-saxon pour ma deuxième partie de césure. J’ai choisi le fonds anglo-saxon parce que je m’y sentais mieux et que j’appréciais son côté plus international.

 

Quels sont les principaux acteurs du Private Debt en France ?

En Private Debt, il y a trois grands types d’acteurs :

 

  • Les premiers sont les acteurs internationaux, ils viennent généralement des grands fonds de Private Equity : BlackStone Credit, GSO, Bain Capital Credit, Apollo, CVC Credit Partners, etc. Ces acteurs ne sont pas forcément sur tous les types de deals, ils ont des attentes de retour sur investissement plus élevées que la moyenne.
  • Ensuite, il y a les acteurs européens : BlueBay, ICG, Hayfin, Tikehau, etc.
  • Enfin, les acteurs locaux, français ou européens, comme : Capzanine, Kartesia, ID Invest, etc.

 

Parfois, on note également la présence de certains assureurs comme Axa ou Generali, qui ont des branches dans l’Asset Management faisant un peu de Private Debt mais à plus petite échelle. Les assureurs sont plus présents sur les marchés de dettes plus liquides, les Leveraged Loans and High Yield. 

LA4Lire aussi : Apollo Global Management, un géant du Private Equity

 

Est-ce que la crise de la COVID-19 a changé quelque chose au sein de ton fonds, au niveau de la stratégie d’investissement ou de ton quotidien ?

Oui, d’abord pendant les premiers mois, on ne savait plus très bien où on allait. Il y avait également un confinement très strict donc ça jouait beaucoup sur mon implication dans des dossiers portefeuille. Il faut d’abord comprendre que mon fonds est organisé d’une certaine manière : il y a une équipe investissement – dont je fais partie – et une équipe portfolio management. Au quotidien, c’est plutôt l’équipe portfolio management qui gère le monitoring des entreprises dans lesquelles on a investi. Par conséquent, en temps normal mon équipe a peu d’interactions avec le management après l’investissement. En revanche, durant la période de confinement, nous étions bien plus impliqués dans la gestion des entreprises en portefeuille pour tout superviser et fournir un peu de liquidités aux entreprises qui en manquaient. Nous avons notamment investi dans les secteurs les plus touchés par la crise, à l’instar des salles de sport ou des restaurants. Nous devions aussi négocier avec les fonds de Private Equity présents au capital des sociétés pour les cas de bris de covenant. Ainsi j’ai été beaucoup plus impliqué dans ce domaine et c’était très intéressant, cela m’a permis d’observer un aspect plus restructuring et légal du métier. Désormais, après avoir passé ces premiers mois, les choses sont revenues à la normale, on a bien plus transmis les dossiers à l’équipe portefeuille.

Ensuite, sur la partie d’investissement, nos critères ont changé avec la crise. On ne regarde plus du tout des secteurs pouvant être victimes d’un potentiel confinement. Et on est très intéressés par toutes les entreprises relevant du secteur logiciel ou du secteur de la santé, de l’éducation, etc. Ces dossiers-là sont regardés avec encore plus d’attention qu’auparavant.

 

Observer et prendre part à ces nouvelles activités ne t’a-t-il pas donné envie de découvrir cet autre aspect du métier ?

Avant cette expérience, je trouvais déjà le restructuring intéressant mais généralement lorsqu’une entreprise de notre portefeuille est en restructuring c’est que quelque chose s’est mal passé, c’est rarement un bon signe. Ça demeure une expérience intéressante, on apprend des choses différentes qui peuvent être utiles. D’autant plus que je travaille dans un fonds qui a des attentes de retour plus élevées que la moyenne donc nous regardons parfois des crédits un peu plus risqués et complexes. Ainsi, j’ai un peu d’exposition à ce type de situation et ça a confirmé mon intérêt pour ces problématiques restructuring. Je suis forcément intéressé par cela et j’espère être confronté à des situations similaires dans le futur.

 

    LES SECRETS DU RECRUTEMENT EN FINANCE

Obtiens gratuitement 30 min de vidéo pour comprendre comment faire la différence sur des milliers de candidats.

 

Tu as d’abord travaillé en Leverage Finance (stage) avant d’aller en Private Debt, quelles différences as-tu pu relever au quotidien entre ces deux secteurs ?

Je trouve que ce sont des secteurs assez similaires, mais la principale différence se fait au niveau de la profondeur d’analyse. En Private Debt, on analyse tout le financement : sur un LBO de 200 millions d’euros de dette, on travaille généralement sur la totalité de cette dette. Ce n’est pas le même chose en Leverage Finance, où dans cette même situation la banque pourrait avoir une participation de 20 millions d’euros au sein d’une syndication d’une dizaine de banques. Je pense qu’il y a également une interaction plus importante avec le management, les fonds de Private Equity et les différents conseils.

Le quotidien peut être plus intense également. En effet, l’un des avantages du Private Debt vis-à-vis des solutions bancaires, c’est la rapidité : un deal peut prendre 2 à 3 semaines, tandis qu’en banque le planning s’étend sur plusieurs mois. L’analyse doit donc être faite bien plus rapidement, ce qui conduit nos horaires à s’étirer durant les périodes cruciales.

En Private Debt, on travaille sur des produits plus variés. Si en banque les opérations concernent principalement des dettes senior, en dette privée nous travaillons également sur des dettes mezzanines, des dettes PIK, des dettes second-lien, voire parfois des investissements en Equity. Cela amène beaucoup de diversité et je trouve que c’est un avantage du Private Debt sur le Leverage Finance.

 

Mis à part les LBO, sur quels types de deals travaille-t-on en Private Debt ?

On travaille principalement sur des LBO, ils représentent à eux seuls environ 70% de notre activité. Les 30% restants concernent ce qu’on appelle le sponsorless, c’est-à-dire des leverage recap d’actionnaires qui veulent monétiser la croissance de l’entreprise. On peut également aider des entreprises n’ayant pas été financées par des fonds de Private Equity à réaliser des acquisitions ou des roll-out. À titre d’exemple, j’ai mentionné précédemment les salles de sport ou les restaurants, on peut aider une franchise comme Burger King à ouvrir de nouveaux restaurants.

LA4Lire aussi : Qu’est-ce qu’un LBO ?

 

Quelles sont les missions d’un stagiaire en Private Debt ? d’un analyste ?

Je pense que les missions sont à peu près les mêmes que dans les métiers de Leverage Finance ou de Private Equity : elles consistent en une lecture des due diligences, commerciales, financières, légales, etc. ; et une production de mémos d’investissements. Cela représente notre principale tâche. Ensuite, il y a également une partie modeling et une participation au côté légal, bien que cette dernière soit plus passive pour les stagiaires et au niveau analyste. À partir du niveau analyste on participe au comité d’investissement, c’est aussi l’un des points de différence avec le Leverage Finance. Lors de notre passage en comité d’investissement, on doit défendre notre opinion sur un dossier. Dès le niveau analyste, on prend la parole et c’est une partie que je trouve très intéressante car elle nous permet de beaucoup progresser.

 

Est-ce facile de trouver un job là-dedans en sortie d’école ou tu fais figure d’exception ?

Oeufs en bac sur surface blancheJe dirais que ça dépend du type d’acteurs. Dans les fonds anglo-saxons, il existe une préférence pour le recrutement d’associates ayant déjà fait du M&A ou du Leverage Finance dans des grandes banques anglo-saxonnes. Au niveau analyste, les process de recrutement s’ouvrent de plus en plus car il y a une volonté de former en interne, de donner l’esprit et la culture du fonds. Ensuite, concernant les fonds plus locaux, je pense qu’il y a des possibilités au niveau analyste généralement après un stage de fin d’études. Des fonds comme Capza, Kartezia ou Ardian recrutent des analystes en sortie d’école.

 

 

Selon ce que tu observes, quels métiers peuvent mener au Private Debt ?

Je dirais principalement le M&A et le Leverage Finance, il y a également des personnes issues du Private Equity, c’est plus rare mais c’est un choix qui peut être motivé par un mode de vie plus attractif. On peut aussi trouver des consultants en stratégie, exceptionnellement des gens issus du DCM ou parfois de hedge funds avec un focus crédit (mais pas les profils quantitatifs).

 

Pour finir, qu’est-ce que tu conseillerais à un étudiant qui souhaite faire carrière en Private Debt ?

Avant tout je lui conseillerais de bien identifier pourquoi il veut travailler du côté crédit plutôt que du côté Equity, car c’est vraiment différent. En effet, quand on est du côté crédit, on se focalise beaucoup sur les risques downside et l’analyse de la capital structure. Notre retour sur investissement est par définition limité, notre objectif principal est donc de le protéger. Il convient également de savoir mettre en avant certains avantages du Private Debt, comme le fait de travailler sur plus de dossiers qu’en Private Equity où on passe parfois plusieurs mois sur une opération. La priorité d’un étudiant voulant faire carrière en Private Debt doit être de bien comprendre ses motivations profondes et de savoir répondre sans mal à la question : pourquoi faire du crédit ?

 

 

Sam M’TAR, étudiant à Grenoble Ecole de Management et responsable éditorial du blog AlumnEye