Apparues il y a plus de 10 ans avec le lancement du Bitcoin en 2009, les cryptomonnaies se sont démocratisées au fil des années. Cryptées par le biais d’une technologie blockchain, leur détention se veut particulièrement sécurisée. Celles-ci ont la réputation de contourner les institutions bancaires classiques, et peuvent désormais être employées comme tout autre type de monnaie, dans le cadre de paiements en ligne (elles bénéficient notamment du développement important du commerce en ligne au cours de la dernière décennie), mais aussi à des fins spéculatives. Etant encore relativement jeunes, les cryptomonnaies affichent des cours se révélant encore à l’heure actuelle très volatiles, en témoigne l’envolée récente du Bitcoin,  qui a dépassé les 60 000 dollars à plusieurs reprises depuis le début de ce mois de mars 2021 (suite notamment à des annonces d’Elon Musk affirmant la possibilité d’acheter une Tesla avec des Bitcoins) après avoir vu son cours décupler en une année. Leur nombre a également considérablement augmenté : on estime le nombre de cryptomonnaies actuellement en circulation à 2 000, la plupart d’entre elles étant inconnues du grand public. Les acteurs ayant un lien avec ce type d’actifs sont multiples, et des entités de plus en plus nombreuses affichent un intérêt certain pour ces monnaies virtuelles. Tour d’horizon sur un engouement croissant pour ces « monnaies alternatives ».

Les facteurs d’influence sur les cryptomonnaies

L’un des principaux paramètres d’influence sur ce type d’actifs est tout simplement la loi de l’offre et de la demande : d’une manière générale, un nombre plus important d’utilisateurs, ou encore une utilisation plus active des cryptomonnaies par ces personnes aura tendance à faire augmenter le cours de celles-ci. La progression du cours des cryptomonnaies les plus connues (Bitcoin, Ethereum) a été accompagnée entre autres par une explosion du nombre d’utilisateurs de ces monnaies virtuelles : de 35 millions en 2018, on estime leur nombre à 100 millions à la fin de l’année 2020. Un parallèle peut en réalité être dressé avec les fluctuations des cours des matières premières. En effet, à l’instar de ces dernières, la plupart des cryptomonnaies ne sont disponibles qu’en quantités limitées (exception faite pour l’Ethereum). Le Bitcoin n’est par exemple disponible qu’à hauteur de 21 millions d’unités, et environ 17 millions d’entre elles sont déjà en circulation. Si la demande pour une cryptomonnaie en particulier augmente, son prix augmentera directement au regard de son offre limitée.

Cette demande en elle-même est régie par le sentiment qu’éprouvent les acheteurs à l’égard des différentes monnaies virtuelles. Les disparités au niveau des technologies blockchain utilisées, le niveau de sécurisation ou encore leur « liquidité » dans le cadre d’une utilisation orientée sur l’économie réelle (pour des achats en ligne par exemple) peut affecter le comportement des utilisateurs. Par exemple, Paypal permet depuis le mois de mars d’effectuer des paiements en cryptomonnaies, mais seules 4 d’entre elles (Bitcoin, Ethereum, Bitcoin Cash, Litecoin) y sont éligibles, ce qui est le cas également pour la plupart des sites de e-commerce autorisant ce type de transaction. On constatera parallèlement que les cours de chacune de ces cryptomonnaies se sont envolés au cours des dernières années.

La notion de confiance est également importante dans ce contexte. Des annonces négatives, entre autres, peuvent avoir un effet dévastateur sur le cours d’une cryptomonnaie, comme ce fut le cas lors des allégations de fraude portées par J.P Morgan à l’égard du Bitcoin en 2017. Le PDG de la célèbre banque d’affaires avait alors qualifié cette cryptomonnaie de « fraude », en évoquant la possibilité pour des personnes malhonnêtes de pouvoir les utiliser en contournant le système bancaire, avant d’ajouter que le Bitcoin finirait un jour par « imploser ». A la suite de ces déclarations, la valeur du bitcoin avait chuté de 4 200 dollars à 3 200 dollars en l’espace de 48 heures.

La réglementation en vigueur dans certains pays peut également influer sur le cours de ces monnaies. Des restrictions sur leur usage ou encore des interdictions d’accéder aux cryptomonnaies ont par le passé provoqué des chutes importantes des cours. Ce fut le cas au début de l’année 2018 lorsque la Chine, par le biais de sa banque centrale, avait décidé d’interdire les échanges de cryptomonnaies, ce qui avait conduit à une baisse de 20% du prix de l’Ethereum, entre autres.

Enfin, l’actuelle volatilité de ces cryptomonnaies favorise les intérêts spéculatifs. De nombreux investisseurs attirés par des plus-values confortables peuvent en effet profiter des importants mouvements haussiers et baissiers de ces monnaies. On peut notamment évoquer la bulle spéculative qui s’était formée autour du Bitcoin au cours de l’année 2017, ayant à l’époque propulsé son cours à 20 000 dollars, avant d’exploser au début de l’année 2018 pour revenir à 6 000 dollars. De plus, au regard de l’existence de nombreuses cryptomonnaies, certaines étant peu utilisées, mais aussi peu onéreuses, il advient qu’un investisseur réalisant un achat massif de ce type de monnaie pourra avoir une influence directe sur le cours de ladite monnaie.

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Les cryptomonnaies, quels acteurs pour quelles utilisations ?

Jusqu’il y a peu, la plupart des utilisateurs des cryptomonnaies étaient des particuliers qui les employaient à des fins pratiques (achats en ligne, etc.) ou dans une démarche d’investissement (souvent spéculative). Désormais, le monde des monnaies virtuelles suscite de plus en plus l’intérêt d’investisseurs institutionnels. Les initiatives menées au niveau des États (comme c’est le cas dans l’Union Européenne) afin de fixer un cadre réglementaire permettent un gain de confiance supplémentaire des investisseurs envers cette classe d’actifs. C’est notamment l’achat massif de Bitcoin par ces investisseurs institutionnels ces derniers mois (il peut s’agir de fonds d’investissement, comme ARK Investment Management, mais aussi de compagnies multinationales comme Tesla) qui a conduit à la hausse spectaculaire du cours de cette monnaie virtuelle, la plus représentée d’entre toutes. La proportion de Bitcoin détenue par des institutionnels atteignait d’ailleurs 3% au début de l’année 2021 (ce qui revient à considérer cette part comme « bloquée » étant donné la vocation de ces entités à conserver leurs investissements sur le long terme), le reste étant détenu essentiellement par quatre types de profils : des traders, des mineurs (c’est-à-dire des personnes validant les transactions par le biais de logiciels dédiés), des criminels ou encore des utilisateurs ayant perdu l’accès à leurs identifiants de compte. Cette dernière catégorie a pris de l’ampleur récemment, l’explosion du cours du Bitcoin ayant ravivé l’intérêt de nombreux utilisateurs détenant cet actif depuis plus d’une décennie pour certains. L’accès de ces personnes à leur portefeuille est cependant soumis à un niveau de sécurité important, empêchant pratiquement toute possibilité de pouvoir récupérer leurs identifiants. Ils ne disposent ainsi que de douze tentatives afin de pouvoir entrer le bon mot de passe, qui permet alors d’accéder à une IronKey (disque dur contenant les clés numériques offrant l’accès au portefeuille).

Répartition actuelle des détenteurs de Bitcoins (hors investisseurs institutionnels)

Diagramme répartition détenteurs cryptomonnaies

Au regard de l’offre limitée, due notamment à la difficulté de minage (processus par lequel une transaction va être validée puis ancrée dans la blockchain) de cette cryptomonnaie, comme de beaucoup d’autres, cette appropriation pourrait soutenir une hausse des cours dans les années à venir.

Les géants mondiaux de la gestion de fonds et d’actifs déclarent désormais officiellement vouloir intégrer les cryptomonnaies à leur portefeuille. Par exemple, l’américain Blackrock a annoncé l’ajout de contrats de type « futures » sur le Bitcoin au sein de ses fonds Strategic Income Opportunities et Global Allocation Fund. Parmi les motivations sous-jacentes de ces investissements se distingue la caractéristique de « valeur refuge » qui se voit progressivement attribuée à ces actifs. De nombreux spécialistes s’accordent même à désigner les cryptomonnaies par la dénomination « or numérique ». En effet, au même titre que certaines matières premières telles que l’or, les cryptomonnaies sont utilisées en tant que réserves de valeur par les investisseurs, afin de se protéger contre certaines tendances de l’économie. Tout d’abord, leur indépendance vis-à-vis des institutions classiques ainsi que leur disponibilité limitée les protègent du phénomène d’inflation. Les monnaies fiduciaires peuvent tout à fait être imprimées de façon illimitée selon les politiques menées par les banques centrales (lors d’un rachat de dettes afin de relancer l’économie par exemple), ce qui conduit généralement à une hausse de l’inflation. La plupart des cryptomonnaies en revanche ne peuvent pas être produites à souhait. Elles constituent donc un moyen de couverture lors de périodes inflationnistes (comme c’est le cas actuellement avec un maintien des taux bas depuis le début de la pandémie).

A une échelle plus locale, c’est-à-dire au niveau d’un État (ou d’un groupe d’États utilisant la même devise), des événements susceptibles de déprécier la monnaie locale peuvent conduire à un repli des investisseurs sur les cryptomonnaies. Ce fut le cas récemment de l’entreprise allemande SynBiotic, qui a pris la décision d’acheter du Bitcoin afin de se protéger de la dévaluation de l’euro due a une augmentation importante de la masse monétaire. Plus surprenant encore, des sociétés investissent désormais dans les cryptomonnaies afin de leur accorder une part dans leur trésorerie. On peut citer le cas de l’américain MicroStrategy, qui a récemment annoncé l’émission d’obligations convertibles à hauteur de 690 millions de dollars afin d’augmenter ses réserves en Bitcoin (qui atteint quasiment 40% de la trésorerie de la compagnie). Cette stratégie qui peut paraître risquée a cependant profité à l’entreprise, qui a vu le cours de son action s’envoler de 700% depuis ses premiers achats de Bitcoin en août 2020.

L’un des défauts majeurs, et par conséquent l’un des freins à l’adoption massive de cette classe d’actifs, était la faible liquidité disponible sur le marché des cryptomonnaies. Cependant, de nouveaux acteurs sont apparus pour remédier à cette problématique, qui affecte notamment les investisseurs de plus gros calibre tels que les asset managers ou les trading desks. On peut citer le cas de Woorton, startup française fondée en 2017 par trois anciens traders, qui se présente désormais comme le leader européen de l’asset servicing en matière de cryptomonnaies. En effet, l’entreprise a développé une interface de programmation offrant une liquidité accrue (jusqu’à 100 ordres par seconde), ainsi qu’une plus grande transparence sur les prix d’achat et de vente.

Du côté des banques d’investissement, le scepticisme a toujours été de mise depuis la création des cryptomonnaies. Considérées initialement comme une farce, leur développement continu a finalement commencé à susciter un intérêt de la part de certaines d’entre elles (Deutsche Bank s’est allié au géant de l’informatique IBM en ce sens), bien que celles-ci n’aient pas encore entamé une activité d’investissement sur ces actifs, pointant notamment une régulation de ce marché encore peu étoffée.

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Comment choisir judicieusement ses cryptomonnaies ?

A l’heure actuelle, le Bitcoin demeure la cryptomonnaie la plus démocratisée. Cependant de nombreuses autres monnaies virtuelles ont émergé au fil des années (Binance Coin, Ripple, Polkadot, etc…), et environ une dizaine d’entre elles présentent des volumes d’échanges importants. Chacune d’entre elles présente ses avantages et inconvénients (technologie de cryptage utilisée, rapidité des transactions, liquidité, etc.) et doit faire l’objet d’un arbitrage lors d’un achat. Également, tandis que des cryptomonnaies sont fréquemment présentées comme des investissements alternatifs offrant des caractéristiques de valeur refuge à l’égard des marchés classiques, celles-ci sont, à l’instar de l’ensemble des actifs, plus ou moins corrélées entre elles. C’est ce qu’a révélé une étude menée par la plateforme Binance. En effet, de nombreuses cryptomonnaies voient leur cours corrélé à celui du Bitcoin ou de l’Ethereum, mais ce constat ne s’applique pas à certaines d’entre elles. A titre d’exemple, le Bitcoin et le Cosmos ne sont que très faiblement corrélés. Ces disparités en matière de corrélation entre les cryptomonnaies peuvent notamment être exploitées afin de diversifier son portefeuille dans ce type d’actifs, tout en limitant les risques liés à une volatilité importante.

Corrélations entre les rendements quotidiens de plusieurs cryptomonnaies au premier trimestre 2020

Graphique corrélation rendements cryptomonnaies

Les cryptomonnaies constituent d’une manière générale une classe d’actifs qui doit être appréhendée avec un certain recul. Cela requiert d’être suffisamment renseigné, voire d’être formé spécialement en la matière. Les monnaies virtuelles étant encore relativement récentes, peu d’enseignements sont proposés au niveau académique même s’il en existe.

Bien au-delà de la simple formation, certaines professions liées au milieu des monnaies virtuelles commencent à se développer. Si elles étaient jusqu’alors principalement restreintes au domaine de l’informatique et de l’analyse, certaines d’entre elles sont désormais directement liées au domaine de la finance. Le métier de consultant en cryptomonnaies, entre autres, commence à gagner en importance.

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Les cryptomonnaies connaissent un succès croissant depuis la création du Bitcoin en 2009. Leur usage s’est à la fois démocratisé et diversifié, permettant aux acheteurs de les employer dans le cadre de transactions usuelles telles que des achats sur des plateformes de e-commerce, mais aussi d’effectuer des investissements financiers. En effet, la volatilité de ces monnaies a attiré les investisseurs spéculatifs dans un premier temps, puis de nouveaux acteurs avec l’arrivée des investisseurs institutionnels et des grandes entreprises souhaitant intégrer les cryptomonnaies au sein de leurs réserves, ce qui a conduit notamment à une hausse record du cours du Bitcoin en ce début d’année 2021. Néanmoins, tout investissement dans des cryptomonnaies nécessite de prendre certaines précautions. Tout d’abord, il convient de se renseigner sur les caractéristiques des différentes monnaies, mais également de se former sur ce type d’actif. Dans ce but, de multiples formations sont apparues ces dernières années, et l’enseignement sur les cryptomonnaies ne saurait tarder à se démocratiser dans le milieu universitaire, au regard de l’engouement actuel pour ces actifs. Enfin, il ne serait pas étonnant de voir éclore, dans un futur proche, des départements spécialement consacrés aux cryptomonnaies au sein des banques d’affaires, sur le même principe que ceux dédiés aux produits de taux ou au marché du forex par exemple, et offrant par la même occasion de nouvelles perspectives en matière d’emploi.

Nicolas Liszczynski, étudiant à l’EDHEC Business School et contributeur du blog AlumnEye