Diplômé de l’Université Paris-Dauphine, Guillaume Poma a réalisé la quasi-totalité de sa carrière au sein de la filiale Real Estate du groupe BNP Paribas. Dans cet interview, il revient sur son parcours professionnel et nous éclaire sur le quotidien d’un Associate Directeur dans le secteur de l’immobilier et les spécificités de cet univers à part en finance.

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

Après un bac scientifique, j’ai intégré une prépa mathématiques. La prépa n’a pas été mon meilleur souvenir, et au bout de quelques semaines de la seconde année, je ne me sentais plus à ma place. Un peu perdu j’ai bifurqué à la fac, en deuxième année de maths appliquées et sciences sociales pour me rapprocher de l’économie. J’ai eu la chance de rencontrer une directrice de licence exceptionnelle, qui m’a aidé à préparer un dossier pour rentrer à Dauphine à Paris. J’étais persuadé qu’avec mon parcours c’était impossible, car Dauphine est considérée comme la meilleure fac en finance. J’ai ensuite été admis directement en troisième année en économie internationale.

En parallèle de mes études, j’ai commencé un travail étudiant dans une agence immobilière. J’étais l’assistant de la directrice de l’agence, concrètement j’apportais mes compétences en informatique, communication et réalisais des photos. Cette expérience, de deux ans, menée de front avec mes études m’a permis d’appréhender le monde de l’immobilier, les valeurs des biens, les interlocuteurs et accessoirement de découvrir Paris.

C’est au cours de mon Master 1, économie internationale, que j’ai découvert l’immobilier professionnel. Ce milieu combine finance, immobilier, construction et rassemble des compétences très variées. C’est un métier de contact qui m’a séduit.

J’ai démarré dans un petit cabinet de conseil qui faisait de la vente de pieds d’immeubles. Puis dans l’entreprise Icade, un promoteur immobilier en développement d’immobilier de bureaux notamment. Concrètement, cela consiste à identifier et sécuriser des terrains pour orienter la construction des bâtiments. J’ai terminé mes études par le Master 246 en management de l’immobilier, toujours à Dauphine, qui est l’un des plus réputé du secteur. En parallèle de ce Master, je réalisais mon apprentissage à la Caisse des Dépôts et Consignations en tant qu’analyste. J’étais chargé de la revue des performances et des risques des actifs des fonds d’investissements immobiliers. J’ai obtenu mon diplôme, et c’est par la suite que j’ai intégré BNP Paribas où j’évolue encore aujourd’hui.

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En quoi consiste l’investissement en Real Estate ? Est-ce réellement différent des autres investissements ?

L’investissement en Real Estate c’est tout simplement l’investissement dans tous types de biens immobiliers. Pendant longtemps cela a été considéré comme un investissement de niche dans le milieu de la finance, c’est aujourd’hui une classe d’actifs plébiscitée par les investisseurs. Il faut comprendre que la plupart des produits financiers sont “virtuels” : produits structurés, produits de tradings, finance de crédits… Avec le Real Estate, c’est concret on investit dans du réel, un bâtiment que l’on peut visiter, un actif tangible.

Comment ça fonctionne ? L’investissement immobilier découle du loyer que paie le locataire, c’est ce qui génère du cash-flow. Les acteurs, les investisseurs, eux cherchent un rendement courant et pérenne. A partir de cela, on va déterminer le prix que l’investisseur est prêt à payer pour avoir un rendement fixe. De là va naître une compétition entre investisseurs qui nourrit le marché de l’investissement immobilier.

C’est un secteur qui représente entre 25 et 30 milliards d’euros en France, et 280 milliards à l’échelle européenne. L’Allemagne et le Royaume-Uni étant les deux marchés les plus porteurs en Europe, suivis par la France, en volume de transactions.

Dans l’immobilier professionnel, on parle de plusieurs produits. Évidemment des bureaux, mais aussi des plateformes logistiques. Ces dernières permettent de stocker et d’acheminer des marchandises. C’est un bon exemple d’un marché extrêmement porteur. Avec la crise du covid, les transports et les livraisons ont augmenté significativement, du coup le marché et la vente des plateformes logistiques ont explosé. Parmi les autres produits : le retail c’est-à-dire tous les commerces, boutiques, centres commerciaux, pieds d’immeubles… et l’hôtellerie qui est un secteur très pointu avec des experts dédiés. Enfin, des produits de niches sont en train de prendre de l’ampleur. Par exemple l’investissement dans des résidences étudiantes, des résidences seniors, des maisons de retraites, des cliniques, des hôpitaux… Depuis quelque temps, le bureau n’est plus autant favorisé par les investissements immobiliers, il y a de grandes questions quant à l’avenir du bureau en raison des changements liés au covid (diminution des voyages, télétravail, visioconférence…).

Quelle est ta journée type concrètement ?

Dans mon poste j’ai la chance de faire partie de l’équipe internationale qui fait du coverage investisseur. Tous les jours je fais du suivi de clients. Notre équipe gère les clients internationaux, identifie les besoins et les stratégies d’investissements pour aller ensuite trouver le produit qu’ils recherchent. C’est un travail de collaboration entre les équipes de Dubaï, Singapour et Hong-Kong, les équipes coverage investisseurs européennes et les équipes locales en transaction. Concrètement, je suis un lien pour les investisseurs internationaux qui souhaitent investir en France. L’inverse est également possible, c’est-à-dire que je peux m’occuper d’un client français qui souhaite acquérir des biens en Allemagne ou ailleurs en Europe par exemple.

Dans ma journée, je collecte des mandats de vente auprès des équipes locales et je les convaincs que le client que je vais leur apporter est un bon client pour elles. Pour cela, il faut une bonne connaissance du client étranger, un suivi de qualité pour le persuader d’investir en France ou en Europe. Car par rapport à un investisseur Français qui souhaite acheter de la pierre dans son pays, il y a beaucoup plus de pédagogie à faire avec nos clients internationaux pour leur expliquer comment fonctionne l’immobilier en France et quels sont nos standards. Je gère également tout le processus de l’analyse financière, les propositions de business plans, toutes les présentations nécessaires jusqu’à la rédaction de l’offre et l’achat du bien.

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Quand j’ai commencé en tant qu’analyste en 2015, j’intervenais en tant que support des consultants seniors sur la partie analyse financière, sur l’aspect technique des produits, ainsi que sur l’ensemble de la préparation des documents nécessaires à la vente des immeubles (business plan, cash-flow, analyse des dataroom…). Mon poste a ensuite évolué sur des missions plus orientées sur le relationnel client : visites d’immeuble, rendez-vous clients pour faire des points sur le marché ou encore faire le suivi de sa stratégie d’investissement. Nous avons une typologie de clients très variée. Des clients privés ou Ultra high-net-worth individuals, c’est-à-dire des personnes dont la fortune dépasse les 30 millions de dollars, et de riches clients qui investissent dans l’immobilier, souvent d’Asie ou du Moyen Orient. Mais nous travaillons également avec des fonds souverains, des fonds spécialisés en immobilier en passant par des sociétés d’assurances ou des fonds en création de valeur.

Quelles expériences en stage sont recherchées pour intégrer ce milieu ?

Pour intégrer le milieu du Real Estate, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir fait des stages dans le secteur, mais des expériences professionnelles dans la finance, même modestes, et une cohérence dans son parcours sont particulièrement appréciées. Il est courant qu’après une troisième année de licence, les entreprises recherchent surtout des stages de six mois.

Il n’y a pas de voie royale pour faire du Real Estate, mais je recommande que les stages soient cohérents, évolutifs, dans des structures de plusieurs tailles, avec des missions plus complexes au fur et à mesure. Il est bien vu d’avoir au moins deux expériences en stage pour postuler, nous recherchons des jeunes aptes professionnellement. Évidemment, avoir fait un stage dans le secteur de l’immobilier est un plus, notamment pour comprendre les acteurs du milieu et connaître ce que sont les fondements de l’investissement immobilier. Ce sont des connaissances que nous testons en interviews. Quand bien même cela semble être du bon sens : renseignez-vous sur l’entreprise dans laquelle vous postulez avant de vous présenter à l’entretien. De mon expérience, sur une dizaine de candidats que je reçois en interview, environ trois ou quatre ne sont pas capables de parler correctement de l’entreprise et arrivent non préparés…

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Quels conseils professionnels aurais-tu aimé entendre quand tu étais encore étudiant ?

L’argent ne fait pas tout ! Se diriger vers un métier uniquement pour le salaire n’est, selon moi, pas une bonne raison. Il faut trouver un métier qui vous donne envie de vous lever le matin. Pour cela je vous conseille de multiplier les expériences, c’est en testant qu’on se rend compte de ce qui nous correspond le mieux. Tout le monde n’est pas fait pour travailler en M&A ou en Trading, et ce n’est pas grave car il y a beaucoup d’autres secteurs passionnants !

Dans la mesure où vous êtes heureux de votre travail, vous réussirez votre carrière. Cela peut sembler simpliste mais beaucoup l’oublient dès qu’on affiche de gros salaires.

Anthony SULIO, étudiant à l’Université Paris-Dauphine et responsable éditorial du blog AlumnEye