Quand il n’enseigne pas les lois de la modélisation financière à des étudiants de Sciences Po Paris, on peut retrouver Damien Beurier en train de négocier la prochaine levée de fonds de WeShareBonds. Cet ancien banquier M&A a travaillé chez Messier Maris puis chez Rothschild avant de quitter le monde de la banque d’affaires pour rejoindre une fintech en tant que dirigeant et associé. Aujourd’hui, il est Directeur Général de WeShareBonds, une plateforme digitale de crédit aux PME.

Bonjour Damien, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Pouvez-vous décrire votre parcours ?

Après une maîtrise du droit des affaires à Assas j’ai intégré l’EDHEC (programme grande école) dont je suis sorti avec une spécialisation en finance d’entreprise. J’ai fait différents stages en banques d’affaires : financements structurés chez BNP Paribas, M&A chez HSBC et chez Hawkpoint. J’ai par le suite intégré l’équipe M&A de Messier Maris dans laquelle j’ai travaillé pendant plus de 3 ans avant de rejoindre Rothschild en 2014 toujours en M&A. Finalement, en juin 2017, j’ai quitté le monde de la banque d’affaires pour m’associer aux fondateurs de WeShareBonds, fintech dans laquelle j’ai pris le poste de Directeur Général, en charge du Business Development de plateforme.

En parallèle de votre poste chez Rothschild, vous êtes devenu professeur de finance à Sciences Po Paris, quelles ont été les raisons de ce choix ?

C’est principalement l’envie de transmettre ce que j’avais appris en finance durant les premières années en banque de manière plus opérationnelle comparée à ce que j’avais vu en école qui m’a poussé à enseigner. En effet, Sciences Po cherche régulièrement non pas des professeurs « à l’ancienne » mais des professionnels de la finance en poste pour animer des conférences. Celle que j’anime avec une ex-collègue porte sur la modélisation financière.

Le M&A fait rêver de nombreux étudiants, comment expliquez-vous cela ? Qu’est-ce qui à l’origine vous a poussé à faire du M&A ?

A mon sens, le M&A suscite des fantasmes qui ne sont pas tous justifiés. Pour ma part, j’ai choisi de faire du M&A pour deux raisons principales. D’un côté, il s’agit d’une filière très professionnalisante qui apporte beaucoup de rigueur et permet d’acquérir des méthodes de travail particulièrement efficaces afin d’absorber une forte charge de travail. D’un autre côté, le M&A permet d’être très tôt en contact avec des niveaux de séniorité relativement élevés chez les contreparties (clients, avocats d’affaires, conseillers en stratégie, experts, etc.). Avoir accès à la direction générale ou financière de grands groupes dans ses premières années professionnelles permet d’apprendre davantage sur les enjeux du management.

Qu’est-ce qui motive les gens à travailler autant ? à part un salaire très compétitif évidemment.

On est tout d’abord attiré par l’ambiance d’état-major ou de gestion de crise que l’on rencontre sur les dossiers les plus exigeants. En effet, il y a une vraie émulation qui permet de créer des équipes ou promotions soudées. Le rythme est soutenable parce que l’on travaille ensemble ou à côté de telle ou telle personne. Ensuite, il y a la soif d’apprendre qui peut inciter certains à s’imposer ce rythme sportif. Enfin, le secteur permet de se former efficacement tout en se laissant bon nombre de reconversions professionnelles possibles.

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Vous avez travaillé chez Messier Maris puis chez Rothschild ; y’a-t-il des différences majeures entre ces deux prestigieuses institutions ?

Il est difficile de comparer mes expériences chez Messier Maris et chez Rothschild car c’est comparer des années d’analyste à des années d’associate ou VP. Une différence est que Rothschild est un acteur plus institutionnel avec des méthodes de travail et de management plus éprouvées. Rothschild est une banque d’affaires plus internationales qui s’appuie fortement sur les bureaux étrangers sur certains dossiers. Messier Maris de son côté est une banque d’affaires plus jeune et lorsque j’y suis entré j’ai découvert un esprit entrepreneurial très fort. Je suis reconnaissant d’avoir assisté et participé à ces premières années de forte croissance post association de Jean-Marie Messier et Erik Maris.

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Comment s’est passée votre transition de Rothschild à WeShareBonds ?

Ce fut un changement de carrière majeur car je suis passé de salarié à dirigeant actionnaire avec un vrai pari financier et des responsabilités plus importantes dans une structure beaucoup plus petite. Il a fallu que je réapprenne totalement un métier même si mon bagage financier et une partie du réseau tissé pendant les années précédentes ont été fort utiles.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la fintech WeShareBonds ?

WeShareBonds est une plateforme digitale de crédits pour les PME françaises. On met en relation des investisseurs professionnels et particuliers avec des entreprises qui cherchent à financer leur croissance. Un investisseur particulier peut notamment prêter à partir de 50 euros à une PME et ainsi financer l’économie réelle.

Actuellement, nous préparons la levé de notre 3ème fonds de crédit auprès d’investisseurs institutionnels.

Vous êtes dorénavant DG en charge du développement commercial chez WeShareBonds, en quoi votre carrière en M&A vous aide-t-elle dans un poste très commercial ?

Mon expérience en M&A m’a aidé notamment pour organiser les différentes levées de fonds de WeShareBonds. L’expérience de processus de vente de sociétés valorisées plusieurs centaines de millions ou un milliard d’euros prépare efficacement à lever une quinzaine de millions d’euros pour une fintech ou un million d’euros pour une PME cliente. Mon passage en  banque d’affaires me permet d’appréhender certains aspects de l’analyse financière lors de la sélection des PME à qui nous faisons une offre de crédit. Enfin, il ne faut pas oublier qu’en banque d’affaires le métier devient plus commercial après quelques années ce qui m’a servi dans ce nouveau poste à la fois commercial et technique.

Sollicitons votre œil d’expert : si vous étiez un étudiant souhaitant investir dans un projet proposé par WeShareBonds, quels sont les 2 ou 3 points majeurs que vous regarderiez sur ce projet ?

Il faut savoir que les projets proposés par WeShareBonds font déjà l’objet d’une sélection très stricte par les analystes crédit de l’entreprise puis par un comité de sélection composé de professionnels indépendants. A titre indicatif, WeShareBonds a un rendement brut de 6,5% et les projets proposés sont majoritairement amortissables i.e. que le capital est remboursé de manière mensuelle.

De manière générale, ce qu’il faut regarder avant d’investir dans une entreprise c’est sa croissance, sa rentabilité et les différents risques pouvant peser sur celle-ci. Il est nécessaire de projeter les flux de trésorerie de l’entreprise afin de vérifier que celle-ci a la capacité de faire face aux échéances de remboursement.

Qu’est-ce qui vous manque le plus/le moins dans votre carrière en M&A ?

J’ai beaucoup apprécié la diversité des projets traités mais également les liens (parfois amicaux) que j’ai pu tisser avec mes collègues. Ce que je valorise aujourd’hui, c’est d’être davantage maître de mon propre agenda.

LA4Lire aussi : Faire du M&A en province : où postuler ?

Avez-vous des conseils pour nos lecteurs souhaitant s’orienter vers le M&A ?

Je donnerais trois conseils aux lecteurs souhaitant candidater en conseil en fusions acquisitions : une bonne préparation technique, de l’humilité en entretien et ne pas avoir peur de montrer sa motivation.

Ariane Guillaume, étudiante à l’EDHEC Business School et Responsable Editorial du blog AlumnEye