Il a régulièrement été constaté, par le passé, que l’or se met au diapason de nombreuses lèvres lors de périodes plus qu’incertaines. Valeur souvent plébiscitée, gage de sécurité lorsque les marchés ne peuvent offrir de garanties, et ce depuis plusieurs siècles, l’or se distingue du reste des actifs à bien des égards. Pourquoi ce métal précieux suscite tant la convoitise ? Qu’est-ce qui fait sa singularité ?

 

Les paramètres influents sur le cours de l’or

L’or est un métal rare dont l’évolution du cours est régie par plusieurs facteurs dont, généralement, l’influence a pu être distinguée empiriquement. Historiquement, l’or était directement indexé sur le dollar par les accords de Bretton Woods jusqu’à ce que cette convertibilité soit finalement révoquée au cours des années 1970 en raison d’une hausse dangereuse de l’inflation dans de nombreux pays, et de deux dévaluations successives du dollar en 1971 et 1973, rendant le système de parité entre les monnaies insoutenable. Avant ces évènements, le cours de l’or est fixé à 35 $/once, l’once étant la masse de référence utilisée pour les cours officiels (équivalente à 31.104 grammes).

Depuis, il est entre autres observé que le cours de cette matière première suit une évolution négativement corrélée à celle du dollar. Ainsi, une dépréciation de la monnaie américaine pourrait favoriser l’achat d’or ainsi qu’une hausse de son prix. Néanmoins, certains spécialistes incitent à la prudence, comme Paul Wong, gestionnaire de portefeuille chez Sprott Asset Management, qui évoque des politiques de plus en plus agressives de la part des banques centrales, amplifiant la volatilité au niveau des corrélations entre actifs. En effet, ce constat vérifié des années durant semble perdre de sa pertinence sur les dernières années. Ce paramètre n’est donc pas à considérer de façon isolée. Il s’agirait de le conjuguer à celui des taux d’intérêts. Là encore, il a fréquemment été noté une évolution négativement corrélée. Une hausse des taux d’intérêts génère donc assez souvent une tendance baissière sur le cours de l’or (et une psychologie de vente chez les investisseurs), mais quelques exceptions contraires à cette règle ont pu être notées. Ainsi, prédire l’évolution du cours de l’or devrait plutôt reposer sur une analyse conjuguée de ces deux indicateurs.

LA4Lire aussi : Dossier AlumnEye : le trading de commodities

 

Outre ces effets macroéconomiques, le cours de l’or est aussi déterminé par le principe de l’offre et de la demande, d’autant plus que ce matériau se fait de plus en plus rare. La production annuelle d’or est aujourd’hui d’environ 3 000 tonnes (alors qu’elle n’atteignait que 1 000 tonnes au début des années 1980) pour une demande globale supérieure à 4 000 tonnes. Selon certains experts, elle devrait s’éteindre d’ici 20 ans en raison de l’épuisement total des réserves de la planète, d’autant que ses coûts de production ne cessent d’augmenter et que son exploitation devient contestable en matière d’écologie, le tout associé à une hausse de la demande… Il en découle que cette conjoncture pourrait bien avoir son influence sur le prix de l’or d’ici peu. L’inflation exerce également une influence sur le prix de cette matière première. Mécaniquement, une hausse de l’inflation, générée par une augmentation des prix, aboutit in fine a une augmentation du cours de l’or.

Enfin, l’une des causes les plus importantes : la psychologie du marché et notamment le contexte économique et géopolitique mondial, qu’il est nécessaire de bien connaître avant de tenter tout investissement. Et ce qui confère tant d’importance à ce dernier paramètre, c’est une propriété bien particulière inhérente à ce produit de marché.

 

    ENTRETIEN EN FINANCE : PRÉPARE LES BRAINTEASERS

Découvre gratuitement les Brainteasers posés en entretien avec les réponses détaillées par un pro de la finance.

 

L’avantage de l’or en bourse

Dans un contexte classique, c’est-à-dire en l’absence de panique financière, les actions et les obligations demeurent les principaux actifs échangés sur les marchés financiers. Cependant, les premières sont corrélées aux résultats d’une entreprise, aux annonces qui y sont associées, et les secondes aux capacités d’un état à rembourser sa dette par exemple. En somme, cette matière première est indépendante des aléas auxquels sont soumis les actifs évoqués ci-dessus. De plus, l’or, contrairement aux actions et aux obligations, n’offre des profits à ses investisseurs que par la variation de son cours, et ne véhicule pas des flux réguliers tels que les dividendes, les coupons, etc. Ce produit de bourse est donc tout à fait indépendant des marchés financiers.

Des conflits géopolitiques, des tensions économiques, tels que le choc pétrolier de 1979, ou plus récemment la crise économique et financière de 2008, sont autant de facteurs faisant régner l’incertitude sur les marchés et c’est alors que l’or se présente comme une alternative « de repli » pour les investisseurs. Il en résulte alors fréquemment une augmentation de son cours via une demande croissante à l’achat lors de phases de manque de confiance sur les marchés habituels. C’est d’ailleurs en ce sens que le métal jaune se voit attribuer la dénomination de « valeur refuge », un investissement de repli dans lequel se « réfugient » les acheteurs en vue de protéger leur capital dans des circonstances périlleuses.

LA4Lire aussi : Commodities : panorama du marché des matières premières

 

L’or, un produit sûr et peu volatil… est-ce finalement vraiment le cas ?

En partant de l’analyse précédente, ce métal précieux peut être considéré comme la solution miracle à tout aléa boursier et géopolitique. C’est justement tout le crédit que lui porte l’opinion commune. Cependant, trader cette matière première requiert certaines précautions, et de nombreux analystes invitent les acheteurs à la prudence, d’autant plus à l’heure actuelle. L’or atteint en effet des plus-hauts encore jamais répertoriés depuis la fin de son indexation sur le dollar.

David Gandar, gérant d’un cabinet de gestion de patrimoine, affirme lors d’une interview accordée au Républicain Lorrain que « Le potentiel de hausse [de l’or] est très limité, le potentiel de baisse est énorme. […] Quand l’ensemble de la finance mondiale aura réglé ses problèmes, le niveau de l’or va immédiatement baisser de manière conséquente. »

Par ailleurs, au regard de l’augmentation constante du cours de l’or depuis maintenant 20 ans, c’est le phénomène classique de bulle spéculative qui peut inquiéter, par lequel le cours d’un actif (en l’occurrence l’or dans le cas présent) augmente avec une certaine probabilité, mais en laissant place également à une probabilité d’ « éclatement », c’est-à-dire à une chute brutale du cours.

L’existence, aussi, de nos jours, de nombreux produits dérivés sur l’or, en quantités plus importantes que l’or lui-même, contribue à amplifier la volatilité du cours de ce métal, c’est-à-dire ses phases de hausse ou de baisse. De plus, il a été constaté statistiquement que les phases de baisse du cours ont souvent été plus courtes que les phases de hausse (les baisses ont une durée d’environ 4 ans, contre 6 ans pour les hausses en moyenne).

Enfin la corrélation négative entre l’évolution des cours sur les marchés traditionnels et celui de l’or n’est pas absolue, c’est la raison pour laquelle la notion de « valeur refuge » doit être maniée avec précaution. Par exemple, lors du krach de 1998 lié à la chute de la valeur du rouble, l’or a enregistré une baisse de 5 % environ (coté à plus de 300 $ l’once au premier semestre, celui-ci a atteint un plus bas à 282 $ à la fin du mois d’août, suite à la dévaluation du rouble). En outre, si d’une manière générale la valeur du métal jaune a tendance à augmenter en temps de crise, cette observation s’applique essentiellement sur des durées d’investissement importantes, car l’or enregistre des fluctuations sur des intervalles hebdomadaires ou mensuels qui peuvent être baissières, et ce même en période de panique sur les marchés. C’est d’ailleurs ce qui a pu être remarqué lors de la crise récente liée au coronavirus ; notamment, entre le 9 mars (1 675 $/once) et le 19 mars (1 478 $/once), le métal jaune a concédé une baisse de près de 12%, avant de finalement subir une correction une semaine plus tard en revenant à un prix de 1 650 $/once et même de repartir à la hausse pour osciller au-dessus de 1 700 $/once courant avril.

 

Si l’or a fréquemment répondu aux attentes en temps de crise en affichant une tendance inverse à celle observée sur les marchés obligataires ainsi que ceux des actions, l’expérience a révélé qu’il ne fallait pour autant pas en extraire une règle absolue. Ce produit peut certes se présenter comme une option pertinente pour les investisseurs dans ce type de circonstances, mais bien qu’indépendant des marchés traditionnels, l’or ne déroge pas à l’analyse rigoureuse qui se doit d’être réalisée avant tout investissement, notamment d’un point de vue macroéconomique. Un placement relativement sûr, donc, mais nécessitant un minimum de vigilance.

 

Nicolas Liszczynski, étudiant à l’Edhec et contributeur du blog AlumnEye