Face aux nouveaux besoins des entreprises en matière d’analyse de données et au développement exponentiel des applications de l’intelligence artificielle dans l’industrie, on assiste à l’émergence d’une nouvelle classe de consultants : les data consultants. À mi-chemin entre des consultants en stratégie et des data scientists, ces consultants s’attachent à aider les entreprises qui les sollicitent à devenir « data driven » ; une quasi-obligation dans le monde actuel. Les volumes de données à disposition des gouvernements et des entreprises sont en effet colossaux et nécessitent une stratégie pointue afin de les exploiter au mieux et en faire un levier de valeurs.

 

Des consultants ou des data scientists ?

Les sujets « Data & Analytics » concernent de plus en plus de missions et il n’est pas rare de voir des consultants se former en analyse de données au cours de leur carrière. Certains ont également un background en programmation, mathématiques et data science qui leur permet de se mettre à jour rapidement sur les nouvelles problématiques des entreprises dans ce secteur. Cependant, de plus en plus de cabinets commencent à diversifier leurs offres dans leur plateforme de recrutement. Là où nous retrouvions uniquement des offres de recrutement pour des postes de consultant junior (ou expérimenté), il y a maintenant des offres d’emplois pour des développeurs, des ingénieurs, des data scientists et des data consultants.

Les développeurs et ingénieurs ne sont à priori pas au contact des clients et ne sont pas staffés sur les différentes missions. Leur rôle est de développer de nouveaux outils utilisant les dernières avancées en matière d’intelligence artificielle (Machine Learning et Deep Learning) pour ensuite les mettre à disposition des data consultants. Ces derniers les utiliseront abondamment durant leurs missions futures. Il faut donc être attentif sur les intitulés de postes dans les sites carrières des cabinets.

Les data scientists sont des consultants au même titre que les consultants en stratégie. Cependant, à l’inverse de leurs homologues généralistes, les consultants data scientists interviendront exclusivement sur des missions liées aux données ; ce qui leur permettra tout de même de travailler dans quasiment toutes les industries existantes. La spécialisation est donc plutôt fonctionnelle, et pas du tout sectorielle.

 

Profils ciblés par les cabinets et processus de recrutement

Les compétences générales pour le poste sont :

  • Fort intérêt pour l’analyse de données en général ;
  • Curiosité intellectuelle ;
  • Excellentes capacités analytiques et quantitatives ;
  • Connaissances techniques du traitement, de la collecte, de l’analyse et de la modélisation des données (Python, R, SQL, Julia, Tableau etc.) ;
  • Expérience dans l’implémentation de solutions basées sur le Machine Learning ;
  • Solides compétences en mathématiques et informatique.

Les technologies utilisées sont très variées : SQL & R, OLAP, NoSQL, Matlab, Julia et Python, QlikView, MS/Power BI, Tableau, HBase, MongoDB, Cassandra, SQL Server par exemple chez PwC. Il ne faut cependant pas oublier toutes les compétences (présentation, rigueur, capacité de synthèse, etc.) qu’un consultant en stratégie doit avoir ou acquérir puisque ces candidats seront sans aucun doute au contact des clients.

Une attention particulière sera donc accordée aux backgrounds scientifiques (mathématiques, informatique) du candidat au cours du processus du recrutement. En plus des études de cas classiques, les candidats se verront également proposés des questions de logique et des exercices techniques, notamment des analyses de jeux de données avec restitution des résultats en temps limité. Les profils ciblés pour ces postes sont de ce fait différents du parcours classique classe préparatoire et école de commerce ou d’ingénieur (ou le cabinet n’accorde pas trop d’importance aux spécialités et cours suivis). Les intéressés pourront se renseigner sur le two-egg problem qui est fréquemment posé durant les entretiens techniques pour des postes de consultant data scientist.

On retrouve une majorité de jeunes diplômés d’écoles d’ingénieur avec une spécialisation en data science et/ou machine learning. Certains diplômés d’écoles de commerce sont aussi à l’honneur (spécialisation ou double diplôme en data science ou business analytics). Les établissements les plus représentés pour McKinsey et BCG Gamma sont notamment : CentraleSupélec, l’Ecole Polytechnique et les Ecoles Normales Supérieures. Les diplômés des MSc Data Science for Business (X-HEC) et Master of Business Analytics (MIT) sont également très présents dans ces cabinets. Cependant, des profils spécialisés sont aussi recrutés comme des doctorants universitaires en informatique ou mathématiques ainsi que des anciens enseignants universitaires dans ces disciplines notamment.

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Les filiales des gros cabinets et les cabinets spécialisés

Tous les cabinets internationaux ont aujourd’hui une ou plusieurs practices data analytics, un data lab et/ou des équipes spécialisées sur les problématiques data. On retrouve ainsi McKinsey Analytics et BCG Gamma par exemple pour McKinsey & Company et le Boston Consulting Group. McKinsey s’appuie également sur QuantumBlack, une société basée à Londres qui dispose de la mention « a McKinsey Company ». En effet, McKinsey a acquis cette société en 2015 afin de renforcer son expertise dans l’analyse avancée de données. Du côté de Kearney, on a aussi misé sur l’acquisition d’une société spécialisée : Cervello.

Le BCG Gamma propose une description détaillée de ses activités et des différents postes proposés sur son site internet. Le cabinet est à la recherche de consultants formés en Advanced Analytics mais aussi d’ingénieurs logiciels et d’experts des données pour enrichir ses équipes techniques. La principale mission de ces dernières est de mettre au point les outils d’analyse les plus avancés en matière d’intelligence artificielle. La branche conseil du BCG Gamma bénéficie globalement de la même structure qu’un cabinet classique au niveau des postes et de la progression de carrière. Les data scientists junior et senior sont aux côtés des clients et élaborent les solutions statistiques et analytiques demandées alors que les lead et principal data scientists travaillent plutôt avec les partners du BCG pour participer au développement commercial du cabinet (en plus d’encadrer des équipes de data scientists au cours des missions).

De plus, des cabinets se sont même complètement spécialisés sur le créneau de la data. Ces structures fleurissent partout dans le monde depuis la dernière décennie : Fifty-Five, Ekimetrics et Polynom par exemple pour n’en citer que trois. Dans ces sociétés, il n’est pas question de distinguer consultants et data scientists puisque tous les profils recrutés sont les mêmes (double compétence en conseil en stratégie et analyse de données).

 

Intégration des « data consultants » au sein des cabinets

Au BCG Gamma par exemple, le mot d’ordre est le suivant : les consultants et les data scientists sont sur un pied d’égalité et mixés dans les équipes. C’est également le cas d’Eleven Strategy où les rémunérations et les postes sont les mêmes pour tous. Cela peut légèrement varier selon les cabinets comme chez PMP où les data scientists (profils plus solides dans la seule gestion des données) travaillent à part dans un data lab et transmettent les résultats aux consultants de profil ingénieur qui doivent interpréter et présenter les résultats aux clients.

On observe donc des variations entre les cabinets avec une intégration totale, partielle ou quasi-inexistante des profils techniques. Néanmoins, l’intégration se fait de plus en plus insistante au fur et à mesure que la demande des clients augmente. Certains cabinets envisagent même (à horizon très court) de former tous les collaborateurs aux problématiques data et à la programmation pour la data science afin de ne plus du tout distinguer les consultants.

 

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Quelles missions ?

Les consultants accompagnent et aident les entreprises à valoriser leurs données. Le quotidien du data consultant est varié dans le sens où il devra effectuer les mêmes tâches qu’un consultant en stratégie (suivi d’avancement, production de livrables, restitution, présentations) et un data scientist (traitement et nettoyage des données, visualisation, programmation d’algorithmes). Certains consultants peuvent accorder plus d’importance à l’une ou l’autre de ces tâches en fonction de leurs appétences. Cependant, une expertise en sciences des données demeure indispensable dans les deux comptes tenus des problématiques data qui sont abordées.

Les projets data s’adressent à une typologie d’industries et de clients très variés et couvrent des secteurs divers :

  • Utiliser la plateforme d’open data d’une société de distribution d’énergie afin de mettre en place un outil de prédiction de la performance énergétique de chaque bâtiment ;
  • Analyser les flux de passagers sur différentes routes pour une compagnie aérienne ;
  • Mesurer l’impact sur les ventes et le bassin de joueurs de différents leviers publi-promotionnels online et offline d’une Loterie Nationale ;
  • Transformation IA d’une compagnie minière, etc.

Les clients sont souvent de grands groupes qui manipulent un volume de données très conséquent, ce qui nécessite de mettre en place une réelle « stratégie data ». Un consultant utilisera très souvent Excel pour créer un modèle d’analyse alors que le data consultant aura recours à des algorithmes pour manipuler des volumes de données plus complexes.

Face à l’augmentation des effectifs, certains data scientists se spécialisent même sur certains sujets plus précis de l’intelligence artificielle comme le traitement automatique du langage naturel (Natural Language Processing (NLP) qui est la capacité d’un programme à comprendre le langage humain et qui a de nombreuses applications comme la traduction et la correction de textes et la reconnaissance vocale) et la vision par ordinateur (Computer Vision dont le principal but est de permettre à une machine d’analyser et de comprendre des images) ou sur des problématiques spécifiques (pricing, nettoyage de bases de données).

 

Perspectives de carrières

Dans la plupart des cabinets, les différents grades sont assez similaires à ceux des consultants en stratégie : consultant junior, consultant, consultant senior, manager, senior manager et directeur mais la terminologie peut varier. De plus, il est souvent possible d’accorder une certaine partie de son temps à un projet de recherche en R&D (personnel ou professionnel) en intelligence artificielle au sein du cabinet.

Enfin, pour les équipes techniques notamment, les postes ne sont pas les mêmes puisqu’il s’agit d’une approche tout à fait différente du conseil en stratégie.

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Bonus : un étudiant ayant effectué un stage au BCG gamma témoigne de son expérience

« J’ai effectué un processus mixte au sein du Boston Consulting Group, c’est-à-dire que la première moitié du stage s’est déroulée au sein du BCG classique en conseil en stratégie et la seconde partie au BCG Gamma. Dans le cadre du recrutement, cela a pour principal conséquence de multiplier par deux le nombre d’entretiens. Le BCG et la plupart des cabinets de conseil sont assez souples concernant les dates d’entretiens. Il est très possible (et c’est ce que j’ai fait) d’envoyer sa candidature en septembre et de passer ses entretiens début décembre. Pour Gamma, le processus de recrutement pour un stage est composé de deux tours d’entretiens. Le premier tour d’entretien est un coding challenge de deux heures et le deuxième est constitué de deux études de cas.

Le coding challenge permet de tester la capacité du candidat à coder et manipuler des données. En général, le cabinet fournit des datasets (jeux de données) à télécharger sur son ordinateur personnel mais l’intégralité de l’épreuve se déroule dans les locaux du BCG. Tous les documents et supports (cours, internet, etc.) sont autorisés afin de répondre aux questions qui sont posées. Ces dernières peuvent être théoriques, pratiques ou qualitatives. L’objectif est de suivre les questions et d’y répondre en créant des programmes, en utilisant les données fournies et en trouvant les bons modèles à utiliser suivant les situations. Le cabinet va chercher à évaluer le potentiel du candidat plutôt que les réponses qu’il fournit. Le code informatique doit être envoyé sur un serveur et sera intégralement récupéré par les examinateurs qui vont s’attarder sur la manière dont le candidat structure ses idées plutôt qu’évaluer directement ses résultats. J’ai pour ma part eu un bug durant mon coding challenge mais cela ne m’a pas empêché de continuer à coder en ajoutant des commentaires pour expliquer ma démarche et cela a été apprécié par les examinateurs. Pour résumer, le coding challenge vise à évaluer le potentiel du candidat en priorité et non la performance brute.

Le second tour est quant à lui composé de deux études de cas. Les études de cas gamma sont extrêmement différentes des études de cas classiques qu’on peut retrouver dans le conseil en stratégie. Les attentes ne sont pas les mêmes. En effet, l’objectif dans une étude de cas classique est vraiment de décortiquer le problème de manière structurée afin de produire une série de recommandations au client. Pour les études de cas gamma, il y a toujours un problème business à résoudre mais il s’agit plus d’une discussion entre data scientists. Il y a quand même quelques questions techniques mais il n’y a pas d’ordinateurs et l’objectif n’est pas de parler directement de code. Le but est plutôt de savoir quel algorithme ou quelle méthode statistique le candidat utiliserait pour résoudre le problème et quels sont les défauts et les points positifs de la méthode retenue. Le challenge est plus qualitatif que quantitatif. Voici un exemple de cas auquel j’ai été confronté en entretien : une grande chaîne de vêtements souhaite mieux cibler les publicités qu’elle envoie par mail aux clients (les données à disposition étaient les transactions sur tous les clients et tous les produits pour les dix dernières années). Pour se préparer à ce côté qualitatif mais néanmoins technique, je recommande la lecture d’un ouvrage : An introduction to statistical learning with Applications in R écrit par Gareth James, Daniela Witten, Trevor Hastie, Robert Tibshirani. Les applications informatiques ne sont pas obligatoires pour lire le livre. Cet ouvrage sera notamment très adapté à tous ceux qui ne sont pas issus d’un master en data science ou d’un milieu très technique. Pour aller plus loin techniquement, il peut aussi être intéressant de s’intéresser à The Elements of Statistical Learning de Trevor Hastie, Robert Tibshirani et Jerome Friedman. Ce dernier ouvrage est beaucoup plus technique et mathématique, et est moins essentiel que le premier qui est plus complet. Il ne faut néanmoins pas négliger la partie business case de la préparation. Concernant les étapes, le processus est donc généralement composé de deux tours d’entretiens mais il est possible d’avoir un troisième tour si le cabinet veut vérifier ou évaluer une compétence. Ce troisième tour est obligatoire dans le cas d’une candidature pour un CDI.

Pour avoir travaillé dans les deux milieux, j’ai constaté que le quotidien au BCG Gamma est très différent du quotidien d’un consultant en stratégie classique. Le data consultant continue à aller chez le client mais la grande majorité de son temps consiste à coder et à réfléchir à des modèles statistiques. Il y a bien sûr des tâches annexes (animation de workshop et réunion avec les clients) mais les activités du quotidien sont moins variées. Les équipes gamma sont souvent assistées par des consultants classiques qui s’occupent des éléments plus business ou d’une relation client plus importante. De plus, il ne faut pas oublier que l’activité du BCG Gamma est du data consulting mais cela reste beaucoup d’informatique. En effet, la partie études statistiques et modèles est située au début de la mission et représente environ 20% de celle-ci (même si cela dépend des cas tout de même). Ensuite, les clients attendent très souvent que le modèle soit implémenté dans leur propre système informatique. Il s’en suit donc tout une partie computer science qui représente la grande majorité du travail. Au niveau de l’encadrement, un consultant gamma est plus libre qu’un généraliste. L’environnement se rapproche plus d’une organisation agile dans laquelle le data consultant a une grande autonomie pour résoudre un problème donné (implémenter une solution, modifier un modèle par exemple), tout en respectant les deadlines du projet. En tant que consultant classique, les tâches sont plus à court terme (quelques heures) et plus encadrées. Les consultants data sont plus libres, et font un travail qui pourrait se rapprocher de la recherche appliquée. L’ambiance au BCG Gamma est à l’image d’une start-up avec des effectifs réduits par rapport aux consultants classiques. Beaucoup d’événements sont organisés et il est possible de connaître tout le monde.

Enfin, la charge de travail est identique pour un consultant en stratégie et un consultant gamma dans le sens où cela dépend énormément des missions. Je travaillais de 9h à 20h avec parfois des pics à 22-23h ou des arrêts de travail à 18h, mais d’autres stagiaires ont eu des pics à 2h du matin dans d’autres missions. Les missions gamma sont généralement plus longues (entre 6 mois et un an) que les missions de consulting classiques (3 mois en moyenne). Aujourd’hui, les consultants gamma voyagent beaucoup en Europe (Paris, Londres, Stockholm et Amsterdam notamment) puisque la structure est nouvelle et qu’il n’y a pas encore assez de clients dans chaque pays pour assurer un staffing national. Cependant, les équipes gamma se multiplient rapidement et dans quelques années cela ne sera très certainement plus le cas. De plus, le bureau parisien du BCG commence à se réorganiser afin de mélanger les équipes gamma et les autres consultants puisque de plus en plus de cas nécessitent les deux compétences. »

 

Racil Kacem, étudiant à l’ISAE-SUPAERO et contributeur du blog AlumnEye