Après une progression éclair au sein de McKinsey Genève lui permettant de devenir Associate Partner en moins de 6 ans, Daniel Swann a choisi de lancer sa propre société dans le domaine des compléments alimentaires, Lyftonomie. Dans cette interview, Daniel nous présente son parcours académique et professionnel, ainsi que la création de son entreprise.

Devenir Associate Partner en moins de 6 ans ? Lancer son entreprise lorsque l’on est un ancien consultant ? Daniel nous offre ici un regard très transparent sur le métier de consultant, les progressions de carrières possibles ainsi que sa reconversion. Il nous donne également de précieux conseils pour réussir les entretiens en conseil en stratégie !

 

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

Après un baccalauréat scientifique en France, j’ai choisi de poursuivre mes études en Angleterre. J’ai effectué une licence d’histoire à Londres à UCL (University College London). J’ai poursuivi avec un master recherche en sciences politiques à Oxford. J’ai effectué des stages dans le secteur public durant mon cursus : un stage à l’UNICEF en policy research et un autre à l’Union Internationale des Télécommunications qui fait aussi parti du système de l’ONU. J’ai aussi effectué quelques petits stages plus courts notamment dans une banque.

Lorsque j’étais sur le point de finir mes études, je ne savais pas trop encore où m’orienter. La plupart des personnes autour de moi partaient en banque d’investissement, en techs type Google ou en cabinets de conseil. J’ai un peu suivi le mouvement sachant que beaucoup de mes amis s’orientaient vers le conseil. Je ne savais pas vraiment vers quelle industrie m’orienter bien que le secteur public était déjà exclu en raison de mes précédents stages. Je pensais surtout que le conseil me permettrait de découvrir beaucoup d’industries tout en étant une belle introduction au monde du travail.

Après m’être préparé pour les entretiens, j’ai postulé dans à peu près tous les cabinets qui pouvaient exister à ce moment-là dans des bureaux à Londres, Paris et Genève. J’ai en effet grandi non loin de la région de Genève. Suite aux entretiens, j’ai reçu une offre de McKinsey que j’ai acceptée. J’ai donc rejoint McKinsey au bureau de Genève en 2012. J’y ai travaillé pendant 6 ans en tant que consultant généraliste au départ. Je me suis assez vite spécialisé dans les secteurs de la santé et l’industrie pharmaceutique. J’ai effectué beaucoup de projets dans ces secteurs qui sont des industries phares en Suisse. En terme de carrière, j’ai donc commencé comme consultant junior avant de devenir manager en 2015 et Associate Partner en 2017. J’ai passé un an et demi à ce poste avant de quitter le cabinet.

J’ai ensuite décidé de lancer mon entreprise avec une ancienne collègue de chez McKinsey dans le segment des compléments alimentaires avec un modèle de ventes en ligne. En parallèle je fais également des projets de conseil en tant que consultant indépendant.

 

Pourquoi avoir choisi le conseil en stratégie ? Comment s’est passé ton recrutement chez McKinsey ?

J’ai postulé environ une année avant la date que j’envisageais pour ma prise de poste. Je me trouvais en Angleterre à ce moment et il faut savoir que les processus de recrutement y sont beaucoup plus cadrés qu’à Paris dans le sens où il y a des deadlines pour postuler et envoyer le dossier complet de candidature. J’ai donc postulé l’année qui précédait la fin de mes études. J’ai été assez large dans le choix des cabinets tout en privilégiant quand même les cabinets de conseil en stratégie. J’ai postulé aux MBB, AT Kearney, Oliver Wyman, Roland Berger, etc. J’ai aussi postulé dans quelques boutiques situées à Londres pour la plupart. J’ai commencé mes entretiens dans des cabinets qui m’intéressaient moins en terme de positionnement ou qui étaient un peu moins prestigieux. J’ai décalé autant que possible mes autres entretiens pour avoir le maximum d’expérience avant de me confronter aux « gros » cabinets. En amont, j’ai consacré beaucoup de temps à peaufiner mes CVs et lettres de motivation et à faire du networking en allant aux événements dispensés par les cabinets sur le campus et à faire marcher mon réseau. Ce travail a payé puisque les retours que j’ai eus sur mes CVs et lettres de motivation ont été plutôt bons. J’ai obtenu des entretiens dans à peu près 80% des cabinets dans lesquels j’avais postulés. Je me suis aussi préparé aux études de cas tout seul puis avec des amis. Mon niveau dans cet exercice s’est amélioré avec le temps. Mes premiers entretiens étaient en octobre et se sont beaucoup moins bien passés que les derniers. Le stress et la nervosité était bien plus présents au départ et je n’étais pas totalement au point sur les questions de fit. Au fur et à mesure les entretiens se sont mieux passés. Mon dernier entretien s’est déroulé chez McKinsey en février. J’avais clairement beaucoup progressé depuis le premier entretien et le fait d’en avoir fait beaucoup dans des cabinets différents m’a permis de réduire considérablement le niveau de stress et de tension.

A l’issue de ces process, j’ai obtenu une offre chez McKinsey. J’avais initialement postulé à Londres mais j’ai demandé à transférer la candidature au bureau de Genève suite au premier round. J’ai eu deux autres offres en stratégie à Londres et j’étais encore en process chez un autre MBB à Paris que j’ai interrompu suite à l’offre de McKinsey.

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Tu es devenu Associate Partner en moins de 6 ans, ce qui est très rapide. Comment as-tu réussi cette progression ?

Le point principal à souligner dans les cabinets de conseil et particulièrement chez McKinsey est que ce sont des entreprises où un consultant qui est au niveau attendu ne sera pas ralenti et sera même promu régulièrement. Ceci est ancré dans la culture de l’entreprise. Ce n’est évidemment pas le cas dans toutes les autres sociétés mais c’est quelque chose que j’ai retrouvé chez McKinsey.

Le parcours temporel en lui-même est aussi calqué sur les performances durant les projets. De plus, j’avais fait le choix de me spécialiser assez tôt dans le domaine de la santé ce qui m’a permis d’acquérir assez vite une certaine expertise mais aussi de développer des relations avec des clients sur le long terme. Tout ceci fait que je me suis retrouvé dans une situation préférentielle vis-à-vis des exigences de la promotion au poste d’Associate Partner. Pour parvenir à ce poste, il faut en effet avoir une certaine continuité avec ses clients et des relations commerciales pour générer des projets dans le futur tout en ayant des compétences managériales solides. Plutôt que d’effectuer des projets dans beaucoup d’industries différentes, ma spécialisation rapide a facilité l’aspect de fidélisation de la clientèle puisque je n’ai traité qu’avec 5 à 7 clients au total sur ma carrière. Je n’ai pas fait le choix, que certains font, d’utiliser le conseil comme une plateforme de découverte de nombreuses industries. Finalement, l’aspect à retenir est que la montée en grade suit toujours la performance.

 

Tu as participé au recrutement de consultants juniors ou expérimentés, quels étaient les points clés que tu regardais chez un candidat ?

Dans mon cas, j’ai commencé à être investi dans le recrutement au moment où je suis devenu manager, j’ai donc fait passer des entretiens pendant plus de 3 ans. Lorsque j’étais junior, je me rendais plutôt aux événements de recrutement dans les campus.

En tant qu’interviewer, le principe général et le plus important est d’essayer de comprendre si la personne en face de nous peut intégrer nos équipes directement. Cela passe bien entendu par la partie fit où l’on s’attarde sur la manière dont le candidat interagit avec d’autres personnes et se comporte dans des situations compliquées. Il faut bien savoir gérer ce genre de situation mais aussi prendre des initiatives. Sur la partie étude de cas, c’est plutôt le raisonnement et la pensée structurée qui sont analysés. Pour évaluer la performance du candidat, il y a donc cette impression générale que ce dernier dégage mais également un barème plus détaillé et propre à McKinsey avec une grille de notation structurée. Ce barème est le même dans tous les bureaux McKinsey du monde. Le point le plus important lorsqu’on recrute est de savoir si le candidat est en mesure de travailler directement avec nous demain sur un projet. L’étude de cas nous permet de savoir si ce candidat sera à la hauteur en terme de problem solving mais aussi de raisonnement quantitatif. De plus, les qualités interpersonnelles et de communication nous permettent d’avoir une vision en termes d’évolution dans le monde du conseil et de performance à plus long terme.

 

Peux-tu nous présenter ta start-up, Lyftonomie ?

Lyftonomie est une start-up franco-suisse. Ma cofondatrice Viktoria et moi étions les deux référents dans le monde de la santé et de la pharmacie que ce soit chez McKinsey ou dans l’industrie. Nous proposons des cures nutraceutiques innovantes qui suivent un concept saisonnier simple d’utilisation : 4 cures livrées au début de chaque saison à prendre en 1 gélule 1 fois par jour. Nos formules sont évolutives et s’adaptent aux besoins de notre organisme au fil de l’année (défenses immunitaires en hiver, détox au printemps, par exemple). Nous fabriquons en France et proposons un packaging éco-responsable. De plus, le produit est végan et sans-gluten. L’idée nous est venue au travers de notre connaissance du marché et de la chaîne de valeur : les produits nutraceutique (compléments alimentaires) étaient pour la plupart conçus pour les besoins des pharmacies et des grandes surfaces plutôt que pour le consommateur final. Nous avons donc décidé de proposer un produit qui s’aligne avec ce que le consommateur d’aujourd’hui recherche : des compléments alimentaires simples de choix et d’utilisation avec une attention particulière pour la qualité des ingrédients et la transparence. Nous avons beaucoup utilisé notre expérience et notre réseau dans le domaine pour le développement produit, le sourcing d’ingrédients ainsi que les relations avec les fournisseurs. Nous sommes sur le marché depuis environ un an maintenant.

 

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Comment s’est passé ton départ du cabinet ?

L’idée de créer mon entreprise m’est venue en étant chez McKinsey notamment car je voyageais beaucoup en étant consultant. J’ai passé beaucoup de temps aux Etats-Unis où il y a deux ou trois marques qui se sont aussi lancées avec un concept un peu similaire. Cela m’a permis de mûrir l’idée et de me convaincre qu’il s’agit d’un créneau prometteur. J’ai eu une grosse période de réflexion afin de savoir si ce départ valait le coup ou non puisque je pouvais choisir de rester afin de passer Partner. Cependant, l’expérience entrepreneuriale me paraissait être une bonne idée à ce moment-là. Le concept avait du potentiel et c’était le bon moment : aujourd’hui il y a quelques marques en France sur ce segment mais à l’époque il n’y avait personne. En parallèle, j’avais un petit essoufflement personnel sur le côté conseil en terme de lifestyle et le rôle que j’avais me stimulait un peu moins que le rôle de manager auparavant.

En terme de départ, j’ai été très transparent avec le cabinet sur mes raisons et mes objectifs. Nous avons alors négocié une période de départ. J’ai continué à participer aux projets qui étaient en cours et je suis parti en très bons termes. Certains collègues nous ont même aidé dans la levée de fonds. Ce départ a été plutôt bien perçu et c’est quelque chose de général dans le conseil : les consultants qui décident de créer leur propre structure sont très bien vus. Cette démarche fait un peu partie de la culture du secteur et n’a pas de conséquences néfastes pour les bureaux puisque le turnover est très conséquent. Ces départs sont assez courants. Tant que le départ se fait en bons termes et qu’on n’abandonne pas les projets en plein milieu, il n’y a aucun souci. Il faut dire les choses à l’avance et j’ai bien fait attention à ne pas être trop visible et ne pas prendre le leadership d’un projet juste avant de partir puisque ceci aurait été totalement inacceptable vis-à-vis du client. Je suis encore en contact avec beaucoup de collègues, de Partners, etc. Le réseau McKinsey nous a énormément aidé en tant que start-up que ce soit pour des réflexions stratégiques ou au niveau de la levée de fond.

 

Conseiller des entreprises sur leur stratégie VS avoir une stratégie pour son entreprise, l’approche est-elle la même ?

D’un côté, on peut dire que l’approche est très différente. Quand on conseille une entreprise du CAC 40 par exemple, on parle de stratégie pour une entreprise qui est stable sur laquelle on va essayer d’optimiser à la marge des petits pourcentages de croissance. Même si c’est de la stratégie au sens large du terme, cela reste quelque chose de construit sur une base très solide et sur une vision d’entreprise qui est déjà implantée. Lorsqu’on crée une start-up, nous n’avons aucune idée si le produit va plaire et comment ce dernier va se lancer. Finalement, 80% du travail à faire dans ce cas est très loin de ces visions stratégiques. Par contre, avoir une vision globale de notre structure, du business model, des chiffres et une vision à 5 ans par exemple, nous permet clairement d’avoir un axe sur lequel construire et ne pas s’éparpiller dans tous les sens. Nous avons une véritable histoire qui nous aide beaucoup avec les investisseurs ou pour des partenariats puisque nous avons une base solide et crédible. De plus, la méthode du consultant en terme de problem solving, de brainstorming, de décomposition des problèmes nous permet au quotidien d’avoir une vision et une méthode de travail qui se prêtent assez bien au monde de la start-up où il faut être très agile et s’adapter très rapidement aux conditions de marché qui changent.

Nous avons aussi en tant qu’anciens consultants une tendance à suranalyser les choses par rapport aux entrepreneurs purs. Ces derniers sont prêts à tester les choses. Nous avons tendance à être un peu plus réticents et moins agressifs sur les dépenses d’un point de vue financier comparé à l’entrepreneur type de la Silicon Valley. Il peut donc y avoir quelques désavantages à être passé par le conseil avant l’entrepreneuriat notamment au niveau de la vitesse de croissance mais je pense que globalement, les bénéfices sont plus importants.

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Pourquoi selon toi autant de consultants créent leur start-up ou vont travailler en start-up ?

Il y a deux éléments de réponse selon moi. Pendant longtemps, le monde de la start-up n’était pas très présent en France et pas forcément vu comme un secteur porteur et prometteur. Depuis 5 à 10 ans, cette vision a complètement changé.

Il y a aussi un effet de vague dans le sens où beaucoup de profils recrutés en cabinet de conseil sont des profils entrepreneuriaux qui se seraient très certainement orientés vers cette voie-là s’ils n’avaient pas choisi le conseil. De plus, en tant que consultant, on passe beaucoup de temps à aider des entreprises et à réfléchir mais on reste de l’autre côté du rideau : on voit l’effet de notre travail mais ce n’est jamais nous qui implémentons ces recommandations. Nous avons aussi souvent des idées qui ne sont pas prises en compte bien qu’elles aient l’air assez belles et intelligentes lorsqu’on les met sur le papier. Il y a donc une envie d’aller voir comment ses idées sont mises en place lorsque nous sommes nous-même en charge de l’entreprise en question. Pour donner un autre exemple, les personnes qui s’épanouissent dans le conseil sont souvent celles qui arrivent à se construire des plateformes clients, des relations à très long terme et à s’implanter quasiment au sein d’une entreprise. Cette démarche colle beaucoup avec l’esprit de l’entrepreneur. Pour beaucoup de personnes, le monde du conseil induit au bout d’un moment une certaine restriction dans cette possibilité de construire et de prendre des décisions. Le monde entrepreneurial prend alors tout son sens.

 

Les next steps pour Lyftonomie ? 

Pour l’instant, nous voulons nous concentrer sur la France et la Suisse à court et moyen termes. L’idée est de continuer sur le succès initial et potentiellement d’étendre légèrement la gamme de produits. Nous savons que c’est un milieu où il est important d’avoir du choix. Le produit saisonnier a beaucoup de sens puisque c’est un produit auquel on peut vite s’identifier et qui répond aux problématiques de santé du moment. Il y aura cependant un besoin d’étendre cette gamme et c’est clairement quelque chose que nous allons faire dans un horizon de 6 à 8 mois.

Actuellement, nous sommes en train de lancer une deuxième levée de fonds avec pour objectif d’accroître la taille de l’entreprise et de recruter au niveau des ventes et du marketing. Il y a aussi l’objectif d’aller au-delà du canal purement digital et d’avoir quelques canaux physiques pour développer la marque et la visibilité de celle-ci.

 

Traditionnelle question de fin d’interview : quels conseils donnerais-tu à un(e) étudiant(e) qui souhaite s’orienter vers le conseil en stratégie et/ou l’entrepreneuriat ?

Le premier conseil que je peux donner est d’aller parler directement à autant de personnes que possibles. En général lorsqu’on est étudiant, on est un peu dans la bulle de son école et on ne se rend pas forcément compte qu’on a des amis qui ont commencé à travailler, des amis d’amis ou des amis de famille, etc. Il faut essayer d’aller leur parler, de comprendre leur parcours, ce qui leur plaît dans ce qu’ils font. Il faut essayer de trouver les secteurs et les entreprises dans lesquels on pourrait s’identifier et d’avoir une bonne vision du marché du travail ce qui n’était pas forcément mon cas au départ. Faire ce travail de networking en amont paye toujours. Pour quelqu’un qui veut entrer dans le conseil, ce qui est important est de s’y prendre à l’avance pour être prêt en terme de préparation et passer beaucoup de temps à mûrir le dossier pour qu’il y ait une vraie cohérence entre le CV et la lettre de motivation. Le format d’entretien est assez unique avec notamment l’étude de cas. Cela demande une préparation assez intense et ce n’est pas quelque chose qui s’improvise. Je ne connais personne qui a réussi à improviser tout cela et qui a reçu une offre au bout. Une bonne préparation rigoureuse et un gros travail de networking sont pour moi les deux points les plus importants.

 

Racil Kacem, étudiant à l’ISAE-SUPAERO et contributeur du blog AlumnEye