Portrait Olivier Marion PwC

Souvent méconnu des étudiants, le secteur du Restructuring est en plein essor COVID oblige. Marché très riche dans lequel se rencontrent différents métiers, il offre beaucoup d’opportunités, où l’excellence et le travail d’équipe sont au service de la préservation des entreprises, des emplois et de l’investissement. AlumnEye a eu le privilège d’interviewer Olivier Marion, Deals leader chez PwC, associé en Transactions et ancien Président de l’Association pour le Retournement des Entreprises (ARE). Il nous aide à déconstruire les stéréotypes liés au marché des entreprises en difficulté.

 

 

Vous êtes diplômé de l’EDHEC et chez PwC depuis 1994, vous avez eu l’occasion de travailler dans différents services et même à New-York, qu’est-ce que vous retenez de ces années ?

De manière très classique, j’ai commencé par faire de l’audit financier externe chez PwC. Au bout de 4 ans, j’ai rejoint le pôle d’activité focalisé autour des transactions (acquisitions, cessions…). J’ai très vite décidé de faire un échange aux Etats-Unis qui a duré deux ans et demi. J’étais basé à New-York mais en réalité je travaillais aux quatre coins du pays. Je suis ensuite rentré en France dans le pôle Transactions, tout en continuant à travailler sur des projets internationaux pour accompagner des clients et des groupes français qui investissaient à l’étranger. Je suis devenu jeune associé dans ces activités de transactions sur des projets de sociétés en bonne santé (les deals « plain vanilla »). Jusqu’à la fin de l’année 2008, où à la suite d’une opportunité au sein de PwC, j’ai pris la direction de l’activité Restructuring, en me focalisant désormais sur les sociétés qui n’allaient pas bien. Aujourd’hui je m’occupe de l’ensemble des activités autour des transactions, la filière Deals (Corporate Finance, TS, Valuation, Business recovery services et project finance) et je suis membre du comex de PwC France. Ce que je retiens de ces années chez PwC, c’est avant tout une très grande richesse d’opportunités avec des possibilités très vastes. Mon parcours m’a permis de découvrir des métiers différents, d’apprendre beaucoup de choses et de voyager. PwC est présent à l’international et les métiers y sont multiples : conseil en management, transactions, audits financiers, juridiques et fiscaux. C’est un environnement riche, intéressant et attractif. J’ai toujours eu l’impression d’apprendre beaucoup au quotidien, et encore aujourd’hui après 27 ans dans cette société.

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Quelles caractéristiques gardez-vous des différents services dans lesquels vous avez travaillés ?

L’audit financier externe

L’audit financier est le fait de pouvoir, de manière indépendante, valider des informations financières et des états financiers pour permettre une confiance sur les marchés financiers. L’objectif est de certifier l’information pour qu’une entreprise puisse communiquer sur le marché avec un regard indépendant sur sa situation économique et financière, pour rassurer ses clients, fournisseurs, banques, etc.

Les transactions

Les métiers autour des transactions sont en quelque sorte de l’audit adapté au monde de la transaction. Cela consiste en la constitution d’un diagnostic pour un investisseur ou un vendeur qui a besoin de confirmer que le projet qu’il envisage est un bon projet. Ce sont donc des métiers de diagnostic et de conseil ayant pour but la réalisation de la transaction, tout en s’assurant que les décisions et risques qui peuvent exister sont pris en compte. Par exemple, concernant le rachat d’une société, il faut trouver le bon moyen de le faire, c’est-à-dire celui qui permet d’éviter certains risques, ou alors de les couvrir via une garantie de passif ou une réduction du prix d’achat. L’objectif est d’aider à optimiser la réalisation de la transaction et de préparer la suite. Cela passe par la confirmation que le programme d’intégration et de développement des synergies va bien se mettre en œuvre et que la valeur que le client pense créer va se concrétiser quand il va réaliser sa transaction. C’est un travail sur des situations caractérisées par l’urgence (calendrier accéléré), avec un accès à l’information imparfait, limité, des candidats qui se trouvent dans une situation concurrentielle, et qui doivent se forger une opinion le plus vite et clairement possible. Et en plus, les projets font parfois la Une des journaux alors même que nous travaillons sur la transaction. C’est un cycle dans lequel il y a un vrai travail en amont de la transaction (acquisition ou cession) pour bien mesurer les fondamentaux. Pour confirmer son opération, notre client doit s’assurer qu’il a bien compris les fondamentaux d’investissement sur lesquels il base sa décision. Nous l’aidons à valider et à générer ce qu’il a prévu pour que ce soit un succès (les axes de développement, les synergies, l’intégration, etc.). Ce sont des métiers passionnants car chaque cas est différent, on est en interaction avec beaucoup d’interlocuteurs : en interne chez PwC et avec la société pour laquelle on envisage la transaction et ses conseils. Si on est un peu curieux on découvre toujours des modèles économiques et de nouveaux fonctionnements.

L’accompagnement des entreprises en difficulté ou Restructuring

Le métier d’accompagnement des entreprises en difficulté est un travail sur une autre dimension car ces sociétés sont dans un cycle difficile. Ça arrive, mais il faut se soigner ! Il y a différents degrés de maladie. Il est important de savoir qu’il y a beaucoup de solutions pour s’en sortir. Il faut anticiper au mieux les choses. Dans l’accompagnement des entreprises en difficulté, on distingue deux cas :

– L’accompagnement d’une entreprise face à la crise, pour établir un dialogue avec ses partenaires (actionnaires, fournisseurs, clients, banques), expliquer pourquoi elle est en situation difficile et jusqu’à quel point. A partir d’un constat partagé, nous aidons l’entreprise à bâtir ou à revoir des prévisions (business plan) et ce que ces perspectives permettront de faire. Nous évaluons la nécessité de devoir mettre en œuvre des actions correctives, de recentrage sur des métiers cœurs, la fermeture d’un site, la réduction des effectifs pour repartir dans le bon sens. En parallèle, une restructuration financière est effectuée pour remettre les compteurs à zéro. Si des besoins financiers ont été générés, il faudra éponger le passif et prévoir de financer les actions correctives (par exemple, si l’entreprise souhaite investir dans un marché pour se redéployer).

– L’accompagnement des investisseurs qui regardent les opportunités d’acquisitions d’entreprises en difficultés. C’est plus risqué que d’acquérir une entreprise en pleine forme (car l’entreprise est fragilisée, son fonds de commerce érodé, ses équipes fatiguées, etc.) mais quand le projet réussit, c’est une grande satisfaction car on a participé à l’émergence d’une solution qui a pérennisé une entreprise et sauvegarder des emplois. Il y a deux types d’investisseurs : ceux qui sont spécialisés dans l’achat d’entreprise en difficulté ou ceux qui sont spécialisés dans un secteur en particulier et souhaitent se diversifier en amont ou en aval par exemple.

En somme, c’est un accompagnement du client – que ce soit une entreprise ou un investisseur – dont la finalité est d’apporter une solution durant ces situations de crise.

 

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Vous vous êtes spécialisé en restructuring, pourquoi avez-vous fait ce choix ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans le restructuring ?

C’était un choix et une opportunité qui m’a été proposée. C’est un environnement qui avait des passerelles avec les Transaction Services (où je travaillais sur des entreprises qui étaient en forme) et un nouveau monde très intéressant et attractif. Les opérations ne seront pas forcément toutes des succès mais aider l’entreprise à trouver des solutions est une vraie satisfaction, à la fois pour l’entreprise mais également pour ses salariés. Et on trouve souvent la bonne solution qui permettra de continuer à avancer.  C’est un métier passionnant, très humain et riche intellectuellement. C’est aussi un vrai travail d’équipe : auditeurs financiers, avocats, managers de crise, administrateurs judiciaires, banquiers, tous doivent trouver des solutions en préservant leur intérêt respectif, mais en mettant l’entreprise et ses emplois au centre des priorités.

Concernant les passerelles avec les Transaction Services, ce sont les compétences et l’expertise, la capacité à analyser une situation économique et financière, comprendre une évolution. Être capable de savoir si l’entreprise a perdu des volumes, de la marge, si oui sur quel secteur d’activité. Il faut avoir des compétences de diagnostic, d’audit pour comprendre un business model, comment celui-ci a évolué ainsi que la dynamique de projet et de transaction (calendrier, différentes étapes à franchir, la dynamique entre le TS et le restructuring est proche). Les compétences techniques et situationnelles aussi sont pour une bonne part communes. Il faut comprendre les spécificités d’un métier, ce qu’il faut faire ou pas et à quel moment. Il faut également avoir une connaissance des acteurs et interlocuteurs de ces marchés (pouvoirs publics, avocats, etc…). Il est important que les acteurs se connaissent et se fassent confiance car ils vont défendre la partie qu’ils accompagnent en sachant jusqu’où aller et ce qui est acceptable plutôt que de se battre de manière stérile sans faire avancer la solution.

 

Comment voyez-vous le restructuring dans l’avenir ?

Aujourd’hui le marché est caractérisé par le fait que de nombreuses sociétés souffrent, beaucoup d’argent public a été injecté pour soutenir les entreprises (prêts garantis par l’Etat, décalage de charge, de remboursement d’emprunt, mesures de chômage partiel). Ces mesures les aident à répondre à une question de court terme. Il faut attendre d’avoir de la visibilité pour répondre objectivement. La vraie question est plutôt : après cette phase court-termiste, comment les entreprises vont-elles pouvoir continuer ? Comment vont-elles fonctionner sur un mode normal ? Comment vont-elles digérer ce qui a été accumulé (retard de paiement, dette additionnelle) ?

Ma conviction est qu’il n’y aura pas de vague extrême avec beaucoup d’entreprises en difficulté profonde dans un laps de temps limité, mais des mini vagues d’entreprises qui passeront par des phases de traitement de surendettement et peut-être des actions des pouvoirs publics. Le sujet de digestion de ce qui a été accumulé implique que les entreprises devront relancer leurs activités. Il va y avoir diverses solutions apportées par les investisseurs pour renforcer les fonds propres (soit de la part des actionnaires en place ou de la part de nouveaux investisseurs qui vont racheter des actifs de l’entreprise, ou investir à son capital). Je m’attends à beaucoup de dimensions transactionnelles.

Par ailleurs, Altarès dans son étude montre qu’en 2020, il y a une baisse de 40% par rapport à 2019 du nombre de défaillances. Ce qui souligne la mise sous perfusion actuelle de l’économie. Reste à voir quelles seront les bonnes solutions pour rétablir la santé du malade…

 

Quelles sont, selon vous, les compétences et les qualités à avoir pour réussir dans le restructuring pour un étudiant qui voudrait se lancer dans ce secteur ?

Il faut être quelqu’un de curieux et d’engagé. La curiosité est importante pour comprendre les raisons pour lesquelles cela ne s’est pas bien passé et trouver des solutions. Il faut être prêt à s’engager car les situations sont complexes, intenses et le facteur humain est fort. Les situations peuvent s’avérer très conflictuelles étant donné que plusieurs parties n’ont pas les mêmes intérêts, voire des intérêts opposés, ce qui peut être parfois dur à vivre. Le travail en équipe est primordial.

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Quels sont les principaux obstacles auxquels vous avez dû faire face dans la restructuration d’une entreprise ? Comment avez-vous surmonté ceux-ci ?

Je vois deux principaux obstacles :

  • la prophétie autoréalisatrice : lorsqu’on dit qu’une entreprise ne va pas bien et qu’on est convaincu qu’elle ne va pas bien, cela se réalise. En effet, plus personne ne lui accorde sa confiance, c’est donc une spirale négative qui est difficile à stopper. Il faut trouver quelqu’un qui ait la « niaque » pour trouver une solution, être convaincu qu’il y ait un marché et un besoin, se retrousser les manches et porter un projet compliqué en sachant fédérer autour de soi. Il faut donc une dose d’optimisme et un grain de folie.
  • les situations dans lesquelles il n’y a pas pléthore d’investisseurs, de gens capables d’injecter de l’argent. C’est de moins en moins vrai maintenant, à la condition que l’entreprise reste attractive et que l’on soit convaincu qu’elle ait un futur. Pour pouvoir traiter une situation, il faut des moyens d’investissement, et bien entendu des personnes qui ont le culot et la compétence pour accompagner le groupe ou la société sur son retour à la performance.

 

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ? Est-ce qu’il y a un autre message que vous auriez voulu faire passer à travers notre échange ?

Oui, le premier s’adresse aux entreprises et est aussi valable pour les étudiants qui voudront entreprendre. En situation de crise, il n’y a pas de fatalité, il y a beaucoup de solutions et plus on s’y prend tôt plus il y a d’options pour sortir de la crise. Ensuite, pour les étudiants intéressés par ces situations, il y a beaucoup de beaux métiers qui aident les entreprises en crise, j’invite les étudiants à découvrir ces professions !

 

Ludivine Charenton, étudiante à l’EDHEC Business School et contributrice du blog AlumnEye