Après avoir côtoyé les bancs de Dauphine, de la Bocconi ou encore de la LSE, Olivier Cothenet se lance dans une carrière dans le conseil en stratégie. En 2009, il obtient sa place chez A.T. Kearney, où il reste deux ans. De retour d’une mission en Argentine, Oliver est décidé : il va monter sa propre marque de chemises pour hommes, Office Artist. 

Retour sur son parcours plein d’enseignements.

Bonjour Olivier, tout d’abord peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours professionnel ?

Je m’appelle Olivier et j’ai 32 ans. J’ai fait mes études à Dauphine et à la London School of Economics et je me suis dirigé vers un parcours en conseil en stratégie, plus précisément dans le marketing de grande consommation. Pour mon dernier stage, j’ai été assistant du Directeur Général chez Hediard. Après mes études et mes nombreux stages, j’ai été consultant plus de 2 ans chez AT Kearney à Londres, jusqu’à ce que l’on me propose une mission de conseil en Argentine très enrichissante pendant 4 mois. Une fois rentré en France, j’avais envie d’entreprendre. Et c’est là que ma marque Office Artist est née.

 

Tu as fait du conseil en stratégie chez AT Kearney alors que tu viens de Dauphine, qui n’est pas target pour ce type de cabinet. Peux-tu nous expliquer ta démarche pour contourner ce problème ?

Dauphine n’est pas target, mais n’est pas non plus à des kilomètres des écoles qui le sont. J’ai vite fait le diagnostic de mes chances d’intégrer la stratégie, et elles étaient en effet faibles. J’ai alors postulé à la LSE, et j’ai fait des stages en rapport avec le conseil en stratégie, pour avoir un CV cohérent avec mon projet de parcours. J’ai également fait beaucoup de networking pour créer mes opportunités notamment à Londres, et consulté des forums pour comprendre la réalité du process de recrutement. C’était compliqué car à Dauphine, je n’avais pas d’alumni pour m’expliquer tout cela et me donner les bons conseils pour réussir. Forum Hardware m’a beaucoup aidé pour discuter avec des gens du métier et obtenir quelques conseils. Faire ce réseau et apprendre sur le métier m’a pris plus de deux ans avant de rentrer en conseil. J’ai cherché à Paris et à Londres fin 2009, et la crise financière ne m’a pas aidé. En arrivant aux entretiens, je m’étais extrêmement bien préparé, j’avais fait beaucoup de cas, et beaucoup de personnes m’ont aidé à m’entraîner. Lorsque l’on ne vient pas d’une école cible, il faut mettre les chances de son côté et travailler dur sans se démotiver. J’ai eu 2 opportunités : une au BCG à Paris, où j’ai atteint le final round des entretiens mais ils n’avaient pas réellement besoin de quelqu’un, puis chez AT Kearney à Londres. Ils m’ont proposé une offre qui ne commençait pas avant quatre mois, alors j’en ai profité pour faire trois mois de voyage autour du monde avant de commencer chez eux.

 

Tu es formateur AlumnEye sur le conseil en stratégie : quelle est selon toi le domaine où les candidats ont souvent le plus besoin de progresser pour leurs entretiens ?

Ce qu’on donne le plus chez AlumnEye, c’est une méthode, une façon de progresser. On a cette capacité à accompagner les élèves et à leur donner les outils qui leur permettront de progresser plus vite. En 2 sessions de 2h, on les entraîne sur 4 cas différents, avec des enchaînements logiques en terme de complexité, de structure et des corrections adaptées qui permettent de comprendre sur quoi on doit progresser. La progression est donc très forte et le travail beaucoup plus efficace qu’en étant seul. En général les candidats ont moins de mal sur la partie fit mais doivent quand même progresser en parallèle du travail sur les cas. Il ne faut pas se contenter d’être bon pour avoir une offre, il faut être excellent. Il faut penser aux questions que le recruteur va se poser en vous voyant : Est-ce que j’ai envie de présenter cette personne à un client important ? Est-ce quelqu’un de sympa avec qui j’ai envie de travailler ? L’aspect social demandé n’est pas toujours acquis mais peut être travaillé. On cherche des personnes capables de construire des réponses à valeur ajoutée, et d’interagir avec des interlocuteurs de tous niveaux, dans beaucoup de situations différentes. Il faut savoir quel comportement adopter lors d’une conversation, autant avec le CEO qu’avec des salariés, et donc s’adapter à ses interlocuteurs.

 

Quelle est la plus grande différence en termes de recrutement entre Londres et Paris ?

Londres est beaucoup plus internationale, et probablement sélective. Un sortant de HEC va souvent postuler à Paris et à Londres, un sortant de la Bocconi va souvent postuler à Milan et à Londres. Les bureaux à Londres sont assez gros, et servent de hubs pour l’international.

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Qu’est-ce qui t’a donné envie de monter ta propre marque de chemise ?

Tout d’abord, j’avais vraiment envie d’entreprendre, et d’être mon propre patron. Après des années en tant que consultant en stratégie pour de grandes entreprises, je me suis rendu compte que les métiers du conseil ne me permettaient pas de couvrir tous les aspects du lancement d’un projet, surtout en tant que Junior, puisque les missions n’excèdent pas 4 mois. En montant ma boîte, j’étais à même de mener à bien mon projet de A à Z. J’ai pu m’occuper autant du développement, que de la commercialisation et du financement, et ainsi avoir une vraie vision opérationnelle sur la création d’une entreprise.

Dans un second temps, j’ai voulu créer ma propre marque de chemises car c’est un produit que j’affectionne et que je mets beaucoup. L’avantage de la chemise selon moi, c’est que l’on peut rester monoproduit et couvrir pour autant tous les styles de looks. Office Artist mêle le décontracté avec des chemises en jean par exemple, au formel avec des chemises plus sobres et aux tissus plus nobles .

De plus, c’est un secteur dans lequel le marché est large, où les clients sont fidèles, et les marges sont existantes.

 

As-tu toujours été attiré par le milieu de la mode et du textile ?

Je n’ai pas spécialement été attiré par le milieu de la mode auparavant, mais j’aime beaucoup le vestiaire masculin, et je prends du plaisir à m’habiller.

 

Toi qui étais anciennement consultant, quels ont été les changements les plus marquants lors de ton passage de consultant à entrepreneur ?

Premièrement, j’ai commencé à travailler tout seul. En termes d’organisation du travail, et de temps consacré au projet, ça change beaucoup. Finalement, le travail de consultant est assez similaire à celui d’un entrepreneur. On doit être débrouillard et pragmatique. Quand on commence un projet, on est face à une feuille blanche et l’on se pose beaucoup de questions : que faire ? Comment commencer ? Je pense que c’est ici que le métier de consultant m’a vraiment aidé dans la création de mon entreprise, car j’ai acquis grâce à celui-ci, une capacité à m’organiser et à me débrouiller qui sont importantes à l’entreprenariat, au même titre que le fait de devoir être à l’aise au niveau social.. Si je n’avais pas été consultant, je ne m’y serais certainement pas pris de la même manière. Le conseil en stratégie m’a permis d’avoir un certain recul sur le secteur de la mode qui m’était inconnu, et de pouvoir mieux l’appréhender, et mieux le comprendre.

 

La vie d’entrepreneur t’a-t-elle permis de prendre du recul sur certains anciens dossiers de conseil en stratégie ?

Oui, c’est assez intéressant. Ma compréhension des marges est vraiment différente de l’idée que j’en avais à l’époque. Quand on commence en conseil, les marges sont quelque chose d’assez figé. On a l’impression qu’on peut les améliorer un peu, mais en réalité, l’équilibre marge-chiffre d’affaires est relativement figé. Au moment où j’ai créé Office Artist, en démarrant de 0, j’ai découvert des possibilités d’actions sur les marges intéressantes. J’avais entièrement la possibilité de choisir entre volume et marge unitaire importante, ce qui n’est pas le cas dans des business installés.

 

Ce changement de voie a-t-il été spontané ?

En vérité, mon envie de changer de voie a été assez naturelle et soudaine à la fois. Je commençais à avoir fait un peu le tour du conseil, sur la forme et la maîtrise des outils. Il fallait que je me spécialise et je me suis rendu compte que je n’en avais pas spécialement envie. Le seul domaine qui pouvait m’intéresser était le Private Equity, mais 2009 n’était pas la meilleure période pour s’y lancer. Finalement j’ai trouvé presque logique l’idée de créer ma boîte, et c’est d’ailleurs quelque chose d’assez courant dans le monde du conseil en stratégie. Environ un quart des consultants finissent par créer leur boîte.

 

Quels sont les plus gros obstacles que tu as rencontrés lors de la création de ta marque ?

Le plus gros obstacle auquel j’ai dû faire face, c’était le financement. La mode, c’est un secteur assez difficile sur lequel les banques sont très frileuses. L’Etat peut financer quelques parties du projet mais uniquement avec le concours d’une banque. Tant que l’on n’a pas de prêt d’une banque, on n’a pas d’aide de la part de l’Etat. J’ai dû avoir entre 20 et 25 rendez-vous avec des banques pour finalement avoir un financement. J’ai rencontré un banquier intelligent qui a voulu m’aider. Le reste du temps, les banques ne font pas un travail incroyable.

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Quels sont selon toi, les points les plus importants à préparer avant de se lancer dans entrepreneuriat ?

L’important, c’est la rapidité d’exécution. Par exemple, ne pas passer 10 ans à préparer le projet mais commencer à le tester assez vite et être réactif en termes de prise de décisions. Il faut également créer un projet capable de répondre à une vraie problématique, une vraie demande. Il ne faut pas se préparer outre mesure, même si c’est intéressant d’avoir des financements assez rapidement car cet aspect-là prend du temps.

 

As-tu un conseil à donner à des étudiants voulant se lancer dans la création de leur marque de vêtements ?

Envoyez-moi un email ! Je serais ravi de partager mon parcours avec vous plus en détails et de vous conseiller dans votre projet.