Le processus de recrutement en cabinet de conseil en stratégie est long et très sélectif en plus d’être assez unique. Il nécessite une préparation rigoureuse et une bonne compréhension des attentes des cabinets. Le faible taux de sélectivité de ces sociétés est alimenté par un afflux massif de candidats ainsi que des entretiens très complexes. La grande majorité des candidats rappelés pour un premier tour d’entretien ne recevra pas d’offre à l’issue du processus de recrutement.

Certaines épreuves spécifiques (études de cas, brain teasers, fit, etc.) ne peuvent pas s’improviser, et de nombreux ouvrages de préparation à ces épreuves ont vu le jour ; les plus célèbres étant les Case interview secrets de Victor Cheng et Case in Point de Marc P. Consentino.

 

Organisation générale du recrutement

Disons-le tout de suite : il est absolument impossible d’être embauché dans un cabinet digne de ce nom sans une préparation rigoureuse, et ce même pour les diplômés des institutions les plus prestigieuses. Une volonté de fer et une prise d’information sérieuse sur chaque cabinet est indispensable pour venir à bout des entretiens. Beaucoup de cabinets dédient une grosse partie de leur site internet au processus de recrutement en expliquant minutieusement son déroulement ainsi que les spécificités du cabinet, en donnant notamment des exemples d’études de cas. Il est aussi intéressant de lire les rapports publiés en accès libre sur ces mêmes sites. Ces recherches sont indispensables afin de saisir en profondeur le domaine d’activité de chaque cabinet et d’élargir son spectre de candidatures, en adaptant ses lettres de motivation par exemple.

Après le dépôt en ligne de sa candidature sur le site du cabinet (informations personnelles, curriculum vitae, lettre de motivation), le dossier est décortiqué par les ressources humaines. Les critères de sélection sont multiples : formation, expériences professionnelles et associatives, recommandations, etc. Quelques semaines passent et en cas de réponse positive, un entretien téléphonique avec un responsable des ressources humaines est planifié afin de fixer un rendez-vous pour le premier round.

Le process est alors composé de deux ou trois tours comprenant généralement chacun de 1 à 2 entretiens. Leur nombre varie en fonction de la nature de la candidature (stage, CDI, profil expérimenté, etc.) et chacun est éliminatoire. Il est donc nécessaire d’avoir une vision d’ensemble du processus et de bien gérer le timing de ses entretiens. Il peut en effet s’écouler de longs mois entre la date de dépôt en ligne d’une candidature et le moment où le candidat reçoit effectivement une offre. A noter que certains cabinets organisent des tours d’entretien entiers sur une demi-journée. La séniorité de l’examinateur s’accroît au fur et à mesure des tours passés. Les derniers sont les plus critiques puisque les associés du cabinet veulent s’assurer que leur « marque » sera entre de bonnes mains.


Quel bureau choisir ?

Le marché français du conseil est très centralisé et l’écrasante majorité des missions ayant lieu sur le territoire se situent en région parisienne. La place parisienne est ainsi particulièrement appréciée des cabinets puisqu’une seule implantation à Paris permettra de couvrir la majeure partie de l’activité nationale. Fort de ce dynamisme, le bureau parisien du Boston Consulting Group est ainsi devenu l’un des plus importants du réseau mondial.

Cependant, il est indispensable de maîtriser parfaitement la langue du pays visé. En effet, les processus de recrutement des bureaux se font dans la langue locale. Il est donc inutile pour un jeune diplômé de candidater au bureau de Shanghai d’un cabinet international si la résolution d’un cas en mandarin n’est pas dans ses cordes. Il est aussi possible de commencer en France puis d’effectuer une mobilité au bout de quelques années dans un des bureaux étrangers après avoir fait ses preuves.

Pour les candidats français désirant s’expatrier, les destinations privilégiées sont notamment Bruxelles en Belgique et Casablanca au Maroc, puisque les processus de recrutement se déroulent intégralement en français. Pour ceux qui ont accompli des cursus à l’étranger, il peut être intéressant de postuler dans le bureau le plus proche de l’université ou de la structure d’accueil afin de profiter de sa notoriété, mais là encore, la langue ne doit pas constituer un frein.

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Screening CV et lettre de motivation

Cette phase est certainement la plus frustrante pour les candidats non retenus. Après analyse du curriculum vitae et de la lettre de motivation, les ressources humaines décident si le candidat va être invité en entretien ou non. Il faut ainsi accorder la plus grande importance et application à la rédaction de ces documents, et les adapter le plus possible à chaque cabinet afin de faire passer un message spécifique.

 

Test écrit

Cette épreuve (informatique ou à l’écrit) est toujours située en début de processus, juste après le screening. La majorité des cabinets n’y ont pas recours mais McKinsey & Company et le Boston Consulting Group l’utilisent toujours. Il s’agit le plus souvent d’une série de questions quantitatives (analyse de graphiques, petits calculs) parfois sous forme de QCM. Un score minimal est requis afin d’enchaîner sur le premier entretien.

Il est aussi possible d’être soumis à un test d’anglais au cours du premier entretien. Des cabinets sous-traitent parfois même cette activité à des cabinets spécialisés qui sont chargés de faire passer le test de langue au candidat par téléphone.

 

L’étude de cas

Pour un entretien d’une heure, le schéma type est : 5 minutes de présentation, 15 minutes de fit, 35-40 min de case study, et 5 minutes pour poser des questions.

L’étude de cas est l’épreuve la plus célèbre du processus de recrutement mais aussi la plus codifiée. Cette dernière permet en effet d’évaluer et de tester de nombreuses compétences essentielles au futur consultant. Sa préparation s’apparente plus à celle d’un concours d’entrée aux grandes écoles qu’à un entretien ! Les sujets peuvent être inspirés de cas d’études réelles et de missions passées, telle que : le leader du marché des chewing-gums en Europe de l’Ouest a vu ses profits divisés par 2 en 5 ans, comment y remédier ?

Elles sont le plus souvent situées en début d’entretien après une présentation du candidat et éventuellement une courte interview de quelques questions. Durant cet exercice, il n’est absolument pas dévalorisant pour le candidat (au contraire) de poser des questions pertinentes à l’examinateur afin de mener à bien son raisonnement, l’objectif étant de produire une série de recommandations en s’appuyant sur des données analytiques afin d’améliorer la situation initiale. Il convient enfin d’être fiable et rapide en calcul mental.

Pour s’entraîner, des ouvrages de référence comme ceux de Victor Cheng ou de Marc P. Consentino existent mais il est aussi intéressant de s’attarder sur les ressources que les cabinets proposent aux candidats. Ainsi, McKinsey met à disposition plusieurs exemples d’études de cas corrigées sur son site, des témoignages, des exemples de missions réalisées et les principales attentes du cabinet durant les entretiens. Cela est valable pour les grands cabinets généralistes mais aussi pour certaines boutiques et cabinets plus spécialisés comme Alba & Co ou Archery Strategy Consulting. Advancy simule un dialogue entre un candidat et un interviewer. Le sujet du cas au cours de la discussion est le suivant : « Votre client est une société, filiale d’un grand groupe Européen, fabriquant de fibres textiles pour le marché de l’aménagement, notamment la moquette. Cette société opère en France uniquement. Elle produit 10 000 tonnes par an et son chiffre d’affaires représente 50M d’euros. Son résultat d’exploitation est négatif de 10M d’euros par an. Un nouveau Directeur Général vient d’être nommé par l’actionnaire avec comme mission principale de déterminer la meilleure solution à court terme. L’entreprise peut-elle être redressée ? Doit-elle être fermée ou vendue ? Le nouveau Directeur Général vous contacte pour que vous l’assistiez dans la mission qui lui a été confiée. Que lui conseillez-vous ? ».

 

  • McKinsey propose 4 sujets de cas entièrement corrigés en ligne. Voici l’un des 4 :

« Objectif client

La Loravie est un pays fictif situé en Europe de l’Est avec une population de 20 millions d’habitants. Le gouvernement de Loravie souhaite réaliser des améliorations majeures en termes de quantité et de qualité de l’éducation pour ses enfants. McKinsey ayant beaucoup de connaissances et d’expertise dans le secteur de l’éducation, le ministère de l’Éducation de Loravie lui a demandé de lui fournir des conseils sur la manière de réaliser cette transformation de son système scolaire.

Description de la situation

L’économie de marché libre de Loravie est toujours en développement, après avoir émergé de nombreuses décennies sous le communisme. Récemment, le gouvernement de Loravie a mis en place un nouveau plan économique, avec des aspirations à transformer son économie et à dynamiser son développement afin qu’il soit bien positionné pour concurrencer ses voisins européens. Le gouvernement se rend compte que l’éducation de ses enfants est un facteur essentiel pour atteindre ses objectifs de développement économique. Il entend transformer son système scolaire au cours des 10 prochaines années afin de pouvoir soutenir ses aspirations économiques.

La scolarisation en Loravie est entièrement publique et est assurée par un réseau d’écoles publiques qui admettent des enfants de 5 à 18 ans.

La première étape de cet effort consiste à diagnostiquer l’état actuel de l’éducation dans les écoles de Loravie afin de déterminer la meilleure façon de répondre aux aspirations futures du gouvernement.

Étude McKinsey

Il a été demandé à McKinsey de soutenir le ministère de l’Éducation de Loravie dans le diagnostic de l’état de son système scolaire actuel et dans l’identification des domaines d’amélioration les plus importants. »

 

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  • Voici un exemple de cas provenant du cabinet Oliver Wyman :

« Notre client est WumbleWorld, un opérateur de parcs à thème situé dans une ville côtière aisée de Chine. WumbleWorld est une coentreprise à parts égales entre une entreprise étrangère et une entreprise d’État chinoise. L’entreprise gère un seul parc toute l’année et génère principalement des revenus provenant des entrées au parc, de la nourriture, des boissons et des marchandises. Le PDG de WumbleWorld a demandé à Oliver Wyman d’identifier les raisons de la baisse des bénéfices de son entreprise et d’élaborer des suggestions pour inverser cette tendance ».

A noter qu’un certain nombre de documents quantitatifs (courbes, tableaux) regroupant des informations importantes pour le cas peuvent être fournis par l’examinateur au début de l’étude ou suite à une question posée par le candidat ; d’où l’importance des questions !

Quelques variantes des études de cas existent (brainteaser, étude de cas en groupe ou à l’écrit avec un temps de préparation, market sizing). Une bonne préparation générale à l’épreuve de l’étude de cas simple ne sera pas une perte de temps et permettra de mieux aborder ces questions même si elle ne se substitue pas à un bon entraînement sur ces problèmes. Les brain teasers et market sizing sont des questions, souvent courtes, de réflexion. Tandis que le market sizing demande d’estimer une grandeur, le brain teaser exige une réponse exacte. Par analogie avec l’étude de cas, le but du market sizing n’est pas forcément de connaître la réponse exacte mais plutôt d’arriver à une approximation via un raisonnement logique. Voici quelques exemples :

  • Combien peut-on mettre de balles de ping-pong dans un Airbus A380 ?
  • Combien de temps faudrait-il pour laver toutes les fenêtres de Paris ?
  • Combien de mètres carrés de pizza sont mangés chaque année en France ?
  • Combien y-a-t-il d’accordeurs de piano à Paris ?
  • Combien y a-t-il de stations essence aux États-Unis ?

LA4Lire aussi : Brain teaser et market sizing en finance et conseil

 

Les études de cas écrites sont quant à elles toujours d’actualité notamment au BCG durant le deuxième tour d’entretien. Le candidat dispose alors d’un dossier de 20 à 30 pages et de 2 heures de préparation afin de répondre à quelques questions en réalisant des slides à la main en anglais. Il s’en suit une présentation de 20 minutes complétée par des questions sur le cas et de fit.

Beaucoup de consultants s’accordent à dire qu’une simulation d’étude de cas travaillée en groupe est indispensable à une bonne préparation.

 

L’entretien de « fit »

L’autre partie (à ne surtout pas négliger) est le « fit ». C’est très souvent ce qui fait la différence entre deux candidats bien préparés. Le candidat doit être en mesure de se présenter de manière concise et précise, en mettant en avant le fil rouge de son parcours et justifiant ses choix. Il s’agit de pouvoir exprimer ses motivations de façon rationnelle, et de démontrer des qualités de consultant au travers d’expériences passées. Cela demande un effort particulier qui ne doit pas être sous-estimé par le candidat. Par ailleurs, chaque détail du CV ou de la lettre de motivation pourra être questionné en profondeur. Il est également important d’avoir les idées claires sur les questions classiques. Cette partie peut se préparer quasi-totalement en amont contrairement à l’étude de cas où la variété de sujets est infinie ; c’est un avantage de taille ! Située en début d’entretien, il s’agit assurément d’un moment critique de l’interview. Les consultants seniors, managers et partners qui font passer les entretiens veulent avant tout savoir s’il est envisageable de pouvoir partir en mission avec le candidat qui est en face d’eux et de le laisser seul avec le client !

A la fin de l’entretien vient le temps des questions du candidat à l’interviewer. Il s’agit ici de préparer des questions cohérentes avec son parcours ou avec les activités du cabinet par exemple. Cela montre que le candidat s’est réellement intéressé au cabinet, à ses implantations à l’international, ses missions, son éventuel positionnement sectoriel, ses offres de formations en interne, etc. Il est aussi possible de rebondir sur un point abordé lors de l’entretien. C’est aussi éventuellement l’occasion pour l’interviewer de partager son expérience ou d’engager une discussion ouverte.

Au fur et à mesure que les entretiens se succèdent, les questions deviennent plus profondes. Les choix de cursus et de stages sont questionnés, la motivation du candidat est décortiquée.

 

L’offre d’embauche et la période d’essai

Une fois le processus terminé avec succès, une offre d’embauche accompagnée d’une période d’essai est proposée au futur consultant. Les jeunes diplômés, qui ont souvent reçu une offre d’embauche suite à un stage de césure ou de fin d’études, connaissent les rouages du métier au moment d’y revenir en CDI. Cependant, un nombre non négligeable de nouvelles recrues issues du domaine « corporate » n’en viennent pas à bout. En effet, certaines recrues performent lors des entretiens puis subissent un choc culturel important lors des premières missions. Les méthodes de travail en cabinet sont radicalement différentes de ce qui se fait en entreprise. L’obligation de résultats et la pression sont aussi des facteurs à prendre en compte

En résumé, tout ne s’arrête pas après le processus de sélection. Il est nécessaire de bien travailler sa motivation et de prévoir bien en amont tout ce qu’un début de carrière dans le conseil implique.

 

Racil Kacem, étudiant à l’ISAE-SUPAERO et contributeur du blog AlumnEye