Après une carrière en M&A au sein de prestigieuses banques d’affaires telles que Rothschild & Co ou CACIB, Irakli a pris un tournant dans sa carrière en rejoignant le célèbre média Konbini. De l’exigence du M&A à l’univers start-up « à la cool », il nous raconte tout : son parcours professionnel, ses réussites et ses déceptions. Une interview sans langue de bois qui vous aidera à comprendre ce qui fera de vous (ou pas) un futur banquier d’affaires.

 

Bonjour Irakli, tout d’abord, peux-tu nous décrire ton parcours ?

Je suis Georgien d’origine mais j’ai grandi en Russie où, après ma licence, j’ai eu l’occasion de travailler 1 an dans une boutique M&A appelée Strategy Partners. En 2009, je suis arrivé en France afin de poursuivre mes études à l’ESCP. J’ai eu du mal à trouver mon premier stage pour 2 raisons : en 2010 personne n’embauchait car la crise financière avait fait des ravages et je ne parlais qu’anglais ce qui n’intéressait pas les banques sur le marché français. J’ai finalement commencé chez CACIB, une banque d’affaires française, en tant que stagiaire analyste M&A ce qui a été très enrichissant car ils m’ont très vite intégré et laissé une grande autonomie.

Ayant fait très bonne impression à mon stage, CACIB m’a ensuite proposé un travail dans leur nouvelle équipe Oil&Gas. Après trois ans d’activité chez eux, ayant l’envie de découvrir un nouvel environnement, j’ai saisi une opportunité chez Rothschild en M&A. Trois ans plus tard, j’ai finalement décidé de mettre en pause ma carrière professionnelle pour partir voyager un an, voyage à la fin duquel j’ai atterri chez Konbini en tant que Head of Corporate Development.

 

Pourquoi ce passage de CACIB à Rothschild ? En quoi est-ce différent de faire du M&A chez chacune de ces banques ?

J’ai beaucoup apprécié mon poste chez CACIB car ils me laissaient beaucoup de liberté et de responsabilités mais j’ai très vite détesté la Défense et la ligne 1 du métro. Je n’ai qu’une philosophie de vie : « il faut vivre pour vivre » et passer 30 minutes, tous les matins, dans des transports qui te frustrent et te mettent émotionnellement très bas ce n’était plus pour moi. Par contre je reste réellement reconnaissant envers mes collègues et mes supérieurs de chez CACIB qui ont cru en moi, qui ont parié sur moi et m’ont donné la chance de faire tout ce chemin. Je grandissais, j’avais envie de connaître autre chose, d’être dans un cadre de vie qui me correspondait davantage. Rothschild souhaitait m’embaucher, il s’agissait d’une banque d’affaires prestigieuse, leurs locaux étaient situés à 20 minutes à pieds de chez moi en passant par le Parc Monceau à l’époque donc j’ai saisi l’opportunité et j’ai changé de travail.

Mes débuts chez Rothschild ont été un peu compliqués car ils m’ont directement mis dans le rythme de travail en m’envoyant à New York avant même de me présenter réellement à l’équipe. Au départ, l’ambiance était beaucoup moins conviviale qu’à CACIB mais, au fur et à mesure, elle s’est détendue. L’expérience Rothschild a été très enrichissante car, même si émotionnellement c’était dur, ils me poussaient à me surpasser, à me challenger au quotidien, à structurer mes idées et mes connaissances pour atteindre un niveau d’excellence que je n’aurais atteint nulle part ailleurs (notamment car les deals traités à Rothschild étaient plus onéreux, plus stratégiques).

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Selon toi, quelles sont les qualités requises pour être un bon stagiaire / Analyste en M&A ?

Rigueur, rigueur, rigueur et docilité sont, selon moi, les qualités requises pour être un bon stagiaire/Analyste en M&A. Dans ce métier, on ne te demandera pas de prendre des initiatives mais de bien faire le travail. La rigueur est essentielle pour trouver, calculer, analyser les bons chiffres et c’est ce qui poussera tes managers à avoir confiance en toi. Le M&A est une filière d’exigence, de passion où tu dois être capable de donner corps et âme à ton métier. Plus tu bosseras, plus tu seras bon et plus on te donnera des dossiers, donc des responsabilités.

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As-tu une anecdote drôle à nous raconter sur un candidat qui passait un entretien avec toi ? 

Je travaillais chez CACIB et je me souviens d’un candidat qui est arrivé complètement décoiffé, mal habillé à son entretien (alors que le dress-code en banque d’affaires est très strict). De plus, il n’arrêtait pas de rire durant son entretien. Il avait une personnalité intéressante mais il me paraissait totalement à côté de la plaque. Après l’entretien, mon équipe a quand même décidé de l’embaucher car il était correct et on avait vraiment besoin de quelqu’un. Il s’avère qu’aujourd’hui, ce gars-là c’est un de mes meilleurs amis. Je donne cet exemple pour montrer qu’en entretien M&A on réfléchit davantage à la capacité du candidat à exécuter le travail qu’à sa capacité à développer une personnalité hors du commun. En banques d’affaires tout est urgent donc les managers ont besoin de personnes disciplinées et responsables à qui ils pourront faire confiance. Toutefois, il ne faut pas non plus être un robot, il reste important de chercher à se différencier des autres candidats.

 

On parle souvent des horaires en M&A. Qu’est-ce qui pousse selon toi les banquiers M&A à faire un job aussi exigeant (en dehors du salaire) ?

Il est vrai que le M&A est une filière d’exigence où les horaires peuvent être à rallonge. Selon moi, ce qui pousse les banquiers à faire un job aussi exigeant c’est : le prestige, le dépassement de soi, la sécurité monétaire pour accomplir ses projets de vie. Cela peut également être à cause de la pression sociale : tu as fait une prépa, une bonne école de commerce donc tu dois faire du M&A ; c’est comme remplir des cases pour atteindre l’élite sociale. Finalement tu travailles beaucoup en M&A mais tu sécurises ton futur.

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Tu as procédé à un réel tournant dans ta carrière en devenant « Head of Corporate Development » chez Konbini. Peux-tu nous en dire plus sur ce choix professionnel et le poste que tu occupes dorénavant ?

Après avoir quitté Rothschild, je suis parti voyager à travers le monde car j’étais épuisé de ma carrière en tant que banquier d’affaires. Je recherchais une nouvelle voie professionnelle, j’ai un peu regardé le Venture Capital mais je me suis vite rendu compte que mon rêve était plutôt d’ouvrir un surf camp au Portugal et profiter de la vie. Puis, un Associé Gérant de chez Rothschild dont je suis proche m’a appelé pour me dire que Konbini cherchait quelqu’un pour les aider à se structurer et à améliorer leur stratégie pour atteindre leurs grandes ambitions. Ayant eu de très bonnes recommandations, mon profil les intéressait.  Je connaissais Konbini d’avant et j’adorais ! Je suis rentré en France pour rencontrer l’équipe et le courant est tout de suite passé. J’ai directement apprécié les projets, la culture « à la cool » de l’entreprise, le dynamisme créatif et les bureaux (de l’espace, du soleil). J’aime tellement mon nouveau métier que j’ai encore du mal à réaliser que cette opportunité est tombée sur moi.

Chez Konbini, je suis « Head of Corporate Development », je gère toute la stratégie de l’entreprise que ce soit sur la diversification des produits, les nouveaux marchés à l’international, etc. Mon but est de définir où on va aller et comment on va y aller. J’initie les projets et je m’assure que les équipes les mènent à leur réalisation et leur succès.  J’interviens également en Corporate Communication car c’est très lié au Corporate Development : aller à des évènements, assister à des conférences sont des moyens d’en connaître plus sur l’évolution de l’industrie (par exemple, j’ai organisé le partenariat entre Konbini et Web Summit, le plus gros salon de Tech au Monde, et c’était très enrichissant). Enfin la troisième partie de mon poste est de gérer les discussions et les relations avec les actionnaires.

 

Le changement de culture n’a pas été trop violent ?

Les cultures d’entreprise sont totalement différentes chez Rothschild et Konbini.  En banque d’affaires, même quand tu montes les échelons, tout est très structuré et hiérarchisé alors que chez Konbini l’organisation est désordonnée : les solutions ne sont pas données, il faut que chacun mette sa main à la patte pour les trouver, c’est comme cela que je me suis retrouvé à faire de la communication. Je suis beaucoup plus autonome chez Konbini, je dois faire preuve d’initiative et d’inventivité contrairement à mes postes en M&A. De plus, les personnes travaillant chez Konbini et l’ambiance sont exceptionnelles : c’est un rêve !

Toutefois, quand j’étais en banque d’affaires, j’ai eu la chance de travailler avec des personnes avec lesquelles je m’entendais très bien. On s’organisait des dîners, on partait en déplacement à plusieurs, on se retrouvait dans des galères professionnelles jusqu’au matin tous ensemble. Il me semble que, quel que soit le poste que l’on occupe et l’entreprise dans laquelle on travaille, se sentir bien avec ses collègues est la chose la plus importante et la plus motivante.

 

Faire du M&A, en quoi ça t’aide au quotidien dans ton nouveau job ?

Faire du M&A est très formateur car, en banque d’affaires, on t’apprend à prendre des décisions et à les prendre vite (quand on te pose une question sur les chiffres il faut trancher en quelques minutes). Mon expérience en M&A m’a permis de me surpasser au point de ne plus avoir peur de l’inconnu aujourd’hui.

De plus, mon travail actuel pour Konbini est fortement similaire à mes anciennes missions en M&A : regarder et analyser les potentielles opportunités de croissance externe, établir une stratégie à l’international c’est analyser le marché, chiffrer le potentiel de ce marché, calculer le chiffre d’affaires attendu de ce marché, etc. Je fais des Business Plans et je coordonne des équipes toute la journée exactement comme quand je travaillais en banque d’affaires.

 

Qu’est-ce qui te manque le plus de ton ancienne vie de banquier M&A ? Le moins ?

Je dirai que ce qui me manque le moins ce sont les dîners quotidiens à mon bureau car je devais finir des dossiers, les taxis, les costumes et la quantité de travail à faire qui ne servait à rien.

A contrario ce qui me manque le plus ce sont les personnes formidables que j’ai rencontrées et… mon assistante (j’avais la chance d’avoir quelqu’un pour m’aider dans mon travail chez Rothschild).

 

Beaucoup de nos lecteurs souhaitent se diriger vers une carrière en M&A, aurais-tu des conseils ou mises en garde à leur donner ?

J’ai envie de leur dire qu’il faut travailler dur, qu’il faut se préparer aux entretiens (savoir répondre aux questions techniques basiques) mais qu’il faut surtout avoir confiance en soi. Ce n’est pas facile de comprendre pourquoi tu le fais mais une fois que tu l’as compris, alors il faut foncer et tracer sa route. Travailler en M&A est dur, physiquement et émotionnellement, mais si tu sais pourquoi tu le fais alors tu réussiras.

Mon dernier conseil serait de prendre rendez-vous avec soi-même tous les ans pour vérifier que l’on est toujours heureux dans ce que l’on fait, que tous les curseurs sont alignés.

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Ariane Guillaume, étudiante à l’EDHEC Business School et Responsable Editorial du blog AlumnEye