Touchée de plein fouet par les restrictions gouvernementales, l’industrie du sport connaît une crise brutale et violente sans précédent. La pandémie a laissé les stades vides et a forcé l’annulation de centaines d’événements tels que le Tour de France et Wimbledon, mettant à rude épreuve les finances des équipes, de leurs institutions dirigeantes et des médias sportifs. Au même moment, des géants comme Disney et Amazon s’intéressent de plus en plus à l’obtention des droits de diffusion des matches afin d’élargir leur base d’utilisateur. Pour survivre, les groupes sportifs se tournent alors vers des sociétés de capital-investissement, qui leur promettent des injections de fonds et un savoir-faire commercial.
Historiquement, le football a été contrôlé par des hommes d’affaires très influents comme Bernard Tapie, Jean-Michel Aulas, Président de l’Olympique Lyonnais, ou Pini Zahavi, agent très influent responsable notamment de l’arrivée de Neymar au PSG. Ces hommes ont longtemps eu la mainmise sur le monde du Football en étant au contrôle des plus grands clubs et institutions. Plus récemment des milliardaires Chinois ou Russes se sont pris de passion pour le football Européen. Le Chinois Wan Jialin, PDG de Wanda, a racheté 20% de l’Atletico Madrid tandis que le Russe Dimitry Ribolovlev s’est offert le club de l’AS Monaco en 2011. Aujourd’hui, ce sont les grands fonds de Private Equity qui font leur entrée dans le « sport business » pour répondre aux difficultés de financement que rencontre le secteur. Cependant, la présence de ces géants de la finance dérange, notamment auprès des fans et des sportifs.
Une industrie en pleine restructuration avec la crise
La pandémie a considérablement affecté le financement des fédérations et des clubs. En effet, l’impact global du Covid-19 sur le monde du sport est estimé par la Commission européenne à près de 90 millions d’euros de pertes et à plus d’un million d’emplois affectés.
La propriété d’une équipe sportive a pendant longtemps été la chasse gardée des individus les plus fortunés. Mais aujourd’hui, les fonds d’investissement entrent en jeu et les propriétaires de franchises sportives comme la NFL ou encore la NBA aux Etats-Unis comptent bien leur ouvrir la porte. En plus des prix très attractifs des équipes sportives dus au contexte actuel, les fonds de Private Equity peuvent s’attendre à des rendements moyens qui dépassent ceux du S&P 500.
Lire aussi : Les 8 évènements à connaître avant un entretien en Finance
Pourquoi investir dans le sport ?
Le sport est une machine à générer du contenu. Avec la flambée de la demande pour les services de streaming, les ligues sportives disposent d’un formidable levier pour négocier les droits médiatiques. Ainsi, les fonds de Private Equity s’intéressent de près à ces ligues qui rapportent gros à leurs investisseurs, entre 15 et 20% de rendement par an.
Mais, l’investissement dans le sport n’a pas pour seul but de dégager des profits, il possède aussi une place unique dans les portefeuilles des grands fonds et a plusieurs avantages.
1. La diversification de portefeuille
2. La rareté de l’actif
Le sport professionnel est un milieu ultra-compétitif, dans lequel seules quelques grandes équipes attirent toutes les convoitises. Dans les hautes sphères du football européen, seul un nombre déterminé d’équipes peut faire partie de la ligue supérieure. Et parmi elles, ce sont généralement quelques privilégiées qui restent année après année. Ainsi, le nombre limité d’équipes associé au fait que ces équipes changent très rarement de propriétaire (environ tous les 30 ans) permet aux investisseurs de faire monter les prix des clubs au moment de la vente.
3. Les discounts
En général, les acheteurs potentiels de participations minoritaires cherchent à obtenir des décotes considérables par rapport à la valeur de marché en raison de l’absence de prise de contrôle sur l’entité qu’ils acquièrent. Une participation minoritaire peut être achetée 20 à 30 % en dessous de la valeur de marché dans certains cas. Ce fut par exemple le cas lors de la vente minoritaire des Dodgers (franchise américaine de baseball), où les capitaux initialement valorisés 3,2 milliards de dollars se sont finalement vendus à 2,56 milliards.
4. Les droits médiatiques
5. Paris sportifs et NFTs
L’essor des paris sportifs et des non-fungible tokens (ou NFTs) est de bon augure pour l’avenir des franchises sportives. En effet, les ligues profitent de la flambée des paris sportifs pour augmenter le prix de vente des données qu’elles collectent en temps réel. La NFL a pris les devants dans ce domaine en concluant un accord de 120 millions de dollars par an avec Genius Sports. L’entreprise collectera et enverra des informations et des statistiques sur les matchs en direct aux sociétés de paris sportifs. Quant aux NFTs, actifs numériques stockés sur une blockchain qui représentent une image ou une vidéo ayant une identité numérique unique à laquelle on rattache un droit de propriété, ils mettent un réel coup de projecteur sur le monde du sport et notamment celui du Football. En effet, ils font beaucoup parler d’eux sur les réseaux sociaux notamment la start-up française Sorare, spécialisée dans la mise en vente de NFTs liés au football, qui a affolé la toile avec la plus grosse levée de fonds de l’histoire de la French Tech atteignant 680 millions de dollars. L’expansion de ces Non Fungible Token permettra aux ligues de monnayer de nouveaux types d’actifs numériques et de générer des profits tout en attirant une génération plus jeune. Ces deux secteurs sont de vrais leviers pour le développement futur de l’économie sportive.
Les exemples de géants du capital-investissement à l’assaut du sport mondial
Parmi les fonds qui cherchent à investir dans les franchises sportives, une poignée de sociétés de capital-investissement se distinguent : Arctos Sports Partners, Dyal Capital Partners, Galatioto Sports Partners, RedBird Capital Partners, Silver Lake, et CVC Capital Partners. Ces fonds adoptent tous une approche unique pour investir dans le monde du sport, et chacune d’entre elles connaît le succès.
Alors que les fonds souverains recherchent des clubs à forte identité comme le PSG, les fonds de Private Equity et les Hedge Funds profitent d’un secteur fragilisé par la crise sanitaire pour acquérir des clubs à un prix modeste. Ainsi, les transactions se multiplient. Cette année par exemple, le fonds Orkila a pris contrôle de 23% du capital de Bruges, Ares Management 34% de l’Atlético de Madrid et le fonds 777 Partners a racheté le club de Gênes pour 150 millions d’euros.
Des investissements par les fonds de plus en plus nombreux…
Après les championnats espagnols et italiens, les fonds semblent s’attaquer au football français avec dans le viseur la Ligue de Football Professionnel (LFP). En effet, une dizaine de fonds ont déposé des offres pour racheter 10 à 15 % du capital de la société commerciale de la LFP, pour valorisation autour de 1.5 milliard d’euros. Parmi les acquéreurs potentiels, on retrouve de grands noms tels que CVC, Bain Capital, KKR, Apollo, Advent, Silverlake, EQT, Ardian et Bpifrance. Dans les prochains jours, seule une poignée de ces fonds sera sélectionnée pour entrer en négociation avec la LFP. Pour l’instance française, l’urgence budgétaire est de vigueur suite à deux années marquées par des annulations de matchs en cascade. La LFP compte sur cette injection de liquidités pour stabiliser la comptabilité des clubs à court terme, mais aussi pour développer la compétitivité de la ligue qui reste encore bien moins attractive que les championnats du Big Four (Angleterre, Allemagne, Espagne, Italie).
Quant au fonds gagnant, il pourra surfer sur une vague de croissance et de plus-values importantes. Avec 800 millions d’euros de revenus par an, la ligue de football professionnel espère doubler ses revenus d’ici 5 ans notamment grâce à l’arrivée du géant américain Amazon comme diffuseur officiel.
…mais pas toujours appréciés du grand public
Clément Berthillet & Augustin Grouselle, étudiants à l’Université Paris-Dauphine et contributeurs du blog AlumnEye
Articles associés
11 avril, 2019
L’e-sport intéresse le Venture Capital
12 septembre, 2017
Les fonds activistes : des hedge funds cousins des fonds vautours
9 novembre, 2015