Diplômé de HEC, Alexandre Mordacq a réalisé une grande partie de sa carrière en Venture Capital jusqu’à devenir General Partner chez 360 Capital, un fonds spécialisé dans les entreprises innovantes et numériques de la Deeptech. Dans cette interview, il retrace son parcours professionnel, nous explique son quotidien et dévoile ce que l’on attend d’un candidat souhaitant intégrer cet univers très sélectif.

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai passé un bac S avant d’intégrer une prépa commerciale, puis d’entrer à HEC. Durant mon année de césure, j’ai pu découvrir le monde des start-ups à travers deux stages, l’un dans un fonds de Venture Capital parisien, l’autre dans une start-up singapourienne, afin de voir comment cela se passait de l’autre côté. J’ai ensuite fini l’école dans la majeure « Management et Nouvelles Technologies » (devenue « Digital Business »), en partenariat avec Telecom ParisTech. A l’issue de cette dernière année, j’ai rejoint en 2011 la société Finance 3.1, un cabinet de conseil en modélisation financière. Cette expérience m’a permis de maîtriser un petit peu Excel, mais surtout d’apprendre la « vraie » vie au contact de clients exigeants. En 2014, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le fonds de Venture Capital dans lequel j’avais effectué mon premier stage. Ce fonds a ensuite fusionné en 2016 avec 360 Capital, un fonds franco-italien dans lequel je me suis tout de suite plu, et où je suis aujourd’hui encore.

Pourquoi avoir choisi le Venture Capital ?

J’ai eu la chance de découvrir ce métier un peu par hasard en 2009, lors de mon premier stage, alors que je cherchais quelque chose dans la finance en lien avec les nouvelles technologies… je ne pouvais mieux tomber ! Le Venture Capital est en réalité un métier très complet, où l’on a besoin de compétences financières, bien sûr, mais également stratégiques, analytiques, juridiques, humaines, organisationnelles, ainsi que de négociation… Mais c’est surtout un métier où l’on apprend de nouvelles choses en permanence, à travers les nombreuses entreprises que l’on est amené à rencontrer. Bref, si l’on est curieux, c’est un métier idéal. C’est pour toutes ces raisons que ce métier m’a plu, et que j’y suis toujours.

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Quelles sont tes missions concrètement au quotidien ?

Le travail de Venture Capitalist comporte de multiple facettes. Il faut naturellement découvrir de nouvelles sociétés dans lesquelles investir : c’est ce qu’on appelle le sourcing. Via des événements, à travers son réseau, en recherchant proactivement sur Internet, toutes les méthodes sont bonnes. Il faut ensuite qualifier ces entreprises à travers différents prismes (cf. infra), et si l’on est convaincu, monter un dossier d’investissement, qui aboutira à un grand oral des entrepreneurs devant l’ensemble de l’équipe. Une fois qu’on a décidé d’investir, il faut négocier les termes de l’investissement avec l’entreprise. Puis, une fois que cela est fait, on va accompagner l’entreprise dans la durée (en moyenne 7 ans), à travers la participation aux boards meetings, mais surtout via de nombreux échanges informels avec le management. Le Venture Capital joue un rôle un peu particulier de coach et de business developper… Enfin, on va également aider la société dans la recherche de sa liquidité, que ce soit via du M&A ou à travers une IPO, par exemple.

Une autre partie du métier de Venture Capitalist consiste à lever de nouveaux fonds, afin de pouvoir continuer à investir dans le temps. Ce n’est pas nécessairement la partie la plus amusante, mais on ne peut pas y échapper – et cela permet également de développer un peu d’empathie vis-à-vis des entrepreneurs que l’on rencontre ! On prépare donc des pitch decks, et on va frapper aux portes pour présenter notre produit.

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Comment choisis-tu les start-ups dans lesquelles tu investis ?

En tant qu’investisseur « early-stage », on prête une attention toute particulière à la qualité de l’équipe fondatrice, ce qui est parfois un peu subjectif : il faut qu’on « sente » les personnes que l’on a en face de nous, puisqu’on va s’engager dans une relation de longue durée avec elles. Même si rien n’empêche de se renseigner sur leur parcours professionnel, le cas échéant, évidemment… Ensuite, il faut que le marché sur lequel la start-up opère soit relativement gros (ordre de grandeur : 1 milliard d’euros), et en croissance. Enfin, il faut que l’entreprise ait ou soit en mesure de créer des barrières à l’entrée sur ce marché. La sélection des start-ups peut être assez frustrante au début : on passe notre temps à dire « non » à des dossiers qui sont parfois très bons, car on se doit d’être extrêmement sélectif, chaque start-up devant avoir le potentiel à elle seule de retourner le fonds. En ordre de grandeur, on reçoit chez 360 Capital environ 3 000 dossiers par an, on rencontre environ 500 porteurs de projets, et on réalise 10/15 investissements.

Quelles sont les qualités et les expériences recherchées pour travailler en Venture Capital ?

Le Venture est un métier où il faut avoir une grande curiosité, puisqu’on est amené à découvrir des sociétés et des marchés extrêmement variés. Il faut avoir un bon sens de l’organisation, être capable de bien prioriser les choses, autrement il est très facile de se retrouver sous l’eau. Avoir une bonne capacité de travail et de concentration est donc également essentiel. Comme tout marché, je pense, il faut aussi avoir de bonnes capacités de networking. Enfin, il est pour moi clé d’être « fair » avec les différents stakeholders : le principal actif que l’on développe en tant que Venture Capitalist, c’est sa réputation.

En termes d’expériences, on a chez nous des profils variés (entrepreneurs, financiers, consultants en stratégie), mais qui ont tous en commun d’avoir une passion pour la tech, et d’avoir été à un moment ou un autre confrontés à de l’investissement dans des expériences précédentes. A mon avis, on verra de plus en plus de profils passés par des start-ups ou scale-ups s’orienter vers des carrières en Venture Capital, car ils ont l’avantage d’avoir vécu l’hypercroissance de l’intérieur, c’est donc peut-être un chemin à explorer si on veut faire ce métier – même si un bon entrepreneur n’est pas forcément un bon investisseur, et vice-versa… Et évidemment, le fit humain, là encore, est primordial.

Anthony SULIO, étudiant à l’Université Paris-Dauphine et responsable éditorial du blog AlumnEye